Gilles Buekenhout: "J'ai sauvé mon trimaran après avoir chaviré sur la Route du Rhum 2022"

Sur la Route du Rhum 2022, Gilles Buekenhout est largement en tête de la classe Rhum Multi à bord de son trimaran à foils Jess. Mais il se fait surprendre par une vague plus grosse que les autres et chavire à 225 milles de l'arrivée. Il parviendra à sauver son bateau et à le ramener chez lui. Il nous raconte cette opération de sauvetage et le chantier qui a suivi.

Une machine taillée pour la victoire

Le trimaran Jess
Le trimaran Jess

Pour sa quatrième participation à la Route du Rhum, le skipper belge Gilles Buekenhout a pris le départ à bord de son trimaran de 40 pieds Jess. Lancé en 2011, ce plan Fisher-Cabaret a été conçu initialement pour naviguer en mer d'Australie. Haut sur l'eau avec des bras très défendus, il est également équipé d'une paire de foils réglables, d'une dérive à trimmer, d'un mât aile orientable, le tout sur une plate-forme entièrement en carbone.

4e participation à la Route du Rhum pour Gilles Buekenhout
4e participation à la Route du Rhum pour Gilles Buekenhout

Mais Gilles a failli ne pas prendre le départ. Lors du convoyage vers Saint-Malo, Jess est entré en collision avec une cardinale non répertoriée au large de l'Aber Wrach. Il a fallu se mobiliser pour réparer rapidement les dégâts sur le bras, un flotteur et la coque centrale. Et là, c'est système D avec le soutien des copains. Car Gilles ne gère pas une écurie avec une armée de techniciens. Sans sponsor, il se considère humblement comme un amateur éclairé.

On retrouve un petit côté Francis Joyon dans ce skipper qui fait beaucoup tout seul, avec peu de moyens, mais capable de mener son trimaran à plus de 30 nœuds tout en gardant une voix calme et posée pendant les vacations.

Le sort s'acharne à une journée d'une victoire assurée

Levé soleil dans le Golfe de Gascogne
Lever de soleil dans le Golfe de Gascogne

Malgré cette avarie de dernière minute, Gilles est serein quand il prend le départ. Dès les premières heures, il occupe les avant-postes et prend la tête de la flotte. Il négocie au mieux les inévitables avaries, et parvient à contrôler ses concurrents directs, à savoir Roland Jourdain, Loïc Escoffier ou encore Marc Guillemot. Du beau monde dans le tableau arrière pour cet amateur averti.

Autoportrait de Gilles la veille du chavirage
Autoportrait de Gilles la veille du chavirage

Le 23 novembre, il est en tête à 225 milles de l'arrivée avec une grosse journée d'avance sur ses poursuivants. Mais le sort en décide autrement, comme nous l'explique Gilles :

"J'étais à 10-12 nœuds dans des conditions optimales, sous gennaker. J'avais terminé de préparer mon arrivée, comme préparer mes amarres ou gonfler mes pare-battage, car je ne voulais pas gérer ces problèmes d'intendance autour de la Guadeloupe.

Une dizaine de minutes après avoir pris la barre, le bateau accélère à une quinzaine de nœuds sur une houle de 4 m, rien d'incroyable sur ces bateaux-là. Mais une vague plus grosse que les autres a pris le bateau par l'arrière et l'a fait chavirer par l'avant. Le plantage est violent, et je suis tombé dans l'eau depuis mon siège de barre. Un sacré plongeon. J'ai des pensées noires. Le cerveau comprend très vite que tout est foutu, puis l'instinct de survie reprend le dessus. Je nage et je retourne à l'intérieur de la coque centrale. J'appelle la direction de course et mon routeur pour les informer de mon chavirage. Ils m'ont rappelé 20 mn plus tard pour m'informer de l'arrivée imminente d'un méthanier.

Le trimaran Jess chaviré
Le trimaran Jess chaviré

Très vite, j'aperçois la silhouette du navire de 250 m arriver vers moi. J'ai attrapé une des bouées couronnes lancées par l'équipage, puis j'ai rejoint non sans mal la cargo. Je suis arrivé vers l'arrière, pas très rassuré de me retrouver à côté des hélices, et devant une muraille de 8 m de haut.

Je suis juste parti avec mon téléphone et ma combinaison de survie. Quand j'ai compris que j'allais nager 200 mètres pour rejoindre le méthanier, j'ai abandonné l'idée de partir avec mon sac de survie."

