Les techniques du coaching mental pour préparer les skippers aux défis du Vendée Globe

© Philippine Charlemagne

Alors que les défis du Vendée Globe et des autres courses au large ne cessent de croître, le rôle du coach mental devient un levier de performance incontournable. Sans leur soutien, de nombreux skippers n'auraient probablement pas pu surmonter les épreuves qui jalonnent ces compétitions d'endurance. Gérard Vaillant, coach de Jérémie Beyou et Eric Bellion pour le Vendée Globe 2024, nous présente les thématiques qui peuvent être abordées en coaching.

Invisible aux yeux du grand public, mais indispensable aux skippers, le coach mental est aujourd'hui un acteur clé de la course au large. Face à des océans imprévisibles, les marins savent désormais qu'ils ne peuvent pas uniquement compter sur leur bateau ou leur technique. Leur esprit doit être prêt à naviguer dans les tempêtes, et c'est là que le coach mental fait toute la différence.

Le Vendée Globe est une course où les skippers doivent gérer une pression énorme, non seulement en raison de la compétition, mais aussi du fait de la solitude en mer. Le travail du coach commence bien avant le départ de la course, avec des exercices de gestion du stress, de visualisation et d'ancrage positif. Le but est d'apprendre aux skippers à gérer les moments de doute, de fatigue extrême, et de surmonter les situations de crise.

Des sujets définis par les besoins et les émotions du navigateur

Les séances sont ajustées selon les besoins exprimés par le skipper. Le sujet abordé est choisi sur le moment présent ou lors de la prise de rendez-vous. Certains sujets peuvent également apparaître lors de la discussion, comme une difficulté, un point de tension ou une ambition.

"Généralement, en coaching, on travaille sur une ambition, une victoire ou un podium. Ils sont experts dans leur domaine. Je n'ai aucun conseil à leur donner. On est dans l'accompagnement, le dialogue avec le client, et on centre et on oriente vers le résultat qu'il souhaite. Il dialogue entre lui et lui au travers de ma présence. Pour lui éviter de tourner en rond, je l'oriente vers ce qu'il souhaite avec mes questions" débute Gérard Vaillant.

Dans le cadre d'un skipper qui vise une victoire, le coach entend sa demande et l'accompagne dans un process pour devenir le meilleur binôme bateau/skipper.

"La victoire sera le résultat de comment le marin aura navigué en définissant un pourcentage de la vitesse du bateau, des choix de trajectoire ou de voiles... Personne n'est à 100 % mais on peut monter le capteur sans que ce soit bloquant" détaille le coach.

Gérard Vaillant coache les skippers professionnels pour le Vendée Globe
Gérard Vaillant coache les skippers professionnels pour le Vendée Globe

Apprendre à gérer ses émotions

Le coach travaille également beaucoup sur la gestion de l'émotion. Les hauts et les bas sont nombreux sur le Vendée Globe et les skippers peuvent rapidement passer de l'euphorie à un gros down.

"Comme disait Desjoyeaux, sur le Vendée Globe, il y a une emmerde par jour. Sur la New York Vendée, Jeremie a été capable de naviguer sans aérien. C'est incroyable de terminer second en étant privé d'une partie des informations pour piloter le bateau et de la définition de sa trajectoire. Il faut être capable de composer avec un bateau amputé d'une partie de son potentiel ou un marin blessé. Il faut accepter d'avoir un corps qui n'est plus à 100 % de son potentiel tout en étant capable d'être au maximum de son potentiel actuel.

De la même manière, il en va de l'ordre de l'acceptation inconditionnelle du fait qu'un bateau puisse être amoindri ou blessé. Charlie (NDLR : Dalin) a eu une avarie de puits de foils sur le dernier Vendée Globe, dans les mers du sud, qui l'a quasiment obligé à abandonner. Il a finalement réparé en mer et réussi à finir 1er sur la ligne d'arrivée.

