Interview / Tanguy Le Turquais : "Je pense que ce sera mon seul et unique Vendée Globe"

© Coline Beal

Tanguy Le Turquais va prendre le départ de son premier Vendée Globe. Un rêve d'enfant qu'il a depuis 25 ans et qu'il a réussi à concrétiser à la sueur de son front et de son celle de son équipe. À bord d'un IMOCA d'ancienne génération, il soutient notamment des sans-abri via l'association Lazare.

Tanguy Le Turquais est un marin déterminé et passionné, qui a débuté sa carrière en Mini 6.50, avant de progresser en Figaro et d'intégrer le circuit IMOCA en 2021. Après plusieurs compétitions marquantes, il participe au Vendée Globe 2024 à bord de Lazare, un IMOCA de 2007. Attaché à l'association Lazare, il vise à inspirer et à montrer que l'on peut atteindre ses objectifs malgré les obstacles, tout en mettant en avant l'engagement social de son projet.

C'est ton premier Vendée Globe. Qu'est-ce qui t'a poussé à relever ce défi ?

Beaucoup de choses. C'est assez incroyable ! Je ne sais pas si beaucoup de personnes sur la planète ont la chance d'être au départ de leur rêve de gosse. J'ai 35 ans et ça fait 25 ans que j'y pense tous les jours. C'est en moi. Quelle chance j'ai d'être à ce moment de réaliser son rêve.

Quel objectif sportif te fixes-tu pour cette édition, et comment gères-tu la pression d'une première participation ?

La pression, je la découvre tous les jours. Je découvre des angoisses tous les jours, mais au final, il y a plus d'excitation que d'angoisse. J'ai un vieux bateau, donc je ne vais pas gagner, mais je veux essayer de terminer. Même si on sait qu'il y a toujours de la casse. Il y a une petite ligue 2 dans la classe : les IMOCA à dérives. Sans aucune chance contre les foilers, mais on est contents de se bagarrer entre nous.

Le skipper de l'IMOCA Lazare, Tanguy Le Turquais © Coline Beal
Le skipper de l'IMOCA Lazare, Tanguy Le Turquais © Coline Beal

Peux-tu nous décrire la préparation physique et mentale que tu as mise en place pour être prêt le jour du départ ?

Je n'ai pas fait de préparation mentale, mais le simple fait d'essayer de réaliser tout ce que j'ai fait pour être au départ est une préparation mentale en soi. Mais j'ai vécu des épreuves mentales si intenses pour pouvoir prendre le départ de la course et s'amarrer aux pontons des Sables. Pour trouver des sponsors, ç'a été un gros travail. Pour 100 "non" tu as 1 "oui" et tu apprends à te dépasser. Pour le côté sportif, je n'ai pas changé mes habitudes. Je fais du sport tous les jours, je ne bois pas d'alcool, je me couche tôt, bref je suis un mec chiant (Rires).

Comment se sont déroulées les dernières phases de préparation ? Quels enseignements as-tu tirés de tes navigations précédentes en IMOCA ?

Ce que j'ai découvert en passant du Figaro à l'IMOCA c'est cette dimension technique plus impressionnante. Tout peut très vite nous dépasser. Ça peut vite prendre une grosse ampleur et avoir un gros impact. Tu ne navigues pas sur le frein, mais tu n'es pas à 100 % tout le temps.

Techniquement j'ai fait une bonne saison, le bateau est prêt, et l'équipe pas trop fatiguée. C'est un bilan positif. La Transat CIC s'est bien passée, le Retour à La Base aussi.

L'IMOCA Lazare de Tanguy Le Turquais © Pierre Bouras
L'IMOCA Lazare de Tanguy Le Turquais © Pierre Bouras

Ton IMOCA est un modèle de 2007 conçu par Finot-Conq. Quels sont ses atouts, et comment l'as-tu adapté pour ce tour du monde sans escale ? Depuis son rachat, quels travaux as-tu réalisés dessus ?

Il est passé dans les mains de pas mal de marins, dont Damien Seguin et Eric Bellion qui l'ont beaucoup fait évoluer. Je l'ai acheté au top de son évolution. On a choisi de ne pas mettre de foils car il est mieux avec des dérives. On a travaillé sur l'ergonomie, pour qu'il soit plus simple dans son utilisation. Damien Seguin avait déjà beaucoup travaillé sur la performance. On a fait un toboggan pour matosser les sacs, un siège de barre plus adapté, de quoi matosser les voiles à l'arrière. On a simplifié sans prendre trop de poids.

Le fait de naviguer sans foils influence-t-il ton approche stratégique de la course ?

Complètement. On navigue complètement différemment des foilers. Je n'aborde pas la course différemment, mais on ne navigue pas de la même manière. Je n'ai navigué que sur des bateaux à dérives, donc ne me change pas grand-chose.

L'IMOCA Lazare de Tanguy Le Turquais © Pierre Bouras
L'IMOCA Lazare de Tanguy Le Turquais © Pierre Bouras

Tu as associé ton aventure à l'association Lazare. Comment cet engagement avec eux influence-t-il ta vision de la course ? En quoi cette dimension sociale ajoute-t-elle une motivation supplémentaire pour ce Vendée Globe ?

Quand tu as Lazare dans tes voiles, tu n'as pas le droit de te plaindre. Ce sont des gens plein de résilience. Ils ont connu la galère, ça a été très dur pour eux de s'en sortir. Je les rencontre régulièrement en proposant à l'association de faire naviguer ces gens qui s'en sont sortis. Nous, finalement, on fait du divertissement. Quand tu as des galères dans le bateau, tu te dis que ce n'est rien par rapport à ce que ces gens vivent. C'est un supplément d'âme. Ce sont des personnes qui m'inspirent.

En tant que jeune skipper sur la scène IMOCA, quels sont tes projets et rêves pour l'après-Vendée Globe ? Ton bateau est à vendre, tu as déjà trouvé son remplaçant ?

Je pense que je ne referais pas un Vendée Globe. Je pense que ce sera mon seul et unique Vendée Globe. J'ai à cœur d'en faire un évènement unique, de le savourer. Je dis ça maintenant, alors que je ne suis pas encore parti. Je ne sais pas comment je serais au retour.

Pour l'instant, j'ai envie de profiter de ça. Ça fait des années que je me bats pour être au départ. C'est sur, le bateau est à vendre, mais j'espère rester sur des bateaux et pourquoi pas me tourner vers le Multi50.

Tanguy Le Turquais © Coline Beal
Tanguy Le Turquais © Coline Beal

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes marins qui souhaitent se lancer dans une carrière en solitaire au large ?

Je leur dirais qu'il y a un truc qui m'a beaucoup bloqué, c'est de m'être beaucoup comparé aux autres. Du coup, je me trouvais beaucoup moins bien. Il faut faire attention aux pensées limitantes et faire sauter ça. Tout le monde est capable d'aller au bout de ses projets. Bien sûr, il faut accepter de prendre des risques, de se mettre en danger. Finalement, le premier à convaincre c'est soi.

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...