Au cœur de l'ancienne capitale viking, Rouen, Les Enfants de Rollon s'engagent à raviver l'histoire normande, souvent oubliée. Ludovic Garnier, président de l'association, partage avec nous cette mission allant de la construction de drakkars à la préservation du patrimoine viking. Une autre initiative se profile à l'horizon 2024 pour la ville : la création d'une Cité Immersive Viking.
Un regard sur l'histoire viking
"Comment savoir où on va quand on ne sait pas d'où on vient !". Un phrase chargée de sens pour Les Enfants de Rollon, et qui révèle un constat : la méconnaissance de l'Histoire normande. Cette devise, loin d'être anodine, porte en elle l'ambition de forger une identité régionale, à l'image d'autres régions françaises. Un appel à se reconnecter avec notre passé pour Ludovic Garnier, président de l'association : ''Dans une société parfois égarée, à la recherche de repères, cette connexion est pourtant cruciale. Nous la portons en nous. Nous pouvons nous appuyer dessus pour aller de l'avant et construire notre avenir."
Rouen fut une capitale viking. Originaire de Scandinavie, Rollon en devint comte en 911. En 2019, la structure Les Enfants de Rollon voit ainsi le jour, avec pour objectif la construction de drakkars mis à disposition d'institutions normandes, afin que l'esprit viking soit connu de tous.
Se consacrer aux legs de connaissances
Les Enfants de Rollon ont déjà à leur actif la construction de plusieurs drakkars. Face au défi de l'absence de charpentiers de marine dans la région, l'association puise dans les compétences de ses membres, novices compris. Cette aventure, qui mêle tradition et apprentissage, témoigne de la volonté de préserver le savoir-faire ancestral et de le transmettre aux générations futures.
Pour ces passionnés, le but est de voguer sur les flots à bord de drakkars, comme leurs ancêtres. La décision stratégique de construire le Freya, une réplique du Gislinge, bateau en bois de 7,7 mètres daté de 1130 après JC et retrouvé sur l'île de Sjælland au Danemark, s'est alors imposée.
Les plans ont été récupérés chez des spécialistes scandinaves. Construit en chêne et en pin douglas, ce bateau, dédié à la reconnaissance par les vikings, a déjà été essayé avec succès sur l'eau.
Cette première étape a permis à l'équipe de s'initier à plusieurs techniques, telles que le façonnage de la quille, le cintrage à la vapeur des bordés à clin, ou encore la mise en place des membrures dans la coque.
Un défi de réalisation
Interrogé sur les futures ambitions, Ludovic Garnier dévoile un projet : la construction d'un navire de 20 mètres. Il confie : "C'est une entreprise d'autant plus exigeante que la région rouennaise a perdu ses compétences dans la construction navale depuis la fermeture des chantiers de Normandie en 1986, et bien avant pour ce qui est de la construction de navires en bois''. L'absence de charpentiers de marine disponibles à Rouen contraint l'association à mobiliser les compétences de ses membres.
Au cœur de cette aventure humaine, la construction d'un "drakkar", terme bien connu du grand public. L'association accueille de nouveaux membres, parfois novices dans l'art du travail du bois, soulignant ainsi l'engagement des Enfants de Rollon en faveur du partage des savoirs.
Quant aux contraintes liées à l'accès au lieu de travail, Ludovic Garnier est conscient que le bateau ne pourra pas dépasser 4,20 m de large pour une longueur maximale de 20 m, ce qui nécessite une interprétation des plans historiques disponibles : ''C'est un choix délibéré pour respecter au mieux la conception historique tout en adaptant notre vision à la réalité actuelle."
Répondre aux contraintes modernes
Mais si l'équipe des Enfants de Rollon consacre son énergie à la préservation du patrimoine viking, cette mission requiert des choix cruciaux. Parmi eux, le renoncement inévitable à certaines méthodes ancestrales, telles que le travail à la hache à partir d'arbres entiers ; une compétence qui requiert un long apprentissage.
Ludovic Garnier et les bénévoles demeurent résolus : "Notre quête représente avant tout un hommage à nos ancêtres, une navigation habile entre la tradition et l'innovation. Au final, nous nous orientons vers un bateau qui se rapprochera davantage du modèle de Tune que de celui du Gokstad ou du Oseberg". Un effort commun qui vise à respecter au mieux la conception historique, faisant appel à des matériaux tels que le chêne, et mettant en œuvre des techniques d'assemblage, notamment le rivetage et le chevillage.
Le bateau de Tune (Tuneskipet) était un bateau utilisé à la fois comme petit navire de guerre ou pour le transport de marchandises, avec une large coque. Le navire a été trouvé en 1867 sur l'île de Rolvsoy en Norvège, dans un monticule funéraire appelé Bathaugen ou le monticule bateau. Sa conception date d'environ l'an 900. À partir des vestiges du bateau, ses dimensions ont été estimées à 22 mètres de long pour 4,35 mètres de large, et il devait posséder 11 ou 12 paires de rames. La longueur de la quille est de 14 mètres.
Un voyage temporel dans l'héritage nordique
2024 marquera l'inauguration d'un concept novateur sur les rives de la Seine à Rouen : l'ouverture d'une Cité Immersive Viking. Ludovic Garnier, qui occupe simultanément le poste de directeur de ce projet et de président des Enfants de Rollon, souligne qu'il s'agit de deux rôles distincts qui néanmoins "ont en commun l'amour de l'histoire et le souhait de la dépoussiérer... surtout lorsque l'on constate que 85 % des Français aiment l'histoire, mais que seulement 30 % fréquentent les musées."
La Cité Immersive Viking entend révolutionner cette statistique en adoptant une approche avant-gardiste, mariant technologies de pointe, pièces archéologiques authentiques et mise en scène immersive.
"Nous cherchons à susciter des émotions et la curiosité en mettant en lumière un héros local, Rollon. Les visiteurs seront activement impliqués dans leur découverte, stimulés par de nouvelles technologies. La rigueur dans l'historicité sera maintenue."
La cité aspire à devenir un lieu dynamique, populaire et inclusif. Quant à la possible présence d'un drakkar sur les quais de Seine, Laurent Garnier laisse planer le doute : "Réponse au printemps 2024."