Le Vendée Globe est une épreuve d'endurance extrême où les skippers affrontent des conditions éprouvantes pendant des semaines, voire des mois. Si leur préparation technique et physique est largement couverte par les médias, un élément crucial reste souvent dans l'ombre : la préparation mentale. Pourtant selon Gérard Vaillant, coach, elle est absolument indispensable. Sur cette 10e édition du tour du monde en solitaire, sans assistance et sans escale, il accompagne Jeremie Beyou et Eric Bellion.
Une préparation mentale permanente pour gérer ses émotions
Pour Jeremie Beyou, la préparation mentale est permanente. Avant Gérard Vaillant, le skipper de l'IMOCA Charal était accompagné par un psychologue du sport.
"Ça devient standard pour les skippers de haut niveau d'avoir un accompagnement sur la durée. Ils ne peuvent pas se permettre d'être le "maillon faible" de leur projet, au vu des sponsors et des couts engagés. En cas d'avarie ou de démâtage, il ne faut pas que le skipper cède. Il y a quelques années, j'ai suivi un skipper qui m'avait dit qu'au bout de quelques jours de course c'était tellement dur, qu'il regardait son mât en espérant qu'il casse. Ce ne serait pas lui qui aurait cédé mais son bateau. Il pourrait ainsi rentrer au port sans être responsable de la faillite de son projet. C'est dur pour eux. On le voit sur les pontons avec l'effervescence, on adule ces compétiteurs qui s'en vont à l'aventure, qui vont naviguer mais qui ne sont pas toujours préparé à ce qu'ils vont vivre. Cette pensée, semble incroyable et incompatible avec une pratique de haut niveau, beaucoup l'ont mais peu l'admettent. Morgan Lagravière en avouant ses difficultés à été humain mais assumer sa vulnérabilité et dire ses limites n'est pas toujours bien vu par le milieu et par le public. On a tellement le culte d'être fort. Il a du être capable de transformer cette vulnérabilité en force. Je dis souvent de travailler sur cette problématique. Se croire fort est une faiblesse. Mais les skippers n'en ont pas conscience car ils sont persuadés que c'est une force" explique le coach.
Attention toutefois à ne pas confondre coach et psychologue. Leurs domaines sont bien distincts et si certains sujets sortent du cadre, Gérard Vaillant renvoie les skippers qu'il suit vers des professionnels.
Un accompagnement indispensable
Préparer un skipper pour une course aussi intense que le Vendée Globe exige bien plus que des compétences en navigation. Le mental joue un rôle déterminant dans la performance des marins, face à des semaines de solitude, des conditions météo extrêmes et des situations imprévisibles.
"C'est un impondérable. C'est beaucoup plus important que de changer un winch ou une voile. Ça peut sauver la vie du skipper en faisant face aux émotions. Ils doivent être courageux car ils vont travailler sur eux-même. C'est plus facile de trouver des responsabilités externes, qu'internes, et de se dire que les problèmes sont liés au bateau, à l'équipe, au pilote automatique... Il est dangereux et presque irresponsable de ne pas avoir quelqu'un, que ce soit un coach mental, un préparateur mental, un psychologue du sport, pour travailler sur ses limites et son ego. Il ne faut pas penser être un surhomme. Il faut apprendre à être une meilleure version de soi-même avant et pendant la course et apprendre de soi pour avancer. Il y a encore sans doute dans la croyance, qu'il faut être fort et le travail avec un coach est un signe de faiblessepour moi je pense le contraire c'est faire preuve de courage et de force que de regarder en face ses vulnérabilités" raconte le coach.
En effet, à l'époque un des skippers qu'il suivait lui avait demandé de garder la chose secrète. Les premiers skippers à travailler sur le mental le cachait. Aujourd'hui, la pratique se démocratise, à l'image de Jérémie Beyou qui a fait paraitre une capture vidéo de ses échanges avec Gérard Vaillant pour la Transat Jacques Vabre ou d'Eric Bellion qui a réalisé une vidéo de son entretien avec le coach. "C'est une sorte d'outil de communication pour montrer que l'on se prépare correctement pour donner une meilleure version de soi même mais aussi ne pas se sentir le plus fort, sans aucune faiblesse. Dans le monde du coaching, c'est la capacité du chef d'entreprise à travailler sur lui-même qui est la source de la réussite de son entreprise et des ses collaborateurs" résume Gérard Vaillant.
Il est très rare de voir une séance de coaching car il faut rentrer dans l'intimité du skipper, pour travailler sur ses leviers et non pas sur ses failles et ses difficultés. D'autant plus que les échanges sont sous couvert d'anonymat. Le rôle du coach est d'accompagner le skipper sur ce qui lui fait vivre une difficulté, le tout en lucidité.
Un avis partagé en fonction des skippers
Pour autant, tous les skippers ne sont pas convaincus par le coaching mental, à l'image de Benjamin Ferré qui explique dans son livre : "Il faut entrainer son esprit, d'une manière ou d'une autre, bien que la préparation mentale soit pour moi un sujet compliqué. Pour être complètement transparent, je ne suis pas certain qu'une préparation isolant le psychologique du reste soit ce qu'il me faut. J'ai entrepris un travail spécifique à deux ou trois reprises, mais je n'ai jamais véritablement accroché ou trouvé chaussure à mon pied. Je précise à mon pied, car tout cela est très personnel à mon sens. Je n'insinue pas que les préparateurs mentaux sont inefficaces, bien au contraire."
Le coaching mental interdit pendant la course
Si les marins ont le droit d'appeler leurs équipes techniques en cas d'avarie, le réglement de course interdit toutefois le contact avec le coach, car la prestation est assimilé à du conseil, à l'image de conseils météo. "Les gens qui créent le réglement ont estimé que l'aide mentale n'était pas autorisée car elle pouvait donner des conseils. C'est une méconnaissance de ce qui se passe dans le coaching mental. Je n'ai aucune pertinence dans les conseils techniques. Je fais de l'accompagnement des émotions. Quand on a une avarie, on peut vivre des émotions, avoir peur d'abandonner. Le skipper peut ressentir de mauvaises émotions qui pourrait mettre en risque sa vie. A l'image du médecin, on l'accompagne en amont. Que va t-il se passer quand tu seras en phase d'euphorie ? Quoi faire en phase de down ? En cas d'abandon, il faut faire face à ce qui se passe car c'est un déchirement pour quelqu'un qui s'est préparé à un Vendée Globe" conclut Gérard Vaillant.