Interview / Yvan Bourgnon "Je ne joue pas à la roulette russe mais presque…"

Yvan Bourgnon © Denis Tisserand

Depuis Taloyoak, au Canada, Yvan Bourgnon nous a confié son état d'esprit sur les 2/3 de son parcours déjà accompli. Alors qu'il devrait repartir à l'assaut des glaces ce jeudi 17 août, il nous a raconté la difficulté de son défi et le danger permanent qui lui tord le ventre... Son Everest à lui et sans doute la chose la plus difficile qu'il a faite jusqu'à présent...

Comment te sens-tu ?

Le sentiment que j'ai c'est que physiquement c'est hard. Je m'attendais à ça, mais pas à un tel niveau de danger. Il est souvent présent, notamment par rapport à mon tour du monde, où je ne me sentais pas en danger de mort. Ici, si tu démâtes au mauvais moment, tu dérives vers les cailloux, dans 30 nœuds de vent, avec la glace omniprésente sans avoir le temps de faire un gréement de fortune. Il n'y a pas de marge de sécurité, pas de droit à l'erreur et la fatigue est dangereuse.

J'ai navigué depuis Cambridge Bay (pendant 1 semaine environ) sans pilote automatique et j'étais au bout de mes limites. J'ai dormi seulement quelques heures au mouillage.

Tu prends toujours autant de plaisir ?

Il ne faut pas croire, ce n'est pas toujours hostile non plus. J'ai eu des moments de plaisir, avec notamment une faune exceptionnelle : baleines, narvals, bélouga, phoques… Je suis également passé par le détroit de Simpson jonché d'une centaine d'îles et baigné d'une lumière incroyable.

Tu expliques que pour la première fois de ta vie, tu n'es pas serein, tu as la boule au ventre. C'est la chose la plus difficile que tu aies faite ?

Je navigue avec une tension permanente et Dieu sait si je suis l'antithèse du stress ! Je suis dans le stress permanent, avec des nœuds dans le ventre… Je dois réussir à trouver des moments pour me détendre. J'écoute de la musique ou j'essaye de penser à autre chose pour évacuer la tension.

Le danger est permanent. C'est que j'ai fait et ce que je ferais de plus dur. C'est comme l'alpiniste qui fait son Everest. Je suis dans le plus dur de ce que je peux imaginer dans mon sport. Ce n'est pas le plus engagé physiquement et psychologiquement. Je ferais sans doute des choses plus difficiles, mais moins dangereuses. Je ne joue pas à la roulette russe, mais presque !

J'aurai toujours goût pour l'aventure et on ne me l'enlèvera jamais. Mais il faut savoir baisser le niveau de risque. C'est quelque chose qui vient avec l'âge, la réflexion…

Je suis néanmoins très heureux de le vivre ! J'en profite ! C'est hard, mais je suis heureux !

Qu'est-ce qui t'a le plus marqué, le plus impressionné pour l'instant ?

Le caractère sauvage de la nature ! Je n'ai jamais vu une nature aussi sauvage, impitoyable… Il y a seulement 6 villages dans le Grand Nord canadien sur des milliers de kilomètres. La vie humaine est quasiment impossible. Quand j'ai fait le tour du monde, j'ai vu des endroits sauvages, mais pas à ce point. Ici, il n'y a pas un brin d'herbe, pas d'oiseaux… À partir de début septembre, il neige, c'est impitoyable. C'est impressionnant de sentir cette ambiance !

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