L'histoire du sauvetage de Paul Meilhat


Alors qu'il occupait la 2ème position du classement sur la Transat St Barth Port-La-Forêt, Paul Meilhat (SMA) s'est sérieusement blessé lors d'une manoeuvre le 14 décembre. Il a dû patienter plus de 20 heures, en, raison des trop mauvaises conditions météo, avant de pouvoir être hélitreuillé et amené à l'hôpital.

SMA naviguait alors au portant sous grand-voile seule et deux ris, à une vingtaine de milles dans le sud-ouest de l'archipel des Açores, dans 50 nœuds de vent et 8 mètres de creux. Blessé au niveau des côtes, de la hanche et de la jambe droite, il a demandé assistance.

"J'étais dans le plus fort de la dépression. Je n'avais plus d'électronique depuis 3 jours, donc je ne sais pas combien il y avait de vent, mais les fichiers donnaient 50 /60 nœuds. J'étais sous la plus petite voilure possible : ORC avec 3 ris dans la grand-voile. Le bateau partait parfois dans des surfs à 30 nœuds.

C'est là que je me suis aperçu que le lashing* de l'étai principal, celui qui tient le mât, avait cédé (* transfilage en textile qui fixe le bas de l'étai au pont du bateau). Il fallait que j'intervienne car il y avait un risque pour le mât. Je me suis mis vent arrière pour ralentir le bateau. J'ai constaté que ça n'enfournait pas trop. Je suis alors sorti sur le pont, harnaché, pour aller raccrocher le lashing. C'est là que le bateau est parti en accélération dans une vague. C'est cette vague qui m'a projeté en arrière, sur le second étai, celui du J3. J'ai tout de suite senti la douleur. Dans la foulée, le bateau est parti en vrac et s'est couché sur le côté. Je suis revenu à quatre pattes sous la casquette. Des lattes de la GV étaient cassées. Ma première pensée a été de remettre le bateau en route pour éviter les îles des Açores qui étaient sous mon vent. J'ai tout de suite appelé Clément (de l'équipe technique de Mer Agitée) pour l'avertir. J'avais très mal aux côtes et une grosse contusion au niveau de la hanche. J'ai donc appelé le médecin Laure Jacolot (médecine du sport, Lorient) dans la foulée qui m'a rapidement prescrit de la morphine et qui, d'après mes symptômes, préconisait une évacuation."

Les secours sont alors avertis, tandis que Paul Meilhat et son équipe décident de mettre le bateau à l'abri, sous le vent de l'île de Sao Miguel (plus grande île de l'archipel des Açores). En fin d'après-midi, le marin prévient qu'il a de grandes difficultés à bouger, le MRCC de Ponta Delgada (Maritime Rescue Coordination Centre, service international de surveillance et de sauvetage en mer), envoie alors les secours.

Mais les conditions météo du moment ne permettent pas d'envisager un hélitreuillage ni un abordage.

Le même jour, à 22h, SMA était à sec de toile et dérivait à 6 nœuds environ vers le large, escorté par le patrouilleur de la marine, resté à ses côtés toute la nuit, tandis que Paul Meilhat gardait le contact permanent avec son équipe et le service médical de Lorient.

"En relation avec Marcus Hutchinson (directeur de projet), nous avons d'abord décidé de tenter de nous mettre à l'abri sous le vent de l'île de Sao Miguel. J'ai dû empanner et à l'approche de l'île, les conditions étaient atroces, avec 8 à 10 mètres de creux, le bateau partait au lof, dans tous les sens. Ça a été chaud, mais j'ai réussi à passer dans le nord-est de l'île, l'idée était que le patrouilleur portugais vienne me récupérer à ce moment-là. Mais nous n'avons pas réussi à nous retrouver dans le bon timing. En fin d'après-midi, lorsqu'il est arrivé à ma portée, SMA avait dérivé, les conditions de mer étaient trop mauvaises pour m'évacuer et le vent trop fort pour qu'un hélico puisse décoller. Au début, ça a été un petit coup dur de me dire que je passerai la nuit en mer. J'ai réussi à me caler sur le pouf dans le fond du bateau avec de la nourriture, de l'eau, des médicaments, l'ordi et le téléphone à portée de main. J'ai pu parler à mes proches et j'étais en contact avec l'équipe."

Le lendemain – mardi 15 décembre – les conditions météo au Nord de São Miguel aux Açores, s'amélioraient lentement, avec un fort vent et une mer très formée. Les secours étudiaient alors le scénario de sauvetage le plus approprié pour évacuer le skipper de SMA dans les meilleurs condtions.

A 14h30, le patrouilleur de la Marine portugaise - Viana Do Castelo - qui avait escorté Paul Meilhat une partie de la nuit, a pu mettre à l'eau un semi-rigide. Un sauveteur a pu rejoindre le monocoque pour aider Paul Meilhat à passer à bord du bateau de sauvetage. L'hélicoptère est arrivé sur les lieux quelques minutes plus tard et le marin a pu être hélitreuillé à bord en direction l'île de Terceira où il a été pris en charge à l'hôpital Santo Espirito.

"Le patrouilleur est revenu le lendemain dans la matinée. La veille, j'avais eu la présence d'esprit d'enfiler ma combinaison de survie, même si ça a été très douloureux de me glisser dedans. Deux personnes sont montées à bord de SMA pour me transborder directement dans leur semi-rigide. Sans civière, ça a été un moment douloureux. Ils m'ont calé dans le fond du zodiac. Puis ils ont commencé à treuiller le semi-rigide pour le remonter à bord du patrouilleur, mais dans la manipulation, le bateau a chaviré et on s'est tous retrouvés à l'eau. On s'est donc retrouvés comme ça dans le bouillon accrochés les uns aux autres pendant quelques dizaines de minutes avant que l'hélico ne vienne nous récupérer un par un. Cette fois avec une civière. Les gars de l'hélico ont fait ça de main de maître. Une demi-heure plus tard, j'étais à l'hôpital. J'ai vraiment une pensée pour les sauveteurs. C'est impressionnant de voir ces gars qui viennent se mettre en danger pour te sauver toi, tu prends conscience de plein de choses."

Paul Meilhat souffre d'une fracture du pelvis et d'une petite fracture des côtes, ce qui ne nécessite pas d'intervention chirurgicale. Il doit rester allonger mais pourra être rapatrié très rapidement.

Parallèlement au sauvetage du skipper, l'équipe technique doit maintenant organiser celui du 60 pieds Imoca. Il se situe à une centaine de milles au nord de Sao Miguel aux Açores, dérivant à une vitesse moyenne de 3 à 4 nœuds sous l'effet du vent et des courants.

Un remorqueur de plus de 66 mètres habitué à porter secours à des cargos en haute mer est parti à sa rencontre ce 17 décembre.

Sur la vidéo du sauvetage, on voit une fumée orange près de l'eau. C'est un fumigène qui permet à l'hélicoptère de voir l'orientation et la vitesse du vent, qui n'est pas la même, en l'air.

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