Chez les Ferré, les choses arrivent tard, mais elles se font vite
Les parents de Benjamin se marient à 30 ans en 1988. Dans la foulée, ils s'installent à Rennes où naît leur premier enfant Thomas, suivi d'une courte tête par Benjamin l'année suivante. Anne raconte : "Le début de notre vie, c'était un joyeux bazar ! Comme on s'est mariés tard, on a voulu rattraper le temps perdu donc on a eu les enfants tout de suite, tout en montant une entreprise. On a tout fait en même temps donc il fallait vraiment que tout le monde se débrouille, et que ça suive ! Les enfants se sont retrouvés très vite responsables et à 7 et 8 ans, on leur faisait confiance, c'était les bases de la vie à la maison. Comme on n'avait pas le temps de s'occuper d'eux pendant la semaine, c'était le système D, on n'avait pas le choix et ça marchait très bien comme ça, par exemple à 7-8 ans on pouvait les laisser garder leur petite sœur de un an, ça leur a permis de développer un tempérament et d'être très vite autonomes."
Rarement surveillés comme tous les enfants de cette génération, Thomas et Benjamin passent leur temps à se défier pour savoir qui sautera le plus loin, ou courra le plus vite. Mais lequel des deux a voulu voir ce que ça fait de conduire la voiture de papa, qui était garée dans une pente et qui s'est encastrée dans le garage familial après qu'ils aient enlevé le frein à main ? Nous n'avons pas suffisamment d'éléments à ce jour pour trouver un responsable, mais comme souvent avec les projets de Benjamin, c'était une aventure collective.
Le week-end, Anne et Pascal sont en revanche entièrement disponibles pour leurs enfants, et Anne qui est très sportive, les emmène dans des aventures en plein air où elle pousse ses fils à se dépasser : "On va à donf !", leur lance-t-elle régulièrement quand ils pédalent à toute vitesse. "C'est où à donf ?" demande à chaque fois le petit Benjamin. Il est actuellement en train de chercher des éléments de réponse, dans les latitudes australes.
Une adolescence à deux vitesses
Quand Benjamin a 11 ans, la famille déménage à Marseille pour les affaires de Pascal. Ce dernier, fan de course au large, lance un trophée de voile en Méditerranée en 2001, le Trophée de Marseille : "Je ne sais pas si Benjamin s'en rappelle parce qu'il n'en parle jamais, mais quand Pascal, mon mari, a créé ce trophée, Benjamin a croisé Ellen Macarthur, Roland Jourdain, Vincent Riou, Jean-Pierre Dick... D'ailleurs, le port de Marseille avait été aménagé pour pouvoir accueillir tous leurs monocoques".
Pour occuper ses enfants l'été, quand Thomas et Benjamin ont 13 et 14 ans, Anne les envoie apprendre la voile légère aux Glénans et sur le lac d'Hourtin dans le Sud-Ouest. Ce n'est pas encore le grand large et les nuits en mer, mais Benjamin y apprend les rudiments de la navigation. Pendant cette période, il grandit lentement, et selon sa maman, cela joue sur la construction de son tempérament : "En seconde il faisait encore 1,60 mètres, il avait des copains assez grands et sportifs et je pense qu'il avait cette hargne d'exister, et d'être reconnu, malgré sa petite taille, ça lui a donné de la force, et finalement d'un seul coup il a grandi en première et il a pu enfin trouver sa place."
A la maison, Anne et Pascal ont 3 règles d'or : "S'ils ramenaient des notes correctes, on ne les embêtait pas, ensuite ils devaient se défouler via la pratique du sport, et enfin, faire de la musique pour s'initier à la culture, tout cela dans la joie, et le plaisir bien sûr, c'était ça le plus important." Benjamin ne se fait pas prier et enchaîne les activités : foot, rugby, escalade, tennis, équitation, il touche à tout, avec, chevillée au corps, l'envie de se prouver qu'il est cap'. L'adolescent n'a peur de rien, veut tout tester et se construit une solide expérience, non sans y laisser quelques plumes, car il collectionne les blessures et les points de sutures, qui n'ont jamais alarmés sa maman :" Je n'étais pas du genre à leur dire de faire attention, au contraire, je les laissais expérimenter et du moment qu'il y avait un objectif et une raison valable de prendre des risques, je ne les freinais pas."
Cap sur l'aventure
A 18 ans, Benjamin étudie à Angers et se lance dans le 4L trophy, au volant d'une 4L rose sponsorisée par les instituts de beauté Body Minute. Ensuite il alterne entre missions professionnelles et aventures, avec un tour du monde en stop, qui l'amène à passer le Cap Horn à la voile en bateau-stop, et 2 ans plus tard, une traversée de l'atlantique de 3 mois et demi au sextant avec 2 copains, aussi inexpérimentés que lui, pour voir ce que ça fait, encore et toujours. Quelques années plus tard, un ministe croisé sur un ponton lui raconte sa course et il n'en faut pas plus à Benjamin pour prendre le départ de la mini-transat 6.50 en 2019.
sur son Mini, il traverse l'Atlantique une nouvelle fois en solitaire, sous les couleurs d'IMAGO, une association qu'il a créée pour soutenir les aventuriers dans leurs projets et les aider à passer du rêve à la réalité. Il arrive 2ème de la course, et surprend un peu tout le monde par ses bons résultats, car il ne vient pas du milieu. Quelques années plus tard, il croise Jean Le Cam qui lui raconte son Vendée Globe 2020, et comme d'habitude, il n'en faut pas plus à Benjamin pour prendre le départ de cette même course en 2024. S'il croise la route d'Inoxtag ou de Thomas Pesquet, il est probable qu'on le retrouve dans quelques années en Himalaya ou dans la station spatiale internationale…
Bien dans sa course
Fidèle aux valeurs que lui ont transmises ses parents, Benjamin fait une belle course, dans une joie communicative, qu'il diffuse via des vidéos où on le voit danser et chanter sur son bateau, et nous raconter ses aventures avec ses yeux de petit garçon, qui nous rappellent que même s'il est extrême et pousse les marins dans leurs retranchements, le Vendée Globe donne quand même beaucoup de bonheur à ceux qui y participent. Benjamin fait plaisir à suivre, et met du pétillant dans les verres d'eau salée que boivent tous ces aventuriers et ces aventurières.