Concevoir un IMOCA plus robuste qui plante moins dans les vagues
Malizia III est un plan VPLP conçu pour The Ocean Race 2023 et le Vendée Globe 2024, il a été mis à l'eau en 2022. Il est une évolution des Hugo Boss, DMG Mori et Charal I du Vendée Globe 2020 et s'inspire justement de ce dernier. À son retour du dernier tour du monde, Boris Herrmann est revenu avec l'idée d'un bateau qui passe mieux la mer. "Bien qu'il soit content de son Vendée Globe, il s'est aperçu que la forme de carène engendrait certaines difficultés de passage dans la mer. Il n'a pas utilisé pleinement les foils dans les mers du sud. Il voulait un bateau qui passe bien la mer, avec une carène qui suive pour utiliser correctement les foils, car les bateaux ne volent pas tout le temps. VPLP a été très à l'écoute et a appliqué au pied de la lettre les demandes de Boris" commence Pierre-François Dargnies, directeur technique du Team Malizia.
Ainsi, Malizia-SeaExplorer possède une étrave avec plus de rocker pour éviter les "arrêts buffet". Pour répondre au programme de double tour du monde, la structure a gagné en robustesse et les foils sont plus polyvalents.
Une architecture qui contrecarre un manque de stabilité
"Tout le monde trouvait l'architecture curieuse et la critiquait à sa mise à l'eau, avant que l'on démontre que c'est un bateau performant. Dans les règles de l'IMOCA, il y a la box rules mais il y a aussi la partie moins visible de la stabilité. Le bateau possède un très haut franc-bord pour la sécurité dans les mers formées. La stabilité en prenait un petit coup. On a rajouté cette cabine proéminente qui agit aussi sur le confort. Pour pallier à cette instabilité à 180°, on a ajouté un grand roof, qui permet de revenir facilement droit en cas de gîte. Ainsi, on a contré le fait d'avoir une coque assez haute avec un centre de gravité haut. Ça permet aussi une très grande versatilité. On peut naviguer avec un bulbe léger ou lourd, là où d'autres bateaux ne peuvent pas opter pour un bulbe léger qui les rend instables" détaille Pierre-François Dargnies.
Un bateau typé pour le vent fort et homogène pour le Vendée Globe
En résulte un bateau plutôt typé pour le vent fort, qui a d'ailleurs gagné l'étape des mers du sud sur The Ocean Race et battu le record des 24h dans l'atlantique nord. "Il est à l'aise, passe très bien la mer, on peut tirer fort dessus sans se faire mal, sans se blesser. On est aussi bien calé, on peut tenir debout sans risque. C'est un très bon bateau de vent fort. Depuis que le bateau est à l'eau, on développe et on gomme les petits défauts. Notamment dans le vent faible. Aujourd'hui, on se débrouille bien dans toutes les conditions, même si le près et le médium ne sont pas les conditions où il est le plus fort. C'est un bateau homogène pour le Vendée Globe" explique le directeur technique.
À son bord, le marin allemand a trusté plusieurs podiums, notamment celui de The Ocean Race à la 3e position. En 2024, il s'est également illustré par 2 secondes places sur la Transat CIC et la New York Vendée - Les Sables-d'Olonne.
Des évolutions continues pour gagner en poids
Depuis son lancement, Malizia-SeaExplorer a évolué sur tous les niveaux : nouveau bulbe, nouveaux ballasts, nouveaux foils, nouveau jeu de voile... L'équipe a travaillé sur la répartition des masses à bord pour gagner du poids au maximum. "Sur The Ocean Race, il avait une réputation de bateau lourd, mais ce n'est pas le cas. Le bulbe lourd est imposé par les règles. C'est une course en équipage, les règles de sécurité sont plus drastiques. Sur le Vendée Globe, le bateau est moins chargé, on a plus de liberté sur l'équipement. Sur le tour du monde en équipage, c'est 80 litres de gasoil de secours (NDRL contre 20 sur le Vendée Globe), plus d'eau. On a gagné quelques centaines de kilos. C'est un cercle vertueux, car on a pu jouer sur les masses de bulbe et les alléger puisque le bateau est plus stable", commente Pierre-François Dargnies. L'équipe a également beaucoup travaillé sur le développement du pilote, qui leur a permis de faire un grand pas dans le gain de performance du bateau.
Une zone de vie cocon à l'arrière du cockpit
Bien qu'il soit pensé pour le Vendée Globe 2024, l'IMOCA de Boris Herrmann a débuté le premier de ses tours du monde par de l'équipage. Une expérience qui lui a permis d'adapter sa zone de vie pour le Vendée Globe comme nous l'explique le directeur technique : "La zone de vie était trop grande, trop froide et Boris ne se voyait pas y passer 3 mois. Il voulait quelque chose de plus cocon, une zone où il n'y a pas d'énergie dépensée entre la banette et la cuisine. Tout est regroupé en 2 m2 à l'arrière du cockpit. Un peu comme Macif. On a une banette sur amortisseur, avec le même type de matelas Bultex que Charlie Dalin. Le siège de veille est à l'arrière avec l'ordinateur et en faisant un pas en avant, on arrive dans le cockpit, équipé d'un second siège de veille. C'est un espace assez sympa, on ne se casse plus les vertèbres comme avant. On l'a validé sur les deux transats, la New York Vendée et la Transat CIC. Il a terminé 2 fois 2e, c'est pas mal, avec un bateau en bon état et avec un état de fatigue acceptable. Il est prêt à enchaîner le nombre de jours pour boucler le tour."
En effet, comme l'indique le cabinet VPLP, l'ergonomie a été fortement travaillée. La géométrie est inversée par rapport à de nombreux bateaux. Le cockpit est positionné juste en arrière du mât, prolongé par la zone de vie. Cette configuration permet de mieux centrer les poids, mais aussi d'avoir plus de hauteur sous barrot et donc de tenir debout.
Des foils performants à toutes les allures
Les foils ont également évolué après la casse de la V1 sur la Route du Rhum en 2022, qui ont vu une version V2 les remplacer. Désormais c'est encore une nouvelle version qui équipe Malizia-SeaExplorer. Ces V3 sont toujours signés Sam Manuard et reprennent la même philosophie que la V2 dont l'équipe était satisfaite. "Sur cette V3, on a beaucoup travaillé les profils pour être plus expert au reaching et au près. On décolle aussi plus tôt et les foils sont super intéressants en dehors du VMG portant. On était très content de nos performances. Sur les 2 transats, l'une était au près et l'autre au portant et il est carrément dans le match" détaille Pierre-François Dargnies.
Des panneaux solaires et des hydrogénérateurs en relais du carburant
L'IMOCA de Boris Herrmann est également équipé de 3 hydrogénérateurs et d'environ 2000 watts de panneaux solaires. Il n'est pourtant pas indépendant énergétiquement parlant comme nous le confie Pierre-Dargnies : "Il y a deux stratégies. Soit utiliser au maximum les hydrogénrateurs en début de course, jusqu'au franchir le point où l'on a suffisamment de gasoil pour finir, soit utiliser d'abord le gasoil pour alléger le bateau et finir le tour du monde à l'hydrogénération. En cas de panne, on aura une épée de Damoclès au-dessus de la tête, mais il sera possible de boucler le tour du monde en réduisant la quantité d'énergie utilisée à bord."