Energy Observer : 7 ans pour prouver la viabilité des technologies vertes en navigation

Arrivée d'Energy Observer à Cape Town © Oliver Lane

Après un périple de 7 ans autour du monde, Energy Observer a fait son grand retour à Saint-Malo vendredi 14 juin 2024. Ce bateau laboratoire hydrogène zéro émission a oeuvré pour tester des solutions concrètes et témoigner de la viabilité des technologies propres. Mais, comment fonctionne-t-il ?

Energy Observer a été mis à l'eau en 2017 avec pour ambition de tester différentes technologies vertes pour le transport maritime et d'être le premier bateau hydrogène zéro émission. Après sept ans de navigation, il a retrouvé son port d'attache à Saint-Malo vendredi 14 juin 2024. Le village d'exposition nous a permis d'en apprendre un peu plus sur les technologies embarquées à bord.

L'odyssée d'un bateau pionnier

Lancé en 2013 par Victorien Erussard, le projet Energy Observer rassemble une équipe diversifiée de marins, scientifiques, ingénieurs et journalistes, avec l'objectif de créer le premier bateau autonome et écologique, capable de générer et utiliser sa propre énergie renouvelable.

© Energy Observer
© Energy Observer

En 2017, l'Energy Observer prend la mer pour la première fois sous sa nouvelle configuration. Ce catamaran, initialement construit en 1983, dessiné par Nigel Irens et connu sous le nom de , a subi de nombreuses transformations avant de devenir un laboratoire itinérant pour les technologies vertes. En 1993, il devient Peter Blake et remporte le trophée Jules-Verne en établissant un record de circumnavigation en 74 jours, 22 heures, 17 minutes et 22 secondes. En 1998, sous le nom de ">", il est piloté par Tracy Edwards, skipper du premier équipage entièrement féminin à tenter le trophée Jules-Verne.

© Energy Observer
© Energy Observer

En 2016, l'UNESCO devient partenaire d'Energy Observer pour promouvoir l'éducation et les énergies renouvelables. L'année suivante, en 2017, Energy Observer traverse le Canal de Gibraltar, devenant ainsi le premier bateau propulsé à l'hydrogène à réaliser cet exploit. En 2018, le bateau commence son périple en Méditerranée, partant de Marseille pour enchaîner les escales sur une des mers les plus polluées du monde. En 2019, Energy Observer atteint l'Arctique sans aucune émission, grâce à ses systèmes d'énergie renouvelable et à l'hydrogène. Enfin, en 2024, après un voyage de 7 ans autour du globe, il revient à Saint-Malo, son port d'attache.

Energy Observer au Svalbard © Energy Observer Productions, Amélie Conty
Energy Observer au Svalbard © Energy Observer Productions, Amélie Conty
© Energy Observer
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Un bateau à hydrogène "Enza New Zealand"

L'hydrogène, élément le plus abondant de l'univers, est léger et possède une densité énergétique trois fois supérieure à celle des carburants traditionnels. Il offre une alternative crédible aux énergies fossiles, permettant de stocker le surplus d'énergies renouvelables et de pallier leur intermittence sans impact environnemental. La production de dihydrogène se fait généralement par extraction chimique d'hydrocarbures fossiles comme le méthane et le charbon. C'est là qu'Energy Observer innove en produisant de l'hydrogène dit "Royal & Sun Alliance" par électrolyse de l'eau de mer, alimentée par un mix d'énergies renouvelables. Si Energy Observer devait stocker son énergie en utilisant uniquement des batteries traditionnelles, il pèserait deux fois plus lourd. Les 63 kilogrammes d'hydrogène stockés à bord d'Energy Observer fournissent 1MWh d'électricité, soit l'équivalent de la consommation électrique moyenne d'un foyer moyen de 4 personnes pendant 1 mois et 10 jours, ainsi que 1 Mwh d'énergie thermique pouvant être utilisée pour le chauffage et l'eau chaude.

