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Ce mercredi 16 novembre, à 04h33, le skipper a franchi la Tête à l'Anglais à 38 nœuds. Mais comme attendu, la dévente du passage sous l'île l'a ralenti à 1,5 nœud. Il a finalement franchi la bouée de Basse-Terre à 07h44. C'est en mode archimédien au près bon plein avec 10 nœuds de vent et une vitesse de 15 noeuds, que Charles Caudrelier a rejoint Pointe-à-Pitre. Avec un passage de ligne à 10 h 02 minutes 25 secondes heure française, il remporte cette 12e édition de la Route du Rhum. Il bat également le record de l'édition de 2018 détenu jusqu'alors par Francis Joyon avec un nouveau temps de 6 jours, 19 h 47 m 25 s. Au total, sa course aura été marquée par 14 virements de bord et 17 empannages.
Les premiers mots du skipper
Je ne suis même pas tellement fatigué. Même si c'était une course épuisante j'ai réussi à trouver mon rythme. Les premières 24 heures ont été dures. Mais j'avais la niaque ! J'avais envie de gagner la course pour mon équipe, pour ce bateau... J'en rêve depuis gamin et je n'ai jamais pu la faire. C'était frustrant. Il y a 3 ans, on m'a offert ce rêve.
Il faut noter la folie de cette famille qui a construit ce bateau avec Cyril Dardashti. Ils ont construit un bateau volant et ont eu l'audace de choisir Guillaume Verdier. C'était impensable et en plus un Maxi. J'étais au départ du Rhum, je l'ai vu et je l'ai trouvé dingue.
Cette victoire c'est un travail d'équipe ! Franck avait l'expérience de ces multicoques, je le remercie. Sans lui je n'aurai pas eu un bateau aussi performant. Il m'a laissé sa place et je le remercie. Il aurait pu gagner cette course lui aussi. Toute l'année, l'équipe s'acharne sur le bateau, car c'est un bateau compliqué. Ils le font évoluer en permanence. C'est comme une équipe de Formule 1, je suis le pilote.
C'était une course presque parfaite. Je n'ai pas eu un souci sur le bateau. Je vis un bonheur dingue. Je voulais faire cette course, mais dans ces conditions c'est dingue et sur ce bateau aussi ! Je le fais aussi pour ma maman que j'ai perdue et qui avait ce rêve plus que moi.
Un départ mené d'une main de maître
C'est finalement le mercredi 9 novembre 2022 à 14h15 qu'a été donné le départ de la Route du Rhum 2022. C'est au près, dans un flux d'Ouest Sud-Ouest d'une vingtaine de nœuds, que Charles Caudrelier et le Maxi Edmond de Rothschild se sont élancés en tête de la flotte des Ultim. Après un peu plus d'une heure de course, c'est toujours en tête que Charles Caudrelier a franchi la bouée du Cap Fréhel située 17 milles plus loin. Il s'est d'ailleurs fait remarquer par la rapidité de son virement de bord, effectué environ huit minutes devant Armel le Cléac'h. Le comité de course a déposé une réclamation contre le skipper pour avoir volé la ligne de départ, mais celui-ci a rapidement contesté cette décision, sanctionnée par 4 h de pénalité.
C'est finalement en longeant la côte et les abords de Bréhat, suivi par François Gabart que Charles Caudrelier choisissait de continuer pour démancher. La nuit a été rythmée par les virements de bord et par un estomac contrarié par une intoxication alimentaire, entraînant quelques bêtises, comme l'expliquait le skipper le jeudi 10 novembre. Au matin, une bonne partie de la flotte avait déjà dépassé la pointe bretonne après une sortie de Manche délicate. Encore une fois le skipper du Maxi Edmond de Rothschild a été le premier à doubler l'île d'Ouessant le mercredi 9 peu avant minuit et à basculer dans le golfe de Gascogne. Le jeudi matin, il avait 16 milles d'avance sur son poursuivant Thomas Coville.
Des alizés qui se font attendre
Le lendemain, toujours en tête alors qu'il évoluait au large de la péninsule ibérique, il comptait 26,3 milles d'avance sur François Gabart et 45,4 milles sur Thomas Coville. Le jury de la course après étude des positions GPS du trimaran aux cinq flèches annulait la pénalité de Charles Caudrelier.