L'embarquement à bord est un peu sport, la remontée par l'échelle de pilote s'avérant impossible, c'est dans le filet que Gilles est récupéré.

Une opération commando pour sauver le bateau

La famille et les soutiens de Gilles, qui l'attendaient en Guadeloupe, s'organisent pour sauver le bateau. L'évacuation s'est faite très rapidement, et Gilles n'a pas eu le temps de fixer la balise en extérieur. Le signal ne passe pas à l'intérieur de la coque en carbone, donc le bateau n'est pas précisément localisé.

Vu de l'avion de reconnaissance, Jess est un petit point blanc perdu sur l'océan
Vu de l'avion de reconnaissance, Jess est un petit point blanc perdu sur l'océan

Avec l'aide de son routeur, Grégoire Joseph, Gilles estime la dérive du bateau retourné. Un message venant d'un cargo qui a croisé la route du trimaran a permis d'affiner la position. Une reconnaissance en avion est effectuée par la fille de Gilles, tandis que le skipper embarque à bord 'un remorqueur pour aller chercher son bateau.

Jess à la dérive
Jess à la dérive

Un deuxième vol permet de guider le remorqueur, qui retrouve le trimaran chaviré le 29 novembre.

Toujours retourné, le trimaran est pris en remorque. Mais à 4 nœuds, l'avant du multicoque s'enfonce dans l'eau. La décision est prise de le remettre à l'endroit. Des ballons sont fixés sur le bras arrière pour faciliter la manœuvre, et une élingue est frappée à l'arrière pour le retourner.

Jess revient à l'endroit avec son mât intact
Jess revient à l'endroit avec son mât intact

Jess revient à l'endroit relativement facilement, avec son mât toujours à poste ! Les voiles sont en lambeaux, et le trimaran est remis au propre pour être remorqué jusqu'en Guadeloupe.

Arrivée à Pointe à Pitre
Arrivée à Pointe à Pitre

Le convoi arrive sans encombre au port de Pointe à Pitre, où il est rapidement démâté et tiré au sec.

Au vu du chavirage et de sa dérive à l'envers, Jess est en bon état. C'est le remorquage qui a été le plus destructeur, puisque la manœuvre a arraché l'embase saildrive, et causé des dommages sur les foils. Remis à l'endroit, le bateau s'est rempli d'eau, noyant le moteur et le circuit électrique.

Un chantier sous les tropiques avant un retour en solo

Une remise en état au chantier IMM
Une remise en état au chantier IMM

Un trimaran réparé en Guadeloupe

Trois options se sont présentées à Gilles pour ramener son bateau blessé : un retour sur le pont d'un cargo, une réparation de fortune et un retour par la mer, ou un chantier complet sur place. C'est cette troisième option qui a été retenue.

Jolie collaboration entre père et fille
Jolie collaboration entre père et fille

Pas assuré pour ce genre d'accident (aucun concurrent ne l'est) et sans sponsor, Gilles a pris en charge les réparations, aidé par sa fille et quelques copains. Stocké chez IMM, il a fait un premier séjour en juin avec un ami, avant de venir terminer les travaux avec sa fille en août 2023. Celle-ci devait effectuer la transat retour avec son père, mais le chantier ayant pris du retard, c'est en solo que Gilles va rejoindre la métropole.

Parti début septembre, pendant la saison des cyclones, il slalome entre l'ouragan Lee et le cyclone Margot, ce qui lui rallonge son parcours.

Pit-stop aux Açores
Pit-stop aux Açores

Malgré ces détours, il rejoindra Pornichet le 25 septembre, après un pitstop aux Açores.

Arrivée nocturne à Pornichet
Arrivée nocturne à Pornichet

Gilles va maintenant se tourner vers d'autres projets, à terre ou en mer. Après son retour en solo, il a enchainé avec la Transat Jacques Vabre, sur laquelle il a remplacé au pied levé l'équipier de Denis Van Weynbergh sur l'IMOCA D'Ieteren Group.

Gilles et Denis au départ de la Transat Jacques Vabre
Gilles et Denis au départ de la Transat Jacques Vabre
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Jean claude Gouret
Jean claude Gouret
Salut l'archi de Pornichet, pour moi la mer a été un moment d'aventures tropicales au rythme s'un cotre hauturier de 37' sous les tropiques africains et ce pour 4 ans d'aventure (81/84), j'ai mis 34 jours en solitaire de DK Arzal pour le retour et par 2 fois le bateau couché par une déferlante à l'W Madères avec 1 fois éjecté à l'eau mais accroché à la baume...Bon courage pour la suite...
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