Interview / Thomas Normand, DG France North Sails décrypte les voiles embarquées pour le Vendée Globe 2024

© Marin Le Roux / Polaryse

Depuis la dernière édition du Vendée Globe en 2020/2021, seules 8 voiles peuvent être embarquées par les skippers sur le tour du monde. Thomas Normand, Directeur Général France de North Sails nous explique comment les marins font leur choix.

Thomas Normand est le Directeur général de North Sails France, dont le siège américain est situé à Newport. La voilerie basée à Vannes emploie 50 salariés en France et produit 300 voiles par an, soit 1 % de la production mondiale de l'entreprise, uniquement pour le monde de la course au large : Class40, IMOCA et Ultim. Le reste des voiles, dont celles pour la plaisance, est produit aux États-Unis et au Sri Lanka.

Sur le Vendée Globe 2024, les skippers ne peuvent embarquer que 8 voiles, règlement en vigueur depuis l'édition 2020-2021, dont deux voiles obligatoires qui sont la grand-voile et le tourmentin. Le dirigeant français nous explique la manière dont les skippers font leur choix pour le Vendée Globe et quelles sont les voiles embarquées sur les IMOCA tourdumondiste.

Combien d'IMOCA du Vendée Globe équipez-vous ?

22 IMOCA, mais tous les IMOCA n'utilisent pas uniquement des voiles North Sails. Certains teams utilisent des voiles de différentes voileries pour des raisons budgétaires ou pour partager les fournisseurs et diminuer les risques. C'est vraiment propre à chaque équipe.

L'IMOCA Macif Santé Prévoyance est équipé par North Sails © Jean-Marie Liot / Alea
L'IMOCA Macif Santé Prévoyance est équipé par North Sails © Jean-Marie Liot / Alea

Comment les skippers choisissent leurs voiles, en dehors des voiles obligatoires ? Font-ils tous le même choix ?

Ils ont tous le même nombre de voiles à bord. Par contre, il y a autant de dessins de voile que de bateaux qui prendront le départ de la course. Chaque bateau a un dessinateur de voiles attitré, même si certains dessinent pour plusieurs bateaux. En fonction de la taille de l'équipe, soit le dessinateur est en contact direct avec le skipper ou avec les membres du bureau d'étude qui font l'intermédiaire.

Il n'y a pas de copié-collé pour les voiles. Ce sont toujours de nouvelles formes, qui correspondent à la forme du bateau, à l'utilisation que le skipper veut en faire, à l'angle du vent choisi... Certains veulent des voiles plus optimisées dans des conditions de vent particulières. On ne fait pas de production en série de voile sur les bateaux de course. De plus, même si les mâts sont monotypes, les réglages sont différents. On doit donc adapter les voiles à chaque forme de bateau, à la forme des ponts qui ne sont pas les mêmes donc avec des recouvrements de voiles différents, des bordures différentes.

Il y a aussi des choix de skipper en fonction de la performance qu'ils souhaitent donner à leur course. S'ils font le Vendée Globe pour gagner, ils vont choisir un produit plus performant, léger, mais plus fragile. Pour les skippers dont l'objectif est de finir le Vendée Globe, ce sera un produit plus fiable et robuste.

L'IMOCA Holcim PRB arbore des voiles North Sails © 	Adrien Nivet / Polaryse
L'IMOCA Holcim PRB arbore des voiles North Sails © Adrien Nivet / Polaryse

Quelles sont les voiles incontournables à avoir à bord ?

La grand-voile bien sûr, sinon le bateau n'avancerait pas. Le J2, enroulé sur l'étai qui tient le mât vers l'avant. Il est toujours à poste. Mais toutes les voiles sont incontournables finalement. Elles sont rangées à l'intérieur et mises en fonction des conditions de voile.

Ensuite, le choix des 8 voiles est très différent pour chacun, mais si l'on part de l'arrière vers l'avant, on a la grand-voile, le tourmentin, le J3 qui se fixe entre l'étai et le mât, le J2, le J0 tout devant. Il y a aussi le MH0 (Mast Head, en tête de mât), le FRO, qui est une voile fractionnée et vient se fixer en haut du mât. Le QUAD est une voile qui se développe de plus en plus. C'est également une voile fractionnée en haut du mât.

Pourquoi limiter à 8 voiles ? Est-ce suffisant pour la durée d'un tour du monde et sont-elles toutes utilisées ?

Elles sont toutes utilisées, et plusieurs fois. En tant que voilier, plus on a de voiles, mieux c'est. Mais c'est bien qu'il y ait une régulation de voiles. Ça limite le nombre de constructions et les budgets liés aux voiles. Ce qui est intéressant aussi, c'est d'imposer au skipper de trouver la meilleure combinaison pour son bateau, d'optimiser les coupes de voiles pour avoir le meilleur rendement sans être trop lourd.

L'IMOCA Vulnérable possède des voiles North Sails © Pierre Bouras / TR Racing
L'IMOCA Vulnérable possède des voiles North Sails © Pierre Bouras / TR Racing

Existe-t-il plusieurs matériaux pour les voiles ?

Le tissu le plus généralisé, c'est le 3DI. C'est un procédé de fabrication déposé par North qui consiste à utiliser un robot pour pouvoir fabriquer la voile en composite. C'est une superposition de couches de fibres préenduites avec de la résine et chauffées sur un moule en trois dimensions. Il n'y a pas de coutures ou de jonctions sur différents panneaux. La voile est en un seul panneau en composite. C'est la même technologie que celle de la fabrication d'une coque de bateau, mais avec une épaisseur beaucoup plus fine, c'est pour ça que ce n'est pas rigide comme une coque. C'est une résine souple et les différentes couches de fibres en permettent l'uniformité.

Les voiles en 3DI, marque de fabrique de North Sails
Les voiles en 3DI, marque de fabrique de North Sails

Y a-t-il des voiles de spare, comme pour certains équipements ?

Non il n'y a pas de voile de spare. On dessine les voiles pour faire le tour du monde. Il est possible que ça se casse, ou que ça se déchire si les conditions météo sont très fortes. Ils ont le matériel à bord pour les réparer, mais pas pour les changer.

Quel est le prix moyen d'un jeu de voile pour le Vendée Globe ?

Tout dépend de la surface des voiles. C'est compliqué de donner un chiffre juste pour la course sachant que ce sont des projets qui sont lancés 4 ans avant, donc il y a plusieurs jeux de voiles utilisés sur l'ensemble d'une campagne. Les voiles se changent de manière plus récurrente. Mais il faut compter environ 250 000 € pour l'ensemble des voiles pour la course.

Est-ce que les skippers commandent un jeu de voiles neuf uniquement pour le Vendée Globe ?

Les voiles qui sont utilisées pour le Vendée Globe sont pour la plupart livrées entre mai et septembre avant le départ de la course en novembre. Certaines ont déjà participé au Défi Azimut ou à la New York Vendée - Les Sables-d'Olonne. La plupart ont été livrées dans l'année 2024.

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Farouk Ibrahim
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Publié sur Yacht-Club.com

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