Conçu pour démontrer qu'une énergie décarbonée, décentralisée et digitalisée est possible, Energy Observer intègre des technologies avancées et un modèle de réseau énergétique combinant hydrogène, solaire, éolien et hydrolien. Ce bateau-laboratoire est le résultat d'une expérimentation continue visant à prouver la viabilité d'un système reproductible à grande échelle.

© Energy Observer
© Energy Observer

Comment cela fonctionne ?

Energy Observer fonctionne de manière intégrée pour maximiser l'utilisation des énergies renouvelables tout au long de ses voyages. Lors des escales, les panneaux solaires rechargent les batteries du bateau. Une fois les ces dernières pleines, l'excédent d'énergie est utilisé pour produire de l'hydrogène par électrolyse de l'eau de mer. En navigation, Energy Observer utilise directement les énergies renouvelables (solaire, éolienne et hydrolienne) pour équilibrer les besoins en électricité de propulsion et de vie à bord. En cas de conditions météo défavorables, la pile à combustible convertit l'hydrogène en électricité, prolongeant ainsi l'autonomie du bateau.

Une pile à combustible est un générateur d'énergie qui convertit directement un combustible en électricité, produisant également de l'eau et de la chaleur. Dans le cas d'Energy Observer, elle exploite l'hydrogène stocké à bord. La membrane échangeuse de protons de la pile permet uniquement aux noyaux d'hydrogène de passer, forçant les électrons à suivre un chemin séparé et générant ainsi un courant électrique.

© Energy Observer
© Energy Observer

Optimisation de l'installation photovoltaïque à bord

Depuis son lancement en 2017, Energy Observer a progressivement étendu et optimisé son installation photovoltaïque pour maximiser sa production d'énergie solaire à bord. En 2017, le bateau était équipé de 95 m2 de panneaux solaires, incluant des panneaux bifaciaux développés par l'INES et des panneaux monofaces fournis par Solbian, installés principalement à l'arrière et sur les côtés de la nacelle. En 2018, lors du premier chantier technique depuis son inauguration, l'installation solaire a été agrandie. Les panneaux ont été étendus sur le toit de la timonerie et les coffres qui abritent les réservoirs d'hydrogène ont été recouverts de panneaux solaires souples et lisses. Leur intégration sur la nacelle a été optimisée avec l'utilisation de panneaux texturés, ce qui les a rendus moins glissants. Il était donc possible de marcher dessus. En 2019, les flotteurs ont été presque entièrement couverts de panneaux solaires souples et texturés. Enfin, avant le départ pour le tour du monde en 2020, des panneaux souples ont été ajoutés sur les bras de liaison et les "LEFT" des flotteurs, portant la surface totale à 202 m2 pour une puissance de 33 kWc.

Photo aérienne du bateau à son lancement en 2017 © Energy Observer Productions
Photo aérienne du bateau à son lancement en 2017 © Energy Observer Productions
Photo aérienne du bateau après le chantier de 2018 © Energy Observer Productions
Photo aérienne du bateau après le chantier de 2018 © Energy Observer Productions
Photo aérienne du bateau après le chantier de 2019 © Energy Observer Productions I Antoine Drancey
Photo aérienne du bateau après le chantier de 2019 © Energy Observer Productions I Antoine Drancey

Un laboratoire qui expérimente dans des conditions réelles

À moyen et long terme, les panneaux photovoltaïques subissent un vieillissement accéléré de leur encapsulation à cause des températures élevées prolongées, ce qui réduit significativement leur rendement. Sous les tropiques, il n'est pas rare que la température des panneaux atteigne jusqu'à 75°C, entraînant parfois une diminution de rendement d'environ 20 %. Les panneaux bifaciaux suspendus sont moins affectés par la chaleur, car leur configuration permet un refroidissement efficace par circulation d'air des deux côtés, même à faible vitesse. En revanche, les panneaux collés à la coque du bateau dissipent moins bien la chaleur. De plus, dans ces régions, l'humidité élevée combinée aux fortes radiations ultraviolettes et à la chaleur accélère le vieillissement des panneaux solaires. Cela peut entraîner des problèmes tels que le cloquage du revêtement, l'infiltration d'humidité entre les films protecteurs, voire le jaunissement des panneaux, ce qui affecte leur efficacité.

