Montrer l'exemple et soutenir la préservation des océans
Le Vendée Globe est l'évènement nautique français le plus médiatique, même auprès du grand public. Ainsi, l'édition 2020-2021 a été suivie par 66 % des Français. Il est aussi un évènement de plus en plus international, 11 nationalités et 16 skippers internationaux seront représentés sur l'édition 2024. Un record ! C'est en partant de ce constat qu'Alain Leboeuf, Président du Conseil Départemental de la Vendée et du Vendée Globe, et son équipe ont décidé de prendre des engagements environnementaux forts.
Il explique en préambule : "Nous allons apporter des évolutions au Vendée Globe en apportant cette dimension supplémentaire d'engagements environnementaux à cette course de l'extrême. Nous devons éveiller les consciences, sensibiliser, soutenir la préservation des océans, notamment pour le public qui nous soutient."
C'est donc au siège de l'UNESCO que nous étions réunis ce 6 février 2024 pour découvrir les 10 engagements en vigueur dès cette 10e édition du Vendée Globe qui s'élancera le 10 novembre 2024. Ces engagements se poursuivront sur l'édition 2028, pour continuer d'évoluer en 2032.
La démarche entreprise par le Vendée Globe se base sur quatre axes qui sont :
- Anticiper,
- Réduire,
- Inspirer,
- Bâtir un héritage positif.
Anticiper pour définir une méthode pionnière dans les évènements nautiques
Alain Leboeuf étant biologiste de formation, il lui était important de travailler sur la dimension des impacts du Vendée Globe. En collaboration avec Carbone 4 et Toovalu, experts dans le domaine, ils ont travaillé sur la définition d'une méthode d'évaluation dédiée à l'organisation des évènements nautiques. L'organisation a appliqué une démarche prospective du bilan carbone pour identifier les principaux impacts du Vendée Globe 2024 et agir ensuite sur des leviers de réduction. La suite sera de mesurer les premiers résultats d'un bilan carbone réel pour valider une méthodologie, et mesurer les résultats des actions mises en place.
Aujourd'hui, les impacts du Vendée Globe sont répartis comme suit :
- 63 % pour les déplacements
- 28 % pour l'hébergement et la restauration
- 7 % pour les IMOCA
- 2 % pour les achats, déchets, eau, énergie et numérique.
Réduire en appliquant la règle des 5 R
En tant que prescripteur, le Vendée Globe s'est décidé à ajouter des clauses environnementales strictes sur les appels d'offres. Les exposants bénéficient également d'une charte sur la gestion circulaire des ressources. Dans l'idée de réduire l'impact du village, le Vendée Globe a appliqué la règle des 5 R :
- Refuser quand c'est possible,
- Réduire,
- Réutiliser,
- Recycler
- Rendre à la terre ce qui est compostable.
C'est en ce sens qu'une brigade verte a été mise en place pour les exposants et le public, ou encore que des fontaines à eau seront installées dans le village, remplaçant les bouteilles plastiques. Pour afficher son objectif, l'organisation avait été jusqu'à fournir des gourdes d'eau aux skippers lors de la conférence de presse. Un coup de communication peut-être discutable et peu durable si chaque skipper doit utiliser une gourde par conférence, plutôt que d'apporter la sienne...
La signalétique du village favorisera également l'économie circulaire, avec le réemploi ou la seconde vie des supports.
L'autre levier de réduction consiste à décarboner la venue des visiteurs en favorisant la mobilité douce. L'organisation table d'ailleurs sur une campagne de communication forte "Ne venez pas aux Sables... Alone". Pour les inciter à modifier leurs déplacements, le Vendée Globe, entouré d'acteurs publics et privés que sont le Département de la Vendée, la Ville et l'agglomération des Sables-d'Olonne, la Région des Pays de la Loire, le Groupe SNCF, En Vendée, le SyDEV, et l'ADEME ont mis en place un dispositif complet de solutions de mobilité à faible empreinte carbone. Le président du Vendée Globe a fortement insisté sur "ce train qui vient au cœur de la ville" et veut inciter les visiteurs à prendre ce moyen de déplacement. Ainsi, la Région proposera un billet à 5 € pour venir aux Sables-d'Olonne. Sur place, seront à disposition des visiteurs des navettes aux gaz naturels, des bus à hydrogènes, des bus de mer électriques, des vélos en libre-service...
Enfin, le troisième levier de la réduction consiste à réduire l'impact des bateaux. Si les navigateurs n'utilisent que la force du vent pour se déplacer, les instruments de bord demandent encore d'utiliser des énergies fossiles. Quant au carburant, il est finalement très peu utilisé, principalement pour la sécurité. À l'image des hydrogénérateurs Watt & Sea, développés en 2008 et désormais installés sur l'ensemble de la flotte du Vendée Globe, de nouvelles solutions devront être trouvées. Alain Leboeuf détaille : "En 2028, nous devrons montrer à l'ensemble des peuples que l'on est capable d'utiliser la force du vent, des photons et le déplacement pour fabriquer sa propre électricité. Nous allons continuer vers 2032 pour inventer des solutions grâce aux technologies nouvelles."