Eric Bellion a connu un problème d'oreille interne, réduisant son équilibre, Bertrand de Broc a été capable de se recoudre seul la langue, Charlie Dalin a été victime d'un traumatisme crânien... Aujourd'hui, les bateaux sont très durs, freinent fort, secouent énormément...

">Quand ils rencontrent quelque chose d'incongru ou d'imprévu, ils se demandent quelles questions je leur poserais si j'étais avec eux. Par exemple, avec tout le matériel et ton expérience, comment faire face à ce que tu rencontres ? Sinon, il pourrait se dire qu'ils vont louper leur Vendée Globe. Ils vont perdre leurs moyens, car ils seront en dette de sommeil, avec une alimentation perturbée, sujets au mal de mer pour certains. Ils ne seront donc pas à 100 % de leur potentiel mais ils doivent faire avec le potentiel qu'il leur reste. Et s'ils sont en capacité de tout leur potentiel, ils peuvent rencontrer des problèmes et peu de solutions. Ils peuvent être terrassés par un sentiment de solitude. Il n'y a pas de manuel pour ça. S'ils l'ont travaillé, ils y sont préparés. Dans la vie, c'est l'effervescence, ils sont entourés par tout un tas de monde. Ils n'ont jamais rencontré la solitude. Ils vont à ce moment rencontrer leurs limites. Ces épreuves font grandir. Et à leur retour, il va aussi falloir gérer l'effervescence parce qu'ils auront réussi quelque chose de fabuleux" détaille le coach.

Jérémie Beyou a fait appel à Gérard Vaillant pour son Vendée Globe 2024 © Marin Le Roux / Polaryse
Jérémie Beyou a fait appel à Gérard Vaillant pour son Vendée Globe 2024 © Marin Le Roux / Polaryse

Apprendre à se mettre dans un état d'hypnose pour gérer les contraintes

Gérard Vaillant utilise des techniques d'hypnose et d'auto-hypnose pour aider les marins à optimiser leur performance et surmonter les défis psychologiques en mer.

L'hypnose est un état modifié de conscience dans lequel une personne est capable de se concentrer intensément sur une pensée ou une idée, tout en relâchant son attention sur les stimuli extérieurs. Cet état permet d'accéder à des ressources inconscientes, souvent inexploitées, et d'améliorer des aspects comme la concentration, la gestion du stress, ou encore la résilience face aux épreuves.

Par exemple, Gérard Vaillant travaille avec certains skippers sur un état mental précis d'une précédente édition de Vendée Globe.

"p1" détaille le coach.

Le coach accompagne également Eric Bellion avec qui il pratique l'hypnose © Yves Quere
Le coach accompagne également Eric Bellion avec qui il pratique l'hypnose © Yves Quere

Mesurer le résultat après la course

Le coach mental a également un rôle à jouer après la course. Que le skipper finisse premier ou dernier, ou qu'il soit contraint à l'abandon, le retour à la vie normale peut être complexe.

"p1" détaille Gérard Vaillant.

A son arrivée du Vendée Globe, Jérémie Beyou pourra ainsi confirmer ou non s'il a réussi sa course en fonction des objectifs bien précis qu'il était fixé.

"Si pour la plupart des skippers, l'objectif est de gagner, il est difficile de mesurer la performance pure du skipper en termes de victoire. Cela dépend aussi des autres bateaux et concurrents. C'est surtout après la compétition, à travers le feed-back, qu'on évalue la gestion globale : est-ce que les choix de trajectoire étaient bons ? La stratégie était-elle optimale ? Comment l'alimentation, le sommeil, et la gestion du bateau ont-ils été gérés ? Il s'agit de mesurer le processus pour évaluer la capacité à produire une performance au plus proche du niveau maximal. Parfois, ils peuvent être satisfaits même sans gagner, là où d'autres ne le seraient pas" conclut Gérard Vaillant.

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