Interview / Louis Duc au départ de son 1er Vendée Globe : "Nos IMOCA à dérives sont encore dans le coup !"

© Louis Duc

Après vingt années à parcourir tous les plans d'eau à bord de toutes sortes d'engins, Louis s'est lancé en 2021 ans dans sa préparation du Vendée Globe. Avec audace et ingéniosité, le normand a monté un projet visant le podium dans le classement officieux des prototypes à dérives. Rencontre avec un marin authentique qui a mené un projet réfléchi avec un des plus petits budgets.

Mini, Figaro et surtout Class40 : c'est dans cette dernière série que Louis s'est fait connaître auprès du grand public, en construisant le lift 40, le premier Class40 avec une étrave scow et un mât avec un seul étage de barre de flèches.

Avant cela, celui qui a été formé par Halvard Mabire au début des années 2000, a écumé les chantiers et s'est forgé une solide expérience dans la construction en composites. Louis construit, innove et apprend à se débrouiller tout seul. Comme lors de cette étape de la Mini, où il démâte, mais parvient à remettre son espar en place au milieu de l'Atlantique, tout seul sur une petite coque de 6,50 m.

Pour cette première participation du Vendée Globe, il a jeté son dévolu sur un 60 pieds à dérives qui a connu un incendie au départ de la Jacques Vabre 2019, alors aux mains de Clément Giraud.

Louis, raconte-nous la remise en état de ton IMOCA, qui était loin d'être prêt pour un tour du monde quand tu l'as récupéré.  

Le bateau était au chantier V1D2 à Caen. Je passais souvent devant, et j'ai commencé à construire un scénario me permettant de me lancer sur le Vendée Globe. J'ai contacté le propriétaire, qui était l'ancien sponsor de Clément, et nous avons récupéré l'épave pour la valeur de la franchise de l'assurance.

Après son incendie, le bateau avait été démâté, puis convoyé jusqu'à Caen, et n'avait plus bougé. Le feu avait pris dans le parc batteries, donc c'est la partie centrale de la coque qui a souffert. Le roof était affaissé et les aménagements intérieurs détruits, qui laissait présager des dégâts plus importants sur la coque et la structure.

©Louis Duc
©Louis Duc

Mais après analyse, on s'est rendu compte que le Nomex a sauvé une partie du composite. Les peaux intérieures étaient HS, mais pouvaient être remplacées. L'extérieur de la coque avait été sauvé, les nœuds de varangues et de structures étaient sains. On a découpé tout ce qui était abimé, puis nous avons entamé la reconstruction.

Quelles ont été les évolutions apportées sur ce bateau à dérives de 2006 ?

Avec l'équipe du cabinet Lombard, nous voulions faire une V2 de la coque, qui possédait la même carène que l'ancien bateau de Jean Le Cam. Il fallait reconstruire et en profiter pour faire évoluer le bateau pour le rendre plus performant. Je voulais reculer et diminuer les poids. Nous avons d'abord modifié la ballastologie du bateau. Nous les avons redimensionnés et changé leur emplacement. On a reculé les batteries et la centrale hydraulique, tout comme le moteur, dont le châssis a été reculé de trois mètres.

Après avoir lister l'intégralité des modifications à apporter, le budget total était très élevé. Nous avons alors planifié et étalé les travaux sur quatre ans, afin d'être prêt pour le départ.

Après une belle Jacques Vabre avec Marie Tabarly, tu as démâté sur le convoyage retour. Tu en as profité pour apporter d'autres modifications ?

Louis Duc et Marie Tabarly au départ de la Jacques Vabre ©Louis Duc
Louis Duc et Marie Tabarly au départ de la Jacques Vabre ©Bernard Le Bars

On a reprit le mat de Gabart, plus court, celui qui a gagné le Vendée 2004. Ce qui nous a permis de gagner 500 kg dans le bulbe. L'amure de J2 a été avancée, et on a mis 9° de quête dans le mât, pour être typé portant.

Retour sous gréement de fortune ©Louis Duc
Retour sous gréement de fortune ©Louis Duc

Les dérives d'origine, conçus pour le près, ont été remplacées, tout comme les puits. J'ai récupéré les moules de celles de l'ancien PRB pour refaire des nouveaux profils, plus typées pour le portant. Elles sont maintenant plus inclinées vers l'extérieur, avec un peu d'incidence.

Quid de ton plan de voilure ?

On change les voiles sur deux saisons, sur 2023 et 2024. Avec Remi Aubrun de chez Incidences, on a retaillé des voiles pour être adaptées à notre budget. On a vraiment redessiné le plan de voilure, par rapport au dessin d'origine. Et je dois être le seul à embarquer deux spis de différentes tailles.

Au début du chantier, tu n'avais aucun soutien financier. Comment es-tu parvenu à trouver les fonds nécessaires ?

©Louis Duc
©Louis Duc

L'objectif était de monter un projet financièrement cohérent. Il aurait été inutile de reconstruire un bateau si le montant total du chantier était supérieur à la valeur du bateau sur le marché de l'occasion, estimé à environ 500 000€. Le budget initial était constitué de ce que j'avais touché de l'assurance après la perte de mon Class40, une fois tous les crédits remboursés.

Nous avons monté une plateforme de crow lending, puis nous avons souscrit un prêt obligataire. Lantana a été le premier à nous suivre, suivi du Groupe Fives. Mais à la base, tout cela a été rendu possible car nous avons démarré ce projet avec une équipe forte, soudée, et qui avait déjà fait ses preuves sur d'autres projets. On est partis avec 10 ans d'expérience en Class40, avec le 65 et surtout le 150 en 2017.

Quel est ton pronostic de classement ?

C'est mon premier Vendée Globe. On est cinq bateaux à vouloir se battre sur les bateaux à dérives. Nous sommes une majorité de bizuth, on a une chance extraordinaire, mais on reste tous des compétiteurs. Je veux avant tout terminer la boucle, et s'il ya une belle performance à la clé, ce serait génial!

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