César a 26 ans. Depuis 10 ans déjà, il sait qu'il partira voyager en voilier. Ce projet, il l'a initialement imaginé avec son frère et un cousin. Ce joyeux trio s'est d'ailleurs offert un petit croiseur de 6 m pour se faire la main dans les eaux familiales de Noirmoutier. Mais avec le temps le projet du trio s'est transformé en trois projets distincts.
Le désir de voyager en mer
Pour César, il faut trouver le voilier. Ce jeune ébéniste a travaillé tous les étés pour économiser en vue d'acheter son bateau. "Je cherchais un bateau entre 9,50 et 11,50 m. J'avais un budget compris entre 15 et 20 000 €. J'ai visité plusieurs bateaux, mais surtout suis tombé amoureux d'un Alpa 950. Mais la visite avec un expert m'a rapidement fait déchanter. Le bateau était bien pourri avec un pont totalement délaminé et des fissures partout. J'étais prêt à casser ma tirelire, mais cette expertise m'a plutôt donné envie de pleurer."
Donne voilier !
Avant même d'avoir reçu le rapport d'expertise, César sait que ce ne sera pas le bon bateau. Le lendemain, une alerte sur LeBonCoin l'informe d'une nouvelle annonce. Il s'agit d'un voilier en acier de 34 pieds (10,40 m hors-tout) qui est à donner !
César n'hésite pas, il saute dans le premier TGV et monte à Calais rencontrer Rémi, le propriétaire. Celui-ci a le voilier depuis 2006, mais il ne l'utilise plus depuis 2 ans. Quand César lui demande pourquoi il le donne, Rémi répond : "Je veux m'occuper de mon jardin…".
En fait Rémi a tenté de le vendre à petit prix (4000 €), mais sans succès. Aujourd'hui il préfère le transmettre à quelqu'un qui a un projet de voyage. Ce marin a beaucoup voyager, à terre au début puis à la voile en commençant son apprentissage sur un Corsaire avec lequel il a écumé la Méditerranée pendant un an. Le projet de César a un écho pour lui. Après la publication de son annonce, il a eu beaucoup d'appels. Mais il n'a retenu que les 3 premiers parmi lesquels se trouvait celui de César. Les deux autres concernaient un cinquantenaire qui avait déjà un bateau et un étudiant qui manquait de moyen pour remettre le voilier à flot. César a donc eu la chance de repartir avec ce voilier.
Van de Stadt 34 en acier
Le bateau est un Van de Stadt 34. Il est issu de l'architecte hollandais éponyme qui vend ces plans encore aujourd'hui. Dessiné dans les années 1980, c'est le premier voilier pour lequel l'architecte a fait appel à un ordinateur. Ce voilier est prévu pour être construit en acier ou en aluminium. C'est une coque à 3 bouchains aux formes assez modernes.
Le Van de Stadt 34 de Rémi a été construit en acier en Angleterre par un chantier en 1994. S'il affiche un peu son âge avec quelques coulures de rouille, il est très équipé. "Rémi l'a transformé pour ses navigations en solitaire avec une philosophie : faire simple et pas cher. Ainsi, par exemple, le bateau à un régulateur d'allure solidement soudé dans la jupe. Et toutes les manœuvres reviennent au cockpit. Mais Rémi a débarqué l'enrouleur de génois pour laisser des focs sur mousquetons. Ainsi, j'ai 7 focs à bord !" nous raconte avec enthousiasme, César.
Un équipement complet
Rémi donne son bateau avec tout l'équipement. "Il est actuellement sous pavillon belge donc avec un matériel de sécurité différent des Français. Mais il y a une balise de détresse et un radeau de survie. Rémi me laisse aussi des ouvrages nautiques et des cartes. Bien entendu, il me confie le journal d'entretien du bateau dans lequel il a annoté toutes les interventions sur le moteur : vidange, plein… Le moteur est un Nanni de 27 ch qui a l'âge du bateau. Mais il tourne super bien. J'ai même la boite à outils avec un jeu de pièces de rechange !"
Un gréement quasi neuf
En 2016, Rémi a démâté. Le mât, la bôme et son gréement dormant ont été entièrement remplacés à cette date. La grand-voile est aussi de cette époque. "Je suis content, car le bateau est fortement toilé avec un mât qui culmine à 15,50 m. Rémi a aussi choisi de mettre des échelons repliables, ce qui facilite grandement la visite en tête de mât. En plus, il s'agit de la version grand tirant d'eau à 1,85 m ce qui est bon pour la performance", nous précise César.
Un convoyage pour la transmission
Pour la transmission, Rémi propose à César de convoyer avec lui le bateau de Calais à Noirmoutier. Quand César lui propose d'embarquer des amis, Rémi qui a l'habitude de naviguer en solo répond "Tu sais on va déjà être deux à bord . C'est déjà beaucoup pour moi, alors plus d'équipiers, non." Ce tour de Bretagne, en double donc, sera l'occasion de découvrir le bateau, et surtout de valider pour César qu'il est bon marcheur malgré ses plus de 7 tonnes en charge.
En chantier pour la préparation au voyage
Aujourd'hui le voilier est au sec à Noirmoutier pour une rénovation en profondeur. "Je vais sous-traiter la partie coque pour les reprises de la rouille et garder pour moi de refaire toutes les boiseries, c'est mon métier, ainsi que la mécanique et l'électricité. J'ai envie de connaitre mon bateau". César a aussi chiné un enrouleur et un guindeau électrique pour remplacer celui qui est manuel sur le pont. "Je vais me faire tailler un beau génois neuf pour l'enrouleur. Mais avec l'étai largable qui est en place, je vais pouvoir garder un foc de brise et un tourmentin."
Pour quel programme ?
Question programme, rien n'est figé : "Idéalement, j'aimerais partir au printemps 2025 direction l'Islande pour un trip voile et ski avec des amis. Mais faudra d'abord finir le chantier de rénovation. Cela devrait me permettre de bien tester le voilier et de faire quelques modifications au besoin à mon retour. Puis ce sera cap vers les îles avec une transat. J'aimerais rencontrer des artisans locaux pour apprendre leurs techniques de travail et partager avec eux sur leur métier. Cela m'aidera plus tard dans mon métier d'ébéniste.J'ai aussi envie de documenter tout ça avec des photos et par écrit. Pour partager cette trace."
Orange comme marque de fabrique
Aujourd'hui le voilier a une coque orange un peu fatiguée. "Je vais garder cette couleur, car on ne croise pas beaucoup de voilier orange. En plus, il se nomme Taminori, ce qui signifie Macareux en Gaélique. C'est cet oiseau qui a un bec orange. Je conserve ce nom, c'est le nom d'origine, car je trouve important de faire perdurer la mémoire du bateau."