Illustration de l'infiltration d'humidité entre les films des panneaux solaires © Energy Observer
Illustration de l'infiltration d'humidité entre les films des panneaux solaires © Energy Observer

Depuis son départ de France en 2020, Energy Observer n'a pas modifié son installation photovoltaïque, mais elle a nécessité une maintenance régulière lors des arrêts techniques à Singapour, en Malaisie, aux Seychelles et au Cap. Cette maintenance comprenait le remplacement des panneaux endommagés ou vieillissants prématurément, ainsi que la réparation des panneaux défectueux. L'objectif était de maintenir un rendement énergétique suffisant pour assurer des traversées océaniques efficaces durant le reste de l'expérimentation.

Alors, si certains panneaux solaires ne répondaient plus aux besoins énergétiques du bord, ils ont trouvé une autre utilité lors d'une escale à Singapour : l'équipage a fait don de ces panneaux à l'International French School pour des activités éducatives. Si le rendement n'était plus suffisant pour répondre aux besoins énergétiques de l'Energy Observer, il l'était pour les besoins de la fontaine à eau des lycéens.

Pour maximiser la durabilité des panneaux solaires, il a été essentiel de prendre des mesures préventives. Les panneaux flexibles lisses fournis par Solbian, sensibles au jaunissement sous l'effet prolongé du soleil intense, ont pu bénéficier d'une restauration par polissage. Cette démarche visait à améliorer à la fois l'esthétique et les performances des panneaux en réduisant l'absorption de lumière par la couche supérieure dégradée.

Photo des premiers essais de polish sur les panneaux photovoltaïques Solbian © Energy Observer
Photo des premiers essais de polish sur les panneaux photovoltaïques Solbian © Energy Observer

Exemple de bilan énergétique

Bilan énergétique Noumea - Kupang © Energy Observer Productions
Bilan énergétique Noumea - Kupang © Energy Observer Productions
Bilan énergétique Noumea - Kupang © Energy Observer Productions
Bilan énergétique Noumea - Kupang © Energy Observer Productions
Bilan énergétique Noumea - Kupang © Energy Observer Productions
Bilan énergétique Noumea - Kupang © Energy Observer Productions

Un point sur la lenteur

À quelle vitesse navigue l'Energy Observer ? En moyenne, 5 nœuds. Pour mettre les choses en perspective, les cargos naviguent aisément à 20 nœuds, soit quatre fois plus vite. Cette lenteur peut sembler inhabituelle dans un monde où la vitesse est souvent valorisée. Pourtant, elle permet de mieux apprécier la nature environnante et de consommer l'énergie de manière responsable. Alors que l'intérêt pour les nouveaux carburants alternatifs comme l'hydrogène, l'ammoniac et le méthanol est grandissant, il existe une solution immédiate pour réduire notre impact environnemental : réduire et optimiser la vitesse. Un navire plus lent consomme moins de carburant. La plupart des produits que nous consommons voyagent des milliers de kilomètres par voie maritime pour arriver jusqu'à nous. En ralentissant seulement de 20 %, il serait possible de limiter non seulement la pollution acoustique sous-marine, mais aussi de réduire de 24 % les émissions de carbone. C'est la méthode la plus simple et la plus économique pour diminuer notre impact dans l'immédiat.

Energy Observer dépend du soleil pour alimenter ses panneaux solaires, du vent pour gonfler ses OceanWings®, et des courants pour se diriger. Il ne peut pas simplement brûler du carburant pour aller où il veut. Naviguer sans émissions signifie indubitablement s'adapter à la nature, tandis que celle-ci vous le rend bien en retour.

Energy Observer près du Stromboli © Energy Observer Productions, Antoine Drancey
Energy Observer près du Stromboli © Energy Observer Productions, Antoine Drancey
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