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Agée de seulement 18 ans, Carla Jain a la tête sur les épaules et un sacré mental. La jeune fille a traversé de la Côte d'Azur jusqu'à la Corse en solitaire, sur un Laser Radial entièrement de série. Elle répond à nos questions, quelques heures après le succès de cette navigation hors norme.
Comment t'es venue cette envie de traversée hauturière sur un dériveur ?
C'est en lisant le récit de la traversée de la Manche par Violette Dorange que l'idée de ce projet m'est venue à l'esprit. J'ai trouvé son histoire très inspirante, et j'ai voulu à mon tour me lancer dans un défi de la même envergure. J'avais envie d'explorer le large, d'aller voir à quoi ça ressemblait.
J'ai commencé à monter la structure de mon projet il y a deux ans. Licenciée au SNLP, la Société des Loisirs Nautiques de Porticcio, j'ai peaufiné mon entrainement sur l'eau et à terre, afin de me préparer au mieux à ce défi. J'ai également démarché des partenaires et j'ai vite été contactée par un skipper d'IMOCA qui m'a annoncé son soutien. Mais deux semaines avant le départ, il s'est retiré du projet sans me fournir d'explications. C'était un coup dur, car nous avons dû tout annuler et reprendre nos recherches de sponsors.
Il m'a fallu une année supplémentaire pour rebondir et trouver de nouveaux partenaires. Mais dans mon malheur, cette année supplémentaire m'a été très bénéfique. D'autant que cette navigation s'est avérée très physique, et personne n'avait réussi ce trajet sur ce support.
Afin de donner sens à cette navigation, j'ai collecté des fonds via une cagnotte, qui seront reversés à Sea Cleaners, l'association d'Yvan Bourgnon, et Mare Vivu, une association corse qui œuvre pour l'environnement.
C'était ta première navigation hauturière ?
Oui, je n'étais jamais allée au large auparavant. J'ai commencé l'Optimist vers mes 7 ans, j'ai fait plusieurs saisons avant de basculer en Laser.
Quel itinéraire as-tu suivi ?
Je suis partie du Cap d'Ail, dans les Alpes Maritimes, vers 2h du matin. Le routage annonçait une distance de 91 milles. Les prévisions n'ont pas été conformes à ce qui était prévu. Si bien que le soir de la première journée, je n'avais parcouru que 30 milles. Ça s'est joué au mental, ce n'était pas simple à gérer.
Puis le vent s'est levé au milieu de la nuit, avec des claques à 25 nœuds, c'était sport, mais ces conditions toniques m'ont permis de rester éveillée.
Comment ta sécurité était-elle assurée ?
J'étais suivie à distance par un voilier de 45 pieds sur lequel ont embarqué ma coach et un skipper. Ils étaient là pour intervenir rapidement en cas de besoin. Mais ils n'ont pas eu à le faire. Il n'y a eu aucun ravitaillement sur toute la traversée.
A bord de mon Laser, j'avais embarqué des feux à mains, une flashlight, la frontale, une VHF, un GPS et une balise de détresse.
L'avitaillement était-il à bord de ton Laser ?
Oui, j'avais prévu 9 litres d'eau douce, des barres de céréales et des sandwichs dans des sacs étanches. Il fallait faire simple et rapide.
Comment s'est passé la suite de ta traversée ?
La seconde partie a été un peu plus calme, en alternant phases de pétole et petit thermique. J'ai dû lutter contre le manque de sommeil pendant la deuxième nuit, car il est impossible de faire une sieste sur un Laser. Et vers 6h du matin, je suis arrivée à la pointe de Revellata, à côté de Calvi. J'étais exténuée, je n'ai pas vraiment réalisé que j'avais réussi mon pari. J'ai mis 28 heures et 31 minutes pour réaliser cette traversée, ce qui en fait un temps de référence, car je suis la première à l'avoir fait.
Vas-tu continuer à naviguer en Laser ?
Non, cette traversée est un aboutissement, car j'ai passé plusieurs années sur ce support. Mais cela m'a conforté dans mon envie de continuer dans le domaine de la course au large. J'aimerais me tourner maintenant vers le circuit Figaro. J'aime la compétition et le niveau sur ce circuit est vraiment impressionnant.