Animé par une question essentielle : "comment pouvons-nous mettre fin à la pollution par le plastique dans les océans de façon rapide, permanente et aussi rentable que possible ?", le Flipflopi Project s'engage à éliminer les plastiques à usage unique et à instaurer une économie circulaire pour tous les autres types de plastique en Afrique de l'Est. À travers la construction du boutre en plastique recyclé Flipflopi Ndogo et les expéditions qui ont suivi, l'organisation a découvert comment l'innovation peut catalyser un changement significatif, intégrant pour cela les divers aspects nécessaires pour transformer toute la chaîne de valeur.
Un constat de pollution des côtes alarmant
L'idée de créer le Flipflopi Project germe dans l'esprit de Ben Morison en 2015, alors qu'il est frappé par la présence massive de déchets plastiques, notamment des tongs, souillant les plages d'Afrique qu'il affectionne tant. Convaincu que la construction d'un bateau à partir de ces débris plastiques constituerait un moyen de célébrer l'artisanat traditionnel séculaire de la construction de boutres, piliers de la culture swahili. Il souhaite également véhiculer un message positif sur la nécessité d'un changement radical.
En 2022, l'obtention de la subvention SMEP du FCDO pour relever les défis liés à la santé des écosystèmes marins marque un tournant pour le Flipflopi Project. Un programme opère sur l'île de Lamu, au large du Kenya : celui-ci conjugue les savoir-faire autochtones en construction navale avec des technologies modernes pour une gestion durable des déchets plastiques.
Comment construire un bateau à partir de détritus plastiques ?
En collaboration avec Ali Skanda, constructeur de boutre renommé de Lamu, Dipesh Pabari, militant contre la pollution plastique, et Leonard Schurg, ingénieur, le Flipflopi Project dirige en 2016 la construction d'un boutre à voile entièrement fabriqué à partir de plastique recyclé. L'idée est alors d'utiliser des techniques traditionnelles de fabrication de bateaux dans un environnement délibérément low-tech, en se servant de déchets collectés sur les plages du Kenya.
Le Flipflopi Project collabore alors avec des fabricants à Nairobi, expérimentés dans la production de matériaux de construction.
Dix tonnes de déchets plastiques, tous collectés sur la côte kenyane, sont fondus, façonnés et sculptés par l'équipe, exactement comme ils le feraient avec du bois.
La quille, les membrures et autres éléments structurels sont tous fabriqués à partir de plastique recyclé, notamment des bouteilles et des sacs, tandis que la coque et le pont sont entièrement recouverts de tongs réutilisées.
Malgré les matériaux inhabituels, le bateau prend forme grâce au savoir-faire des artisans locaux, selon des méthodes traditionnelles de construction des boutres. Pour sceller les espaces entre les planches, il est décidé de les combler avec du coton, puis d'y appliquer de l'huile ''simsim'' (sésame) et du Bondex.
Mesurant 10 mètres de long et pesant environ 7 tonnes, Flipflopi Ndogo est une réalisation considérable de la part d'Ali Skanda et de son équipe de constructeurs de bateaux.
Le bateau est lancé à Lamu en septembre 2018, au chantier naval d'Ali, après 2 ans de construction. Il est vêtu de 30 000 tongs, soit les chaussures habituelles de 3 milliards de personnes.
Naviguer, et faire passer un message
En 2019, une expédition en partenariat avec l'initiative Clean Seas de l'ONU Environnement a permis au Flipflopi Ndogo de parcourir environ 310 milles de Lamu, au Kenya, à Zanzibar, en Tanzanie, et retour. Plus ambitieuse encore, l'expédition 2021 s'est étendue sur quatre semaines, couvrant une navigation d'environ 621 milles autour du lac Victoria. Cette fois-ci, même la voilure a été confectionnée à partir de milliers de bouteilles de plastique recyclées. Abritant plus de 40 millions de personnes vivant dans 3 pays africains, le lac Victoria est l'un des écosystèmes les plus dévastés au monde. Ces navigations ont démontré leur efficacité pour sensibiliser les populations de l'Afrique de l'Est et encourager des alternatives durables aux plastiques à usage unique.
Partout en Afrique de l'Est, les pays adoptaient activement des lois pour lutter contre la pollution par le plastique. Le Rwanda avait déjà annoncé une interdiction de tous les plastiques à usage unique. Deux mois après l'expédition, le Kenya a interdit tous les plastiques à usage unique dans les parcs nationaux, et une interdiction nationale des sacs en plastique a été adoptée en Tanzanie. Flipflopi et ses partenaires se sont engagés à progresser à long terme en rédigeant un projet de loi à déposer au Parlement d'Afrique de l'Est pour faire respecter l'interdiction de la fabrication, de l'importation, de l'utilisation et de la vente non nécessaires de plastiques à usage unique. Au cours de la première expédition, 39 entreprises de l'industrie touristique locale ont signé des engagements en matière de plastique pour interdire ou réduire le plastique à usage unique. Le premier centre de récupération et de recyclage de matériaux plastiques a été mis en place à Lamu : plus de 200 000 kg de déchets plastiques ont été collectés en moins de deux ans, qui seraient autrement destinés aux océans. De plus, en 2022-2023, une formation sur l'économie circulaire et la construction navale en plastique a officiellement été intégrée à l'école polytechnique de Lamu. 29 étudiants ont suivi un cours certifié de 3 mois, parmi lesquelles les premières femmes constructeurs de bateaux au Kenya.
Et la suite ?
Après une année de rénovation pour améliorations, Flipflopi Ndogo a été remis à l'eau le 28 mars 2024. Partout où il sera allé, le Flipflopi a été un symbole constant d'espoir qui a suscité un changement positif ! Le Flipflopi Project n'en a jamais douté : ''Le Flipflopi Ndogo a inspiré les citoyens d'Afrique et du monde entier à devenir plus conscients de l'un des problèmes environnementaux les plus urgents auxquels nous sommes confrontés''.
Depuis 2023, dans le même chantier naval de Lamu qui a donné naissance à Flipflopi Ndogo, le quatrième voilier de type boutre 100 % en plastique recyclé et trois fois plus grand que Flipflopi Ndogo, est en recherche et développement.
L'organisation continue de tester des techniques et de développer davantage les compétences de construction de bateaux sur d'autres types de modèles.
Le premier boutre Flipflopi continuera à naviguer autour de l'Afrique de l'Est. Le boutre de 24 mètres, quant à lui, entrera prochainement en construction et mettra les voiles pour un tour du monde afin de continuer à susciter l'intérêt, et que ce type de construction haute en couleurs puisse devenir un exemple inspirant pour chaque plaisancier rêvant de naviguer dans un environnement moins pollué.