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Peu avant le départ de la Route du Rhum 2022, nous avons échangé avec Alan Roura sur sa préparation à la transatlantique et au-delà, et sur son IMOCA Hublot, dont le design a marqué une étape dans les dessins de la classe lorsqu'il est sorti sous les couleurs d'Hugo Boss.
Pourquoi avoir choisi de reprendre l'ancien Hugo Boss d'Alex Thomson et comment appréhende-t-on la navigation avec un bateau qui a connu des débuts compliqués ?
Au retour du Vendée Globe 2020, j'ai directement contacté Alex. En parallèle, j'ai fait pas mal de recherche sur la construction d'un bateau, notamment le sistership de l'Occitane, celui qui est devenu Initiatives Coeur. Mais il ne faut pas la même équipe pour construire un bateau et je n'étais pas sur d'avoir l'énergie. En solution 2, il y avait Arkea, mais je voulais Hugo Boss, car il a un parti pris de conception assumé.
On a récupéré le bateau tôt et tard à la fois. Il y a eu une super transmission avec Alex, même si nous avons une façon de naviguer assez différente. On l'a mis à nu ensemble pour contrôle, puis on l'a convoyé ensemble de Toulon au Portugal avec chacun un membre de notre équipe. Puis il m'a laissé la barre.
Le bateau est né dans le bon timing, mais il a perdu sa quille et ensuite est arrivé le Covid. Au final, il n'a navigué que 3 mois avant le Vendée Globe. Alex Thomson n'a pas eu de chance sur le timing. Quand aux problèmes de structure, aujourd'hui on a pris 50 nœuds à toutes les allures avec de la mer. 8 000 milles avant la Route du Rhum et pas une fissure. On est serein.
Quelles modifications as-tu faites sur le bateau ?
Alex a pensé ce bateau pour le Vendée Globe. Il a mis toute son expérience dans le bateau. Mais Alex fait très peu de près. Il n'a rien étudié pour, sur le bateau ! Notre objectif était donc de rendre le bateau plus polyvalent sans perdre la vitesse au portant. Parce que quand tu perds 1 nœud et 10 degrés au près par rapport aux autres, c'est un problème... Avec notre nouvelle grand voile, travaillée avec Incidences, on a un gain important. On a travaillé sur la gite. La grand-voile est plus légère de 40 kg sur 140 kg !
On a gagné du poids à divers endroits, comme en simplifiant l'électronique. Avec du soleil, on arrive à être autonome en énergie. On a aussi réfléchi au système de matossage, pour que ce ne soit pas qu'à la force de l'Anglais, comme Alex !
On ne va pas refaire de foils aujourd'hui. Il y a le coût, presque 200 000 € ! On essaye aussi de ne pas faire des travaux juste pour faire des travaux. Entre 6 mois de travaux et 6 mois de navigation, on a peut-être meilleur temps à être sur l'eau. Le chantier encore en tête serait de refaire l'étrave en trouvant une solution simple.
Quel changement y-a-t-il eu dans ta préparation avec ce nouveau bateau ?
Du temps ! J'ai surtout eu plus de temps pour un gros suivi mental et psychologique que je n'avais pas avant. Tout le monde fait du physique et monter la voile en 1 minute 30 au lieu de 1 minute 45, qu'est-ce que ça change ? En revanche, il faut être capable de se faire mal sur ces bateaux.
On a beaucoup navigué. Connaître le bateau sur le bout des doigts, ça prend du temps. J'ai aussi fait naviguer du monde à bord venant d'autres supports. Cela donne une vision extérieure. Par exemple, Sébastien Josse a pu me conseiller sur les réglages de voile d'avant.
Comment te vois-tu sur cette Route du Rhum 2022 ?
Je suis un outsider, avec un bon bateau de portant, donc de Transat. Je n'ai pas peur d'aller prendre des options et on rêve tous un jour de gagner la Route du Rhum. Après, on n'a pas beaucoup vu les nouveaux bateaux, comme Maître Coq et disons que sur le papier, il y en a quelques-uns devant !
J'ai envie de courir et franchir la ligne la tête haute. J'appréhende ça comme un Vendée Globe. C'est très court et tu ne peux pas te permettre de réparer. Tu arrives aussi fatigué. En 2018, j'étais aussi fatigué qu'après le Vendée Globe. Il faudra savoir trouver le curseur !