Alors qu'il espérait enfin toucher les alizés et du vent portant au 4e jour de course, il a fallu composer avec du près et un nouveau front. La cellule de routage a privilégié une option sud pour essayer de se glisser sous la bordure de l'anticyclone des Açores, mais le timing étant serré, la porte s'est refermée.
"La nuit dernière a été difficile. Hier, nous étions partis au portant avec François Gabart, après un passage de front bien physique pour moi avec un enchaînement de deux virements de bord très proches. Malheureusement dans la nuit, le vent nous a abandonnés, il a fallu repartir dans l'Ouest pour finalement aller chercher un nouveau front. Ce matin, c'était la guerre avec un vent très tordu, changeant en force et en direction. François avait du vent pour aller tout droit alors que j'ai dû de mon côté enchaîner encore les virements de bord. Mais bon l'essentiel est que le dernier a payé !"
La prise de pouvoir de François Gabart
Pour la première fois, ce samedi 12 novembre, c'est François Gabart sur SVR-Lazartigue qui est aux commandes de la flotte. À seulement 4 milles derrière le nouveau leader, Charles Caudrelier le marin compte bien négocier le passage combiné du front et des Açores pour reprendre sa position.
Fatigué par ce nouveau front, enchaînant des manœuvres rendues difficiles, le marin ne dort que peu. Alors qu'ils comptaient piquer au sud attraper les alizés, il a fallu changer de plan et refaire de l'ouest tout en se préparant à affronter du vent fort au près. Tout en maîtrisant des vitesses élevées, 32,88 nœuds en moyenne !
"Le deuxième front nous ait arrivé dessus plus vite que prévu. Ce n'est pas grave, on va recommencer ! Je dors moins depuis que François Gabart est à côté de moi. C'est peut-être pour ça que j'ai fait une bêtise avant le front. On aurait peut-être dû aller couper tout droit. Mais c'est sympa d'avoir quelqu'un à côté. C'est tout de suite plus excitant d'avoir un bateau bord à bord, ça occupe bien les journées, ça met de l'action ! J'ai profité de quelques longueurs pour me reposer hier, et heureusement, car cette nuit je n'ai pas dormi."
Le retour en tête de flotte et beaucoup de fatigue
Ce deuxième passage de front a scindé la classe Ultim en trois groupes, puisque Armel le Cléac'h a fait son retour en course après la réparation de sa dérive à Lorient. À l'avant, Charles Caudrelier mène de nouveau la flotte au coude à coude avec François Gabart, Thomas Coville un peu plus loin dans leur sillage.
Charles Caudrelier déclarait le dimanche 13 novembre : "C'est un peu la guerre là. Le vent est super instable. Il faut faire gaffe. Ce n'est pas encore le rêve. C'est encore perturbé et plutôt tendu. J'attends avec impatience d'enlever mon ciré. Le vent est très instable et ce n'est pas encore vraiment du portant. En ce moment, il y a 20 nœuds, avec de grosses rafales à 30. À chaque fois que je veux aller dormir, il y en a deux de plus. C'est chaud ! On a été vite ces dernières heures. On a plus cherché à freiner le bateau, qu'à le faire accélérer. Les vitesses sont montées à 48-49-50 nœuds. Avant les Açores, François (Gabart) était revenu sur moi dans le petit temps. Il allait tout droit alors que moi je n'arrivais pas ! J'ai viré 4-5 fois et un moment je me suis dit "allez je pars". Lui, il a pris une option un peu moins musclée et finalement c'est revenu presque au même."
Un peu de répit avant l'arrivée !
Après quelques empannages, les Ultim ont enfin attrapé les alizés de Nord-Est le lundi 14 novembre. C'est désormais l'heure au sprint final, un long bord de bâbord vers la Guadeloupe ! Pour conserver la meilleure trajectoire et ne laisser aucune porte ouverte à son poursuivant, Charles Caudrelier s'est recalé dans la nuit pour réduire l'écart latéral avec François Gabart, ceci expliquant les milles concédés par le marin. Au pointage de 12h, il restait moins de 500 milles à parcourir, avec une avance de 88,3 milles d'avance sur SVR et 172,8 milles sur Sodebo Ultim 3. Pour se préparer au mieux à l'arrivée qui se fera de nuit en Guadeloupe, et un contournement de la Guadeloupe piégeur, Charles Caudrelier a profité de ce temps clément pour se reposer.