Nicholson 33 : un voilier, une restauration et un rêve, avant de mettre le cap sur le Fastnet 2025

Trouver un voilier à petit budget, le restaurer et lui redonner une seconde vie est un pari osé. Nicolas Granovsky l'a relevé avec un Nicholson 33, ex-Alibi, devenu Seabird. De l'achat à la remise en état, jusqu'au projet audacieux de participer à la Fastnet 2025, il nous raconte cette aventure où passion, détermination et savoir-faire maritime se rencontrent.

Je suis Nicolas Granovsky, je navigue depuis toujours, d'abord sur les bateaux de mon père : Arpège, Dufour 34 puis Chassiron GT. Ensuite, j'ai eu la chance de partir 2 ans en voyage sur le Rara Avis et le Bel Espoir pour une transat, sur un Hanse 342 de Venise au tour du Péloponnèse et retour en Croatie. Enfin sur un Garcia 62 de Turquie au Brésil.

Un cahier des charges réduit

Fin avril 2024 de retour de croisière sur le bateau d'amis, je me mets en tête de trouver mon bateau de "sortie de divorce". Un beau voilier avec budget serré. Les critères de recherche sont simples, avec un cahier des charges réduit, mais contraignant par le budget disponible. Je dispose de 6k€ incluant d'éventuels travaux. Le voilier doit faire environ 10 m, offrir du volume pour au moins 4 personnes, un comportement marin sain et performant, simple et solide.

Je sais que ce budget ouvre des possibilités intéressantes en me basant sur deux critères : des travaux a prévoir que je peux réaliser moi-même et un passionné que l'âge contraint à changer de compagnon et soucieux de transmettre correctement son bateau.

Un Nichloson 33 en annonce

Je tombe sur l'annonce le jour de sa parution. "Alibi", un Nicholson33, 3/4 Tonner conçu par Ron Holland. Mis en vente à 4500 € au Minihic sur Rance. Je suis à bord le surlendemain. En plus de son équipement VHF et AIS récents, il est globalement bien équipé et en bon état global. La GV full batten est en très bon état et j'ai 5 voiles d'avant dont un génois tri radial quasi neuf.

Le point noir est le moteur. Le propriétaire m'indique qu'il ne démarre qu'au Start Pilot. Que son chantier habituel sur la Rance lui a fait un devis à 15k€ pour un nouveau moteur et qu'il ne se sent pas de franchir le pas.

Un petit tour sur la Rance sous solent seul et je suis frappé par la sérénité qui se dégage de ce voilier. Il paraît faire 5 mètres de plus tant il semble déterminé dans son sillage. Un coup de foudre immédiat. Je prends le pari. De toute façon je suis piqué. Et à ce prix là je ne prends pas de gros risque.

J'achète !

J'achète ce bateau sans creuser profondément. Je me base sur la confiance et l'intuition m'appuyant sur la réputation de son architecte et du chantier d'origine dont l'adage était "Camper & Nicholson concevait des bateaux d'exception 100 ans avant que M. Rolls & M.Royce fabrique les meilleures voitures du monde"

On est le 1er Mai, je m'engage. Je laisse le bateau à son ex-propriétaire le temps de s'en défaire, jusque fin juin. Parti sur un coup de dés, ça marche ou c'est compliqué. Je dispose d'une partie de juillet pour le remettre à l'eau, en état fonctionnel, avant les vacances avec mes fils début aout.

Travaux et mise à l'eau

Le bateau est sorti au Chantier Grand Val et je le découvre hors de l'eau début juillet pour démarrer les travaux. Premier point, les œuvres vives sont en bonnes conditions. La coque est saine, on sent que le bateau est effectivement bien entretenu. À l'intérieur, aucune mauvaise surprise, le bateau n'aura besoin que d'un peu de cosmétique et d'amélioration de confort pour les croisières à venir.

Je teste le moteur, suivant une piste indiquée d'un manque de compression. Première grande chance, le bateau est ainsi fait que le moteur est ultra accessible et ne nécessite pas d'être sorti pour être ouvert. Deuxième chance, c'est un Yanmar YS12, rudimentaire mono cylindre, j'ai eu un YS8 sur mon Sangria précédent et je connais un type formidable, mécanicien pointu et éclairé des vieux Yanmar juste à côté, à La Richardais.

