Souvenez-vous, nous vous avons présenté l'étrange prototype AmerX40 au début de l'été lors de sa mise à l'eau. Un monocoque dériveur de 40 pieds, très large, pouvant déployer deux foils latéraux sensés lui faire gagner en vitesse et en stabilité.
Curieux, nous avons téléphoné à son concepteur/essayeur au cours de son convoyage entre la Normandie et La Rochelle. Arrivé à l'Aber-Wrac'h, Eric Prang nous avait alors avoué que le bateau manquait de puissance due à des problèmes de coupe de voile et d'absence de spi. Mais surtout que la mise au point des nombreux appendices (foils, moteurs électriques rétractables, safrans pneumatiques…) ne lui avait pas permis de rechercher les performances sous voiles. Tout reste donc à découvrir…
Nous avons retrouvé notre passionnant inventeur à l'ouverture du Grand Pavois, impatient de partager avec le public sur le voilier, fruit de son invention. Le bateau présenté est une coquille vide. Si le pont et la coque sont finis et peints, l'intérieur est brut d'aluminium avec juste un plancher sommairement posé. Eric Prang a volontairement laissé les aménagements de côté pour laisser les équipements très accessibles durant la phase de mise au point.
Nous lui avons posé quelques questions pour recueillir ses impressions à la suite de ce premier convoyage :
Les foils fonctionnent-ils comme attendu ?
"Actuellement le bateau n'est pas dans ses lignes. En l'absence d'aménagement, l'avant est trop léger et le bateau penche vers l'arrière d'environ 2°. Du coup en les déployant, les foils n'ont pas une bonne incidence. Mais j'ai noté que dès que l'on pose les foils sur l'eau, le bateau se redresse et bouge beaucoup moins. Il devient confortable et sécurisant. En revanche, descendre les foils revient à perdre entre 0,5 et 1 N. Mais il est trop tôt pour en tirer des conclusions, car trop de paramètres - comme la coupe des voiles qui nous font perdre trop de puissance - doivent être résolus en premier."
Pour ce rendre compte d'un premier résultat du fonctionnement des foils, vous trouverez 2 vidéos tournées lors du convoyage.
L'absence de lest ne pénalise-t-elle pas la stabilité ?
"Je n'ai pas peur que mon bateau se retourne. Très large il a déjà une belle stabilité de forme. En plus, à bord tous les poids sont concentrés sous le plancher, à moins de 50 cm du fond de coque, donc à moins 50 sous le niveau de l'eau : batteries, réservoirs, groupe électrogène… Même avec beaucoup de vent, comme nous en avons rencontré dans le convoyage, jamais le bateau n'a pris une gîte excessive. Il ne met jamais le liston dans l'eau."
Les pods électriques donnent-ils satisfaction ?
"J'ai eu un problème au début avec mes hélices qui sortaient de l'eau quand on naviguait au moteur. Je voulais volontairement ne pas trop descendre les pods pour ne pas les exposer à objets flottants. Mais j'ai dû modifier le système pour qu'ils descendent plus bas. Le système de chariot pneumatique qui monte et qui descend le moteur (un sur chaque bord) fonctionne très bien. Je pense qu'il faudra aussi adapter les hélices. Mais la manœuvrabilité avec 2 moteurs ainsi écartés est parfaite."
Pourquoi utiliser un système pneumatique ?
"J'utilise un système pneumatique plus qu'hydraulique, car je trouve cela plus simple à gérer sur un bateau. Sur chaque bord, un tube qui court de l'étrave à la jupe arrière - un tube qui sert aussi de serre-bauquiere et participe à la rigidité – fait office de réservoir d'air. Un compresseur maintient la pression à l'intérieur. Et des tuyaux alimentent chaque point. Ainsi le mouillage est commandé avec ce système, tout comme la montée et descente des safrans et des moteurs. L'avantage c'est que si une fuite se déclare, on n'a pas plein d'huile partout comme c'est le cas avec l'hydraulique ! Tout le bateau est pensé en double, un peu comme un catamaran avec l'avantage de la redondance en cas de panne. Par exemple, il y'a 2 réservoirs d'air et 2 compresseurs".
Quelle est la suite du projet ?
"Maintenant que j'ai résolu les premiers problèmes techniques et que j'ai bien en main les points clés, je vais pouvoir débuter l'aménagement intérieur. Sans doute cet hiver à La Rochelle. Mais tout ceci va se décider en fonction du retour que j'ai sur le salon du Grand Pavois."