Comment ont évolué les graduations des roses des vents, du rhumb au degré ?

© JL Gutierrez

Depuis des siècles, les navigateurs s'orientent grâce à la rose des vents. Bien que la graduation en 360° soit aujourd'hui universelle, elle a longtemps coexisté avec des systèmes en quarts, en demi-quarts et même en huitièmes de quart, conférant à chaque boussole une singularité propre à son époque et à la culture nautique qui l'a façonnée.

La rose des vents, élément central du compas, est un repère essentiel pour les navigateurs depuis des siècles. Pourtant, sa graduation n'a pas toujours suivi le modèle de 360° que nous utilisons aujourd'hui. Au 19e siècle, diverses graduations coexistaient, chacune ayant ses partisans et ses applications spécifiques. Voyons de quelle manière elles se distinguaient.

Les graduations de la rose des vents : un héritage pratique

Les premières roses des vents étaient avant tout conçues pour une navigation pratique. Dans ses premières versions, la rose était divisée en quatre grands secteurs correspondant aux points cardinaux : Nord, Sud, Est et Ouest. Ce système en quarts de cercle de 90° permettait aux marins de s'orienter facilement sans avoir à se soucier de la précision des angles. La subdivision de ces quarts en deux, puis en quatre, donna naissance à des directions intermédiaires : Nord-Est, Sud-Ouest,... Ces divisions étaient suffisantes pour une navigation côtière ou de cabotage où la rapidité d'interprétation était souvent plus importante que la précision absolue.

© Aydin Mutlu
© Aydin Mutlu

Les rhumbs : l'origine d'une division précise

Au fur et à mesure que la navigation évoluait, notamment avec l'essor de la navigation au long cours, il devenait nécessaire de subdiviser encore plus précisément l'horizon. C'est ainsi qu'apparut le système des rhumbs qui découpe le cercle en 32 divisions égales, chaque subdivision correspondant à un angle de 11°15'. Ce système, basé sur les quarts et leur subdivision, permettait de décrire plus précisément les caps et les relèvements. Chaque rhumb correspondait à une direction définie ce qui simplifiait les calculs et facilitait l'orientation pour les navigateurs de l'époque.

© Allan Swart
© Allan Swart

La graduation en quarts et en rhumbs : une cohabitation d'usages

Au 19e siècle, les graduations en quarts et en rhumbs coexistaient, chacune ayant ses avantages selon le type de navigation. Les marins côtiers, en particulier, utilisaient des divisions simples comme les quarts ou les demi-quarts, faciles à interpréter sans nécessiter de calculs complexes. À mesure que les besoins de précision augmentaient, notamment pour la cartographie et les voyages de longue distance comme les voyages transatlantiques, l'usage des degrés gagnait en popularité. Ce système offrait une exactitude accrue, appréciée pour les calculs rigoureux nécessaires à ce type de navigation. Cependant, dans la pratique quotidienne de navigation, pour des relèvements et des caps en haute mer où une précision extrême n'était pas toujours nécessaire, le système des rhumbs continuait d'être privilégié pour sa simplicité, surtout dans les almanachs de marée.

Compas circulaire renversé datant du 19e, gradué en degrés par quarts de cercle de 90° © Musée National de la Marine
Compas circulaire renversé datant du 19e, gradué en degrés par quarts de cercle de 90° © Musée National de la Marine
Compas sec français datant de 1720, gradué en quart et en degrés
Compas sec français datant de 1720, gradué en quart et en degrés

L'avènement de la graduation azimutale : la précision des degrés

C'est finalement le système azimutal en 360° qui est devenu la norme universelle au 20e siècle. Ce système, qui repose sur un cercle complet de 360 degrés, permet d'indiquer des directions avec une précision maximale comme 45° pour le Nord-Est ou 225° pour le Sud-Ouest, sans ambiguïté. Cette précision, de plus en plus exigée à mesure que la technologie et la rigueur scientifique progressaient, a trouvé une réponse dans l'introduction des compas à liquide. Introduits dans la navigation par les Britanniques, ces compas ont amélioré la stabilité de la rose des vents en utilisant un liquide qui limitait les effets du roulis, un facteur perturbateur dans la lecture des compas traditionnels. Ces compas à liquide étaient dotés de graduations très fines, subdivisant chaque quart de 11°15' en quatre parties pour des mesures d'une précision inédite, jusqu'à 1°24'22''30''. Cette combinaison de stabilité et de précision a permis aux navigateurs d'ajuster leurs caps avec une exactitude accrue essentielle pour la navigation scientifique et les longues traversées.

Compas liquide anglais datant de 1902, graduation en quart © Musée National de la Marine
Compas liquide anglais datant de 1902, graduation en quart © Musée National de la Marine

Coexistence et évolution des systèmes

Durant longtemps, la coexistence des systèmes en quarts, en rhumbs et en degrés nécessitait une capacité d'adaptation des navigateurs qui devaient parfois faire des conversions rapides entre les différentes unités. Les almanachs et autres tables de conversion étaient des outils essentiels pour aider à ce travail. Cependant, avec la démocratisation des instruments modernes, le système des 360° a progressivement supplanté les autres méthodes en offrant une simplicité d'utilisation et une précision accrue. La graduation azimutale est désormais employée sur tous les instruments de navigation modernes à bord des bateaux, de la boussole aux GPS.

Si la graduation en quarts a su répondre aux besoins de nombreux marins de l'époque en offrant rapidité et simplicité de lecture, la notation en degrés s'est finalement imposée avec l'essor de la navigation scientifique et l'amélioration des instruments de mesure. La rose des vents, héritage de la navigation ancienne, illustre l'évolution continue vers une précision et une rigueur renforcées visant à satisfaire les exigences modernes de fiabilité en mer. En reprenant les bases des quarts et en adoptant les degrés comme norme universelle, la navigation contemporaine bénéficie aujourd'hui d'une précision inégalée ancrée dans des siècles d'histoire nautique et d'adaptation progressive des navigateurs à leurs instruments.

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