Je commence à démonter le moteur étape par étape, du plus simple au plus lourd. La culasse, les soupapes. Démontage, nettoyage, test de compression, tout est OK. L'injecteur ? Il crache bien, peu de nuance de quantité, mais régulièrement. Alors je sors le cylindre… La messe est dite; le piston est cassé entre les segments. Je n'ai jamais vu ni entendu ça. Surement, les contrecoups du Start Pilot.

Des heures de recherche et la bonté de certains chantiers et passionnés qui gardent au cas ou des pièces devenues introuvables opèrent. J'ai trouvé un piston. D'occasion, mais c'est un piston qui va bien quand même. Changement des coussinets de bielle, de tous les joints, pose de segments neufs, nettoyage en profondeur du circuit de refroidissement, du démarreur, du circuit d'huile.

Je passe rapidement les péripéties du boulon de vilebrequin qui casse faute d'avoir bien lu la clé dynamométrique ou du renifleur rouillé qui casse la veille de la remise à l'eau. Remplacés en les tirant d'une épave dont c'étaient les derniers éléments ! La chance accompagne ce projet. Je remercie aussi particulièrement DAM qui fournit encore des pièces pour ces moteurs antiques !

La pompe d'injecteur est réglée sur les sangles au dernier moment, juste avant qu'il ne soit plus possible de remettre le bateau à l'eau avant 15 jours et rater la croisière envisagée avec mes fils.

Il flotte, le moteur ronronne, plutôt pétarade comme il se doit. La première nuit, seul au mouillage sur mon bateau. Le silence après la bataille, le calme avant l'aventure…

Sortie de la Rance et en route !

Le lendemain, je passe le barrage de la Rance pour la renaissance d'Alibi, nom qu'il n'aurait jamais dû porter, une injure à son histoire. Il s'est appelé Alibi pour conserver une place de port pour un de ses anciens propriétaires. Je le rebaptise Seabird, du morceau de musique des Alessi Brothers.

Je découvre un bateau vif, puissant, rapide, un cheval de course libéré que je mène jusqu'aux Ebihens pour son "baptême" avec des copains.

Puis voici levée l'ancre pour un tour de la Bretagne, de St Cast, Paimpol, Roscoff, Ouessant, Loctudy, Groix, Belle Ile, Port Navalo à Vannes avec mes fils et Rufus et retour, seul, Vannes, Roscoff, Cherbourg, Le Havre, son nouveau port d'attache. Une navigation magnifique, intense de beauté, de bonheur, d'émerveillement, de tout ce qui fait la joie d'être en mer.

En Route pour la suite !

Voilà septembre et son gris Paris. Le bateau est au Havre, j'y vais autant que possible. Et germe l'idée de continuer sa résurrection. Et pourquoi pas participer à la Fastnet 2025 ? Deux sister-ships ont remporté les éditions 1975 et 2005. Un pied de nez aux sauterelles modernes, revenir en course, pour les 50 ans du bateau et le centenaire de la course ?

En ce début 2025, c'est chose faite, le bateau est inscrit, il nous reste à trouver des associés pour solidifier le projet et donner l'opportunité d'endosser des valeurs de résilience, de volonté, de tradition maritime et surtout de plaisir à nos futurs partenaires !

Plus d'articles sur le thème
Pour aller plus loin
Nicholson 33 La fiche technique
9.77 mLongueur hors-tout
3.17 mLargeur - Bau
4 500 kgDéplacement lège
Voir la fiche technique du Nicholson 33
Réagir à cet article
Jacques Amédéo
Jacques Amédéo
Belle acquisition ! En plus d'être rapide ce bateau bénéficie d'un excellent rating . Prévoir cependant des bons cirés pour le prés en mer formée.
Jean-yves Château
Jean-yves Château
Le Nicholson 33 est un super bateau excellent au prés par tous les temps et au plein vent arrière par mer pas trop formée. Comme m'avait dit Jean Le Cam sur les pontons de Gosport avant le départ du Fastnet : "bon marcheur, bon rouleur"... Mais ça reste un bateau très physique... Pas moins de 5 équipiers pour le Fastnet. Nous, on était 7 à chaque fois. Je vous souhaite d’être sous la même bonne étoile que nous en 2005 et en 2011. Bonne chance ! Je surveillerai votre traking JY Château
Jean-yves Château
Jean-yves Château
Quant au rating, il est juste !!! Les qualités au près et vent arrière sont largement compensées par les allures de travers beaucoup moins favorables...
Ajouter un commentaire...