En course, les navigateurs professionnels n'ont pas le temps de se mitonner de bons petits plats. Leurs repas se constituent donc essentiellement de repas tout prêts, rapides à préparer, caloriques et surtout avec une très longue durée de conservation. Il existe deux grandes familles de plats préparés sur le marché : le lyophilisé et l'appertisé.Leur fabrication diffère.
Une question de poids et de matériel
Le choix de la nourriture dépend de plusieurs critères et des contraintes de chacun. Pour préparer de la nourriture lyophilisée, il faut la réhydrater avec de l'eau. Il faut donc avoir à bord un dessalinisateur pour transformer l'eau de mer en eau douce ou des bouteilles d'eau supplémentaires dédiées à la préparation du repas.
"Par exemple, pour Michel Desjoyeaux, on sélectionnait des plats sans sel, ce qui lui permettait de réhydrater sa nourriture avec de l'eau de mer. De cette manière, il utilisait moins son dessalinisateur, et donc embarquait moins de carburant, pour avoir un bateau plus léger. La nourriture, c'est aussi une histoire de stratégie", explique Ariane Pehrson, fondatrice de l'entreprise Lyophilise & Co.
Pour la nourriture appertisée, il n'y a pas besoin d'eau puisqu'il suffit simplement de faire chauffer le sachet au bain-marie ou avec un système autochauffant. Il faut donc avoir un bord un réchaud ou un moyen de réchauffer son plat.
"Le choix de l'avitaillement dépend des bateaux et des courses. Les Figaristes reviennent au lyophilisé puisque les étapes sont courtes. En Mini 6.50, il n'y a pas de dessal. Sur le circuit de la RORC, chaque bateau gère son avitaillement", explique Ariane.
"On vend plus de lyophilisé, car c'est plus léger. Les navigateurs ont souvent des contraintes de poids car le voilier doit être le plus léger possible. Pour un plat de même quantité, le lyophilisé pèse 100 g contre 400 g pour l'appertisé", ajoute-t-elle.
Une question de moral
Mais tout n'est pas une question de poids. En effet, le moral en course est important et quoi de mieux qu'un bon gueuleton pour se donner la pêche ? Sur les grandes courses, les navigateurs privilégient plutôt l'appertisé que le lyophilisé.
"Sur le Vendée Globe par exemple, on navigue en solitaire une longue période et garder le moral est important. Les marins partagent généralement leur nourriture entre l'appertisé et le lyophilisé à parts égales."
L'aspect nutritionnel et calorique
"Nous fournissons une base de données avec l'ensemble des apports énergétiques et caloriques des plats. C'est ensuite la nutritionniste de chaque skipper — s'il en a une — qui va faire ses recommandations. A eux de voir s'ils souhaitent suivre ses conseils. Tout dépend également de la période et de la zone de navigation. On aura tendance à privilégier les plats caloriques en hiver et les plats plus légers dans les zones chaudes", explique Ariane.
Le cas Volvo Ocean Race
EN 2014, Lyophilise & Co a mis un pied dans la Volvo Ocean Race en se chargeant de l'avitaillement de l'équipe Dongfeng Race Team. C'est d'ailleurs grâce au team franco-chinois que l'entreprise bretonne a commencé à référencer des snacks (viande séchée, barres de céréales...).
En 2018, elle gérait l'avitaillement des sept équipages, 100 % lyophilisé. "Le cas de la Volvo Ocean Race est particulier. On travaille main dans la main avec l'organisation puisque les containers de nourriture sont préparés dès le départ et sont déplacés à chaque étape de course. La nourriture est contrôlée, on établit des certificats sanitaires, on est en relation avec les services vétérinaires... C'est le cas pour Hong-kong, le Chili ou Dubaï."
Lyophilise & Co prépare donc des caisses de nourriture pour chacun des teams avec un sachet individuel par skipper. C'est-à-dire que tout le monde ne mange pas la même chose. "Si certains teams choisissent les plats en fonction des calories, d'autres le font en fonction du poids à sec. Pour les filles (NDLR : Team SCA par exemple en 2014/2015), elles choisissaient plus les ingrédients avec des reconditionnements, en fonction de la taille de l'équipage."