Certains skippers ont déjà sauté le pas, à l'image de Conrad Colman qui avait réalisé son tour du monde sans énergie fossile en 2016. Pour cette 10è édition, son bateau sera recouvert de panneaux solaires et le chauffage à gasoil remplacé par un chauffage électrique.
La classe IMOCA travaille également sur le sujet pour fixer pour 2028 de nouveaux engagements, le Cap Carbone, visant à limiter les émissions de CO2 dans la construction des nouveaux bateaux. L'objectif sera de gagner entre 15 et 25 % d'impact carbone.
Véritables centres d'expérimentation, ils permettent de développer des technologies qui s'appliquent plus largement à l'industrie nautique par la suite.
Antoine Mermod, président de la classe IMOCA présente : "Depuis trois ans, la classe IMOCA mène de gros travaux pour analyser le cycle de vie des bateaux. 14 bateaux neufs ont été construits, pour lesquels nous avons mis en place un ACV - analyse du cycle de vie, de façon comptable, avec un même logiciel, la même équipe, pour quantifier et analyser le réel impact de ces bateaux. Ils ont été fabriqués différemment, par des personnes différentes, dans des lieux différents. On a pu en déduire que certains matériaux sont mieux que d'autres, certaines techniques de construction sont déconseillées..."
À la manière de Conrad Colman, d'autres skippers ont pris des initiatives en ce sens. Jean Le Cam et Eric Bellion ont choisi la mutualisation dans la sobriété pour la construction de leurs deux bateaux identiques. Ce choix leur a permis de réduire leur empreinte carbone d'un tiers, mais aussi de faire des gains sur l'aspect financier et temps.
Damien Seguin a entrouvert une porte pour utiliser des matériaux biosourcés avec une aide sur la jauge. Il utilise une grand-voile composée à 40 % de lin. Elle a déjà fait une double transat et reste en parfait état. Si les essais sont concluants suite aux deux prochaines transats, alors le marin l'embarquera sur son tour du monde.
Inspirer pour sensibiliser le public à la préservation de l'océan
"Notre devoir est de sensibiliser le public à l'océan". C'est de cette manière qu'Alain Leboeuf a introduit le 3e axe de cette démarche. Le Vendée Globe va profiter de cette 10e édition pour livrer du contenu aux internautes, à partir d'articles de fonds réalisés en collaboration avec plusieurs partenaires : l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), les TAAF (Terres australes et antarctiques françaises), Polar Journal (média en ligne dédié aux zones polaires) et Océans Connectés (média en ligne entièrement dédié aux sciences de la mer).
L'organisation va également renforcer son programme pédagogique Vendée Globe Junior, qui sera désormais diffusé aussi en anglais pour toucher toutes les populations.
Bâtir un héritage positif en lançant la Vendée Globe Foundation
La SAEM Vendée et le Département de la Vendée ont créé le fonds de dotation "Vendée Globe Foundation" en faisant appel à trois membres fondateurs : la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée, la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Océan et la Banque Populaire Grand Ouest. Ce fonds vise à financer des projets de recherche tournés vers la préservation des écosystèmes marins. Alain Leboeuf détaille : "Il faut vulgariser la science, communiquer. Nous allons encore plus loin en lançant une fondation du Vendée Globe pour récolter des fonds et financer un certain nombre de recherches concrètes pour la préservation des écosystèmes marins en lien avec le parcours des skippers autour du monde."
Sodebo, partenaire historique du Vendée Globe, en est le premier mécène. D'autres suivront probablement, tant les sponsors sont friands de ces dispositifs aussi intéressant médiatiquement que fiscalement. Trois projets sont déjà soutenus dans ce cadre.
Share The Ocean
Le Vendée Globe va travailler avec un consortium d'expert pour délimiter des zones de protection de la biodiversité. Dès 2024, ils vont essayer de repérer les zones les plus importantes - zones de reproduction ou d'alimentation - pour minimiser les collisions avec la mégafaune marine tout au long du parcours.
La Mission William de l'association Over The Swell
La mission William a été un vrai coup de cœur pour le Vendée Globe. Il s'agit d'apprendre à mieux comprendre les routes migratoires du requin-baleine pour mieux le protéger.
Une collaboration avec l'UNESCO pour des travaux de recherche
Depuis 10 ans, certains skippers embarquent à bord des capteurs pour enrichir les bases de données scientifiques, notamment sur les zones peu fréquentées, comme les mers du Sud. Pour crédibiliser le projet autour des 10 engagements, le Vendée Globe noue un partenariat avec l'UNESCO pour financer la coordination d'instruments de mesure océanographique. Si certains skippers peuvent déjà embarquer certains instruments en 2024, l'obligation sera mise en place en 2028.