Le nocturlabe est un instrument stellaire utilisé par les navigateurs du 16e au 18e siècle pour lire l'heure locale la nuit en se basant sur la position des étoiles. Utilisé dans un contexte où la précision était souvent un enjeu, il s'est imposé comme un allié précieux en mer. La découverte d'un nocturlabe dans l'épave du "Maidstone" en 1981, un navire échoué en 1747, rappelle combien cet instrument fut essentiel pour les marins d'autrefois.
Origines et développement
Bien que l'inventeur du nocturlabe reste inconnu, on estime que cet instrument est d'origine arabe. En effet, les astronomes arabes, grâce à leur compréhension approfondie des mouvements célestes, ont considérablement influencé son développement. Ils ont su perfectionner des techniques de navigation nocturne permettant aux marins de déterminer leur position avec une précision accrue en utilisant les étoiles. Cette expertise a non seulement enrichi la navigation, mais a également jeté les bases des instruments astronomiques modernes.
L'origine du nocturlabe est attestée dès le 12e siècle, comme le montre un manuscrit d'Avranches qui représente un moine du Mont-Saint-Michel utilisant un ancêtre du nocturlabe pour organiser les prières nocturnes, en se basant sur l'heure stellaire. Dès lors, l'instrument a progressivement évolué, avec des perfectionnements qui le rendirent indispensable aux navigateurs européens.
C'est en 1581 que Michel Coignet, mathématicien et ingénieur flamand, décrit pour la première fois en détail le fonctionnement du nocturlabe. Son ouvrage influença plusieurs générations de marins ce qui eu pour conséquence de renforcer l'usage de cet outil à bord des bateaux jusqu'au milieu du 18e siècle.
Mode d'emploi
Le fonctionnement de nocturlabe s'articule autour de deux mouvements principaux de la Terre : la rotation sur son axe et son orbite autour du Soleil. La Terre effectue une rotation complète sur elle-même en environ 24 heures. Par rapport aux étoiles, cette durée est de 23 heures, 56 minutes et 4 secondes (jour sidéral). En raison de cette rotation, les étoiles semblent se déplacer dans le ciel. En une heure, la voûte céleste tourne d'environ 15° autour de l'étoile Polaire qui est presque fixe au centre.
Le nocturlabe est ainsi constitué de trois éléments principaux :
- Le cercle des heures : un cercle gradué en heures, centré sur l'étoile Polaire. Il permet de lire l'heure à partir de la position des étoiles.
- Le cercle des jours : un disque tournant, divisé en 12 mois et subdivisé en jours, qui aide à situer la date. Ce cercle est fixe et indépendant du cercle des heures.
- L'alidade : une pièce mobile qui permet d'aligner le nocturlabe avec les étoiles observées.
Pour utiliser le nocturlabe, l'utilisateur doit suivre ces étapes :
- Alignement avec l'étoile Polaire : le nocturlabe est positionné de manière à ce que son trou central soit dirigé vers la Polaire.
- Visée des étoiles : en utilisant l'alidade, l'utilisateur doit aligner le nocturlabe sur une étoile spécifique, comme Merak ou Dubhe (les Gardes de la Grande Ourse), qui sont proches de la Polaire.
- Lecture de l'heure : en maintenant la grande dent de 0 h sur la date du cercle des jours, on peut lire l'heure sur le cercle des heures, indiquée par l'alidade après avoir aligné le nocturlabe avec les étoiles visées.
Utilisation en mer
Les marins du 16e au 18e siècle s'en servaient pour lire l'heure avec une précision d'environ 15 minutes. Fabriqués en bois ou en laiton, les nocturlabes provenaient de différents pays européens dont la France, l'Angleterre, l'Italie et l'Allemagne. À cette époque, les marins pouvaient utiliser le nocturlabe pour calculer l'heure locale en mer en s'orientant vers l'étoile Polaire dans les latitudes nord ou en utilisant la Croix du Sud pour les latitudes sud. Il leur permettait ainsi de maintenir le cap de nuit, une fonction qui devint particulièrement utile lors de longues traversées où les instruments de mesure basés sur le soleil devenaient inutilisables. Les marins pouvaient également s'en servir pour calculer les marées, élément vital pour les entrées dans les ports. Il joua un rôle crucial dans les échanges commerciaux de l'Atlantique Nord, contribuant à la réussite des traversées maritimes.
Avec l'évolution des technologies de navigation et l'apparition de nouveaux instruments plus précis, le nocturlabe finit par disparaître progressivement des bateaux, mais son influence persista. Bien que désormais relégué aux musées et aux collections privées, cet outil témoigne de l'ingéniosité des anciens navigateurs. Aujourd'hui, les efforts de chercheurs comme Bernard Baudoux, membre de la Commission des Cadrans Solaires de la Société Astronomique de France, continuent de faire vivre cet instrument en maintenant un inventaire des nocturlabes. L'inventaire mondial actuel recense ainsi 542 exemplaires de nocturlabes dispersés à travers le monde.