Ses boucles de pirate dans chaque oreille et sa bonne humeur communicative en fond un marin très attachants du circuit. Alan Roura s'est fait connaître auprès du grand public en étant le plus jeune conçurent du Vendée Globe 2016, à seulement 23 ans. Deux ans seulement après avoir couru sa première Mini Transat, Alan a bouclé son premier Vendée Globe à bord De l'IMOCA La Fabrique, construit par Bernard Stamm dans les années 2000. Pour son deuxième Vendée, il prend le départ sur une machine un peu plus moderne, équipé de foils de première génération. En proie à de nombreux soucis techniques, il termine néanmoins classé après 95 jours de mer.
Pour sa troisième participation, il réalise en apparence un bon coup en devenant le nouveau skipper de l'ex Hugo Boss, lancé par Alex Thomson. Après avoir mis un peu de temps à trouver le mode d'emploi de cet IMOCA complexe, Alan va se présenter sur la ligne de départ avec une machine optimisée, et avec le sentiment d'avoir réalisé une préparation optimale.
Alan, tu vas t'élancer sur ton 3e Vendée Globe, quelle est ton approche par rapport aux deux autres, courues sur des bateaux d'ancienne génération ?
Mon premier, couru sur un bateau 100% archimédien et hyper fiable, Superbigou, était une découverte et un réel plaisir. Sur mon deuxième, j'avais déjà la sensation d'aller vite tout en ayant un bateau assez aérien. Pour cette troisième tentative, je veux jouer la gagne sur un proto encore plus performant. C'est pourquoi je me suis positionné dès 2021 pour acquérir Hublot, qui était l'ex Hugo Boss d'Alex Thomson.
Comment as-tu adapté ta façon de naviguer entre Superbigou et Hublot, qui sont deux IMOCA conçus avec 20 années d'écart ?
Je navigue très à la sensation, un peu à l'ancienne. J'aime bien sentir le vent. Sur Hublot, le cockpit est fermé. Naviguer aux chiffres a été un apprentissage. Dans la baston et surtout au portant, Hublot est beaucoup plus sécurisant, et je peux attaquer tout en restant au sec ! J'apprécie énormément le bateau dans ces conditions.
Parle nous de la prise en main de cet IMOCA conçu par une équipe anglo-saxonne :
En reprenant cet IMOCA, j'avais en tête d'être dans la continuité de la philosophie d'Alex, avec la même façon de naviguer. Mais on ne se doutait pas que le bateau n'avait pas beaucoup évolué depuis son lancement.
On avait un gros cran de retard en termes de performances, sauf qu on ne le savait pas forcément. Nous avions confiance dans la capacité d'Alex à avoir fait les bons choix lors de la conception du bateau. Mais on s'est vite rendu compte que nous n'avions pas forcément la même approche. Il a fallu adapter ses choix, tout ce qui faisait la touche d'Alex.
J'ai enchainé des résultats décevants, qui étaient bien en deçà de mes ambitions, à tel point que j'ai perdu confiance, et je suis allé voir un psy, car je me sentais vraiment mauvais sur l'eau.
Quels étaient les points faibles du bateau ?
Son seul cahier des charges, c'était d'être un avion au portant, sans aucun compromis. Au près et au reaching, il n'était pas bon du tout. Ce qui est rédhibitoire pour espérer être bien classé sur un format transat, et également sur les phases de transition du Vendée Globe. Il ne suffit pas d'être performant dans le Grand Sud au portant.
Quelles modifications as-tu apportées ?
La première des choses, il fallait changer l'étrave. Nous avons découpé 4m de fond de coque car le bateau enfournait très fort, et il s'avérait que c'était invivable à l'intérieur en plus d'abîmer le matériel.
On a modifié la ballastologie du bateau. Nous avons changé tous les ballasts, par des modèles plus légers mieux situés.
Nous avons modifié le centre de gravité en ajoutant 300 kg de plomb dans la quille. Le tableau arrière a été entièrement moussé afin de gagner du volume, et nous avons également réalisé un gros travail sur les foils.
On a mis des petites réglettes sur les foils pour cranter un peu plus. Le défaut des foils en C réside dans le manque de plan anti-dérive. Quand le bateau décolle, il a tendance à forcer et à déraper. On a mis des petites réglettes sur les foils pour corriger ce défaut et pour cranter un peu plus.
J'aurai aimé changer le moteur électrique, que j'estime inefficace pour les manœuvres, mais c'était techniquement trop compliqué. L'énergie du bord est donc fournie par mes des panneaux solaires et par un générateur.
Tu arrive aux Sables avec le sentiment d'être allé au bout de ta préparation et de ces grosses modifications ?
Oui, on a le sentiment d'être allé au bout des choses, même si ces derniers mois nous ont réservé quelques surprises.
Un de mes foils a heurté quelque chose sur la Transat CIC, ce qui a entraîné une fissure dans laquelle l'eau s'est infiltrée et a causé de gros dommages sur le profil. Nous avons dû le démonter et le renvoyer chez Persico en Italie pour qu'ils le contrôlent entièrement. Cela a donc quelque peu affecté ma préparation, car j'ai navigué une grande partie de la saison avec un seul foil. Cela limite les tests à un seul côté, entraînant un déséquilibre de poids du bateau.
Tu as participé au lancement de la Swiss Offshore Team. Quelles seront ses objectifs ?
Nous voulons monter la 1ere écurie suisse de course au large, afin d'aider de jeunes marins à monter leurs projets. Un peu à la manière d'une Whitebread, qui permettaient à des jeunes équipiers de se forger une première expérience. Avec Elodie Mettraux et Simon Koster, nous voulons participer à The Ocean Race Europe puis The Ocean Race en 2027, avant de s'aligner sur le Vendée Globe 2028.
Mon rôle sera de transmettre ce que j'ai appris en tant que marin.
Quels sont tes ambitions pour l'édition 2028 ?
Je compte participer à la prochaine édition sur le même bateau, parce que je sais qu'il aura encore du potentiel, à condition de pouvoir changer mes foils.
Quel est ton objectif de classement ?
Le but est simple, faire une belle course. J'aimerai être dans le bon paquet, et jouer avec les bateaux de ma génération. Je suis assez à l'aise dans le gros temps, et c'est également ce que je préfère.
Mais tout va être hyper serré, et il va se passer beaucoup de choses, comme à chaque édition. Nous sommes vingt concurrents à pouvoir gagner le Vendée !