Écoutez cet article
Avant que votre barre franche ne vous cède dans les mains, elle va vous livrer quelques signes de fatigue. Parfois, on note une souplesse anormale. Le plus souvent, des traces noires autour des trous de la visserie signalent des entrées d'eau, et donc de la pourriture. Et c'est bien sûr, là que ça casse. En mer plus qu'ailleurs, mieux vaut prévenir que guérir. Si votre barre vous semble fatiguée, remplacez-la sans attendre.
Parfois, c'est un changement de pelle de safran qui impose une barre plus large ou plus étroite : voilà un deuxième motif pour s'offrir une nouvelle barre, même si un jeu de cales peut résoudre le problème.
Et l'usage sportif en régate d'une unité jusque-là peu sollicitée peut révéler un sous-échantillonnage de la barre d'origine. Tout dessus avec quatre bonshommes au rappel et un bon clapot à négocier, une barre franche encaisse des efforts bien plus importants que lors d'une paisible navigation familiale. Dans ce cas également, à vos rabots !
Réaliser soi-même une barre franche est à la portée de tout bricoleur, d'autant plus si votre fournisseur de bois peut vous dégauchir et raboter la pièce de bois. Nous avons refait la barre d'un Muscadet avec un spécialiste du bois : Marc-Etienne Rohmer.
"Sur nos voiliers, le teck et l'acajou – sapelli ou sipo – sont les essences les plus utilisées. Le premier ne nécessite aucune protection. Il grise rapidement mais reste très stable. Le second sera de préférence protégé par un vernis. Dans la série des bois exotiques, le padouk est une essence aux qualités très proches du teck. Brut, ce bois très rouge rebute parfois. On peut conserver cette teinte en appliquant une lasure incolore. A l'extérieur, la couleur du padouk grise vite. Je suis sensible à l'impact écologique. Si le teck me paraît incontournable pour le pont, une barre en acacia est un bon choix. C'est une essence locale, plus cassante que les bois exotiques et un peu moins stable, mais naturellement imputrésible. Il n'est donc pas nécessaire de la protéger. Autre alternative, le frêne. Ce bois très élastique était utilisé pour les skis et les raquettes de tennis, mais il est cassant et ne supporte pas de rester à l'extérieur sans protection. Il faut le vernir.
Mon conseil : soignez particulièrement l'extrémité de votre barre, c'est là que vous mettez la main !"
Choisir son bois
Nous avons réuni cinq essences de bois pour une même barre : en haut, l'acajou, juste en dessous, l'acacia. Plus bas à gauche, du frêne. À droite, l'incontournable teck. Comptez 20 euros pour une lame brute pour une de ces 4 essences. En dessous, une lame de padouk, trois fois moins chère...
Prendre les mesures
On commence par les mesures : largeur au-dessus de la pelle de safran et longueur, le reste est libre ou presque. Le plus simple est évidemment de reprendre les cotes sur l'ancienne barre… et de corriger ses défauts : ici, la nouvelle pièce sera plus large pour se passer des cales et plus de rigidité.
Scier et raboter
À l'aide de la machine à bois, la pièce est dégauchie sur une face et rabotée sur la face opposée. On garde une marge de 1 mm pour raboter au final les deux faces dégauchies. C'est une opération qu'il est conseillé de demander à son fournisseur de bois de la réaliser. À partir de ce stade-là, plus besoin de machines spécialisées. Un plaisancier ordinaire peut s'en sortir avec son rabot à main bien affûté et un peu d'huile de coude.
Tracer
Pour une bonne prise en main, la poignée ne reste pas un grossier rectangle de 55 par 45 mm… On trace au crayon la partie qu'on souhaite conserver. Idem sur les côtés de la barre. À l'extérieur de ces marques, le bois sera éliminé.
Raboter
Rabot électrique ou manuel ? Si vous disposez du premier, c'est tout de même plus facile (et surtout plus rapide). Réglez-le sur une découpe de 0,5 ou 1 mm maxi. On effectue toujours des petites passes pour éviter d'enlever trop de matière. Quand on arrive tout près du trait au crayon, on passe au réglage fin, soit 0,2 mm.
Arrondir les angles
Pour arrondir les angles, on passe au rabot à main. Pour un bon travail, pensez à bien vous installer et bloquez la pièce. Sur les bois massifs, il y a souvent un sens de rabotage, lequel s'inverse parfois d'une face à l'autre. Bien surveiller l'état de surface et créer un plat de 5 mm.
Poncer
Pour la finition, on utilise du papier de verre de 100 ou 120. La cale à poncer est parfaite pour les parties planes, mais pour les angles, mieux vaut utiliser le papier tenu dans la main seuls. Gare aux ampoules pour les petites mains fragiles ! Pour le travail du bois, c'est terminé.
Percer
Reprenez l'ancienne barre pour tracer soigneusement les trous des ferrures. Pour éviter toute erreur, marquez et percez des deux côtés. Vous éviterez ainsi de retrouver un trou décalé de 5 ou 8 mm par rapport à la ferrure.
Remonter
Commencez le montage des ferrures dès le premier trou percé. Pensez à appliquer du Sika sur le filetage ses vis. Il ne vous reste plus qu'à percer dans le bois le trou le plus éloigné, toujours des deux côtés. Montez vis et écrou et terminez de la même façon au milieu.
Installer le stick
Votre stick vous plaît toujours ? Son articulation est en bon état ? Il n'est ni trop grand, ni trop court et ne coince pas dans le tableau arrière ? Alors, gardez-le. Sinon, c'est le moment d'en changer. Percez des prétrous avec une mèche bois de 1 mm inférieur au diamètre des vis. Pour éviter les infiltrations, les vis sont enduites de Sika.
Fixer le pilote automatique
Si votre voilier est équipé d'un pilote barre franche, percez à l'emplacement indiqué par le fabricant – ou reporter le même emplacement que celui de l'ancienne barre. Le trou doit être très légèrement inférieur au diamètre du plot en inox. Préparez un mélange résine époxy/durcisseur pour coller définitivement le téton en inox. Attention au temps de séchage, n'utilisez pas tout de suite le pilote !
C'est prêt !
Ferrures, visserie, stick : tous les éléments de la barre sont à poste. Il ne reste plus qu'à remonter le tout sur la tête de safran. Utilisez un écrou frein par sécurité et surtout pour ne pas serrer trop fort : la barre doit pouvoir se relever sans effort… mais tenir en place avec l'angle choisi.