Quel est votre regard sur l'édition 2024 du Vendée Globe?
Comment je regarde cette 10e édition ? Je ne pensais pas qu'on pourrait trouver 40 bateaux sur la ligne. Les processus de qualification et de préparation sont impressionnants. Toute la flotte est ultra préparée. A titre de comparaison, en 1996, j'ai trouvé mon bateau en septembre, soit 8 semaines avant le départ.
Que pensez-vous des foilers, qui n'existaient pas sur les deux Vendée Globe que vous avez courus?
Ils sont à mon sens invivables. Je suis émerveillé qu'on soit capable d'inventer des bateaux volants, mais inquiète les conséquences d'un choc avec un OFNI, mais aussi pour l'intégrité physique des marins. Et surtout du plaisir qu'ils peuvent avoir.
Quelle est la principale évolution que vous avez constatée entre 1996 et 2024 ?
Une fois en mer, les marins ont des obligations d'échanges quotidiens avec la terre. Mais on communique beaucoup. J'ai vu la différence entre 1996 et 2000. On est passé de la liaison radio au satellite. L'époque évolue. Quand on avait peu d'échange avec la terre, on délivrait des messages plus forts et plus denses. Aujourd'hui, les skippers ont l'obligation de se mettre en scène, et je trouve que les contenus sont moins denses, moins authentiques. Il faut faire vivre la course au quotidien pour le public.
Mais ça n'enlève rien à leurs performances sportives. Ça reste dingue de faire le tour de l'Antarctique sur un bateau à voiles.
Existe-t-il des points communs dans la communication par rapport à 1996 ?
Quelque chose demeure, c'est de les voir faire face à des problèmes techniques. Ils vont avoir des galères, et il faudra trouver des solutions. Les témoignages dans ces périodes délicates sont pertinents. Les observer trouver des trésors d'ingéniosité pour faire face aux galères est intéressant.
Dans votre vie politique, à quoi vous a servi votre expérience de navigatrice ?
Vivre un Vendée Globe, notamment un chavirage dans l'Indien, ça m'apporte une légitimité pour parler des océans. Le large m'a fait comprendre des enjeux. Je continue de profiter des leçons sur ce premier Vendée Globe.
La montée du niveau de la mer est notre principale préoccupation. Les gens voudraient construire des digues, mais ça ne suffira pas. Il faudra accepter que la mer envahisse certains territoires. Mais comme sur une préparation de Vendée Globe, je crois beaucoup en la force du collectif.
Vous avez décidé de ne pas vous représenter au parlement européen. Pourquoi avoir fait ce choix ?
J'ai fait ce mandat un peu à la manière dont je me suis lancée dans la course au large, avec passion et détermination. J'ai soumis plusieurs résolutions concernant l'océan, notamment pour interdire l'exploitation des grands fonds marins. J'ai également proposé un amendement au texte sur les emballages afin de mettre fin à l'utilisation des chips en polystyrène dans les cartons, amendement qui a été adopté par le Parlement. C'est un accomplissement dont je suis particulièrement fier. Mais aujourd'hui, je sors un peu fatiguée de ce mandat, et j'ai besoin que la vie aille moins vite, et de voir dans quelle mesure je peux continuer à me rendre utile.
Le plan Harlé Mortain, avec lequel vous avez couru l'édition 96, est toujours dans la famille ?
Pour le moment, oui. On a toujours notre cigare rouge avec lequel j'ai couru la Route du Rhum en 2022. J'ai fini deuxième de la classe, en coupant la ligne d'arrivée le jour de mes 60 ans. De plus, c'était un excellent support de communication pour mettre en avant notre travail au parlement, et les enjeux qui en découlent. Avant cela, mon mari avait couru la précédente Route du Rhum, après l'avoir restauré. Mais aujourd'hui, nous cherchons à le céder à un nouveau skipper qui continuera à faire naviguer cet incroyable voilier, qui a une formidable histoire.
Je vais continuer à naviguer, mais en croisière, et sur un voilier physiquement moins exigeant.
Vous serez présente au départ du Vendée Globe 2024 ?
Je ne sais pas si je serai au départ, mais je suis allé à la fête qui a rassemblé tous les skippers ayant finir classés depuis 1989.