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Les recettes de la vitesse en bateau
Aujourd'hui, la pertinence du multicoque pour aller vite en course au large ne fait plus de doute. Catamarans et trimarans trustent les records de vitesse sur les transatlantiques et la Route du Rhum ne fait pas exception. Mais lorsque l'on se promène sur les pontons à l'aube du départ à Saint-Malo de la reine de Transat, on peut se questionner sur la variété des formes présentes. En voici un tour d'horizon, en forme d'histoire illustrée de l'architecture navale !
Quand les trimarans étaient pacifiques...
Honneur aux grands anciens. On trouve en catégorie Rhum Multi quelques trimarans en contreplaqué des années 1970-1980, témoins de la prise du pouvoir des multicoques sur les records au large, à l'époque de la victoire pour quelques secondes d'un certain Mike Birch lors de la 1ère édition de la Route du Rhum. Happy, sistership de l'Olympus Photo du skipper canadien, arbore des flotteurs bananes, aussi pincés devant que derrière, avec leurs formes dites canoës. Dick Newick, l'architecte phare des multicoques de l'époque, s'inspirait directement des pirogues et multicoques du Pacifique. Les flotteurs, plus courts que la coque centrale, avait encore peu de volume et des formes pas vraiment optimisées pour la portance. L'Aile Bleue s'inscrit dans la même lignée.
Quand les flotteurs prennent du volume et les bateaux de la raideur
Grandissant en taille comme en popularité, les trimarans se sont élargis. Les flotteurs se sont allongés. Au fur et à mesure que leur vitesse augmentait et que la largeur du bateau leur permettait de porter plus de toile, les flotteurs ont gagné en volume. Il fallait bien tirer profit de la raideur de la plateforme. Les bateaux ne volant pas et les dérives n'apportant que peu de portante, c'est le flotteur qui assurait le moment de redressement. Le volume de flotteur est aussi celui qui limite le risque d'enfournement et de chavirage.
On le voit dans le haut des flotteurs de Trilogic, Multi 50 de 2004 ou d'Interaction d'Erwan Thiboumery, et même de l'Acapella de Charlie Capelle.
Planer et commencer à faire voler les bateaux
Pour accélérer encore, les formes de flotteurs évoluent encore. On travaille la tension des lignes de flotteurs et des surfaces planes dans les fonds à l'arrière créent de la portance. Certains s'essaient déjà à mettre quelques foils depuis certains temps, comme PIR2, lancé en 1983, dont les formes peuvent être déroutantes avec son étrave tulipée.
On observe la tension des lignes et les formes arrières plates également chez les catamarans, même récents, alignés sur la Route du Rhum, d'Outremer aux ORC de chez Marsaudon.
Bateaux dans l'eau, et au-dessus de l'eau !
Chez les trimarans récents, les Ocean Fifty, ex Multi 50, s'ils ont encore du volume avant, affichent des formes arrières tendues. Leurs foils soulagent le flotteur, sans pour autant faire voler le bateau.
Du côté des nouveaux Ultim, le fonctionnement change. Les voiliers naviguent à plat, le foil permettant de reprendre la puissance pour voler plutôt que giter. Les volumes se sont déplacés dans les flotteurs, et les dessous sont désormais hyper tendus.
En parcourant ces photos, on mesure combien la course au large a évolué et on imagine le fourmillement dans les cerveaux des architectes navals et des skippers ces dernières années !