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Eric Péron a intégré le circuit Ocean Fifty en mai 2021 en rachetant l'ancien trimaran de Gilles Lamiré. Ce touche-à-tout de la course au large a navigué sur de nombreux supports et prendra le départ de sa première Route du Rhum, avant de participer au Tour du Monde des Ultims en 2023. Il a loué pour la saison prochaine le trimaran Ultim Sailing, né Géronimo entre les mains d'Olivier de Kersauson, puis passé entre les mains de Thomas Coville puis d'Yves Le Blevec. Il récupèrera son nouveau bateau début 2023 avant de lancer un chantier.
Tu as choisi de réaliser de gros travaux sur ton bateau en 2021. Quelles évolutions constates-tu depuis le chantier ?
On est assez content de l'équilibre du bateau après ce qui a été réalisé cet hiver. C'est assez délicat sur ce genre de refit, surtout quand on ajoute de nouveaux appendices : foils, safrans... Le travail de l'architecte a été assez fructueux. On a retrouvé assez vite des réglages simples et performants.
Où en es-tu de la prise en main et quel bilan tires-tu de cette première saison en Ocean Fifty ?
On a fait le tour des conditions jusqu'à 22 nœuds de vent maximum. Malheureusement, il n'y a pas eu beaucoup de vent cette saison, et notre programme ne correspondait pas aux périodes de mer forte. Ça ne fait que 3 semaines que je teste dans du vent fort. On se focalise essentiellement sur les conditions musclées. La nouvelle arme du bateau est un petit gennaker, parfait pour les conditions musclées en solitaire.
Je me sens confiant sur ce bateau. Je sens qu'il est à ma main. Je me sens prêt à participer à la Route du Rhum.
Le programme de la classe Ocean Fifty alterne équipage sur le Pro Sailing Tour et solitaire sur la Drheam Cup ou la Route du Rhum. Quelles sont les grandes différences ?
Quand on a en ligne de mire le dernier objectif de la saison, une course en solitaire, on ne pense qu'à ça tout au long de l'année. L'équipage formé au début de l'année pour le Pro Sailing était étroitement lié avec l'objectif de faire du solitaire. On a choisi des compétences pour performer à la fois sur le Pro Sailing Tour et la Route du Rhum. À chaque objectif de travail, on avait la Route du Rhum en ligne de mire.
L'idée, en tout début d'année, était d'aller chercher les petites zones d'ombre dans le maniement du bateau au large en solitaire. Le fait d'être plusieurs à bord permettait de tester les zones à risque pour se sentir en sécurité sur la Route du Rhum, surtout en multicoque.
La sécurité est l'objectif principal. Ce sont des bateaux engageants, qui se retournent.
Si on veut aller vite, il faut sortir les tripes et désinhiber ses appréhensions du solitaire.
Quel bilan tires-tu de ta première expérience en solitaire en Ocean Fifty sur la Drheam Cup ?
Sur une course de 1 000 milles, on a déjà un aperçu de ce que peut être le solo. C'était un peu radical pour moi, car ma première course de l'année, je l'ai faite en solo. Ça a permis de lever pas mal d'incertitudes. La Dhream Cup s'est déroulée dans des conditions sans trop de vent, donc ce n'était pas vraiment intense. C'était intéressant, mais pas spécialement pour travailler sur le côté fil du rasoir. J'ai plus travaillé avec la cellule routage sur ce côté-là.
Penses-tu que ton expérience en Figaro puisse être un avantage sur la Route du Rhum ?
Même si j'ai un vieux bateau, j'espère combler mon déficit de vitesse par cette expérience au large. Entre le Figaro, la Volvo Ocean Race, je me sens capable de pousser fort pendant 12 jours maximum. J'espère que cette expérience-là me permettra de faire la différence sur la vitesse. Sur la Transat, on a tous notre carte à jouer, même si on sait que certains bateaux ont certains points forts. Mais j'ai sans doute le bateau le plus 4x4.
J'espère que mon expérience me permettra d'être à fond, de mieux me reposer, de savoir quand appuyer. Bref, de mieux faire tout. Même si c'est sur le long terme.
As-tu réalisé un nouveau chantier pour préparer ton bateau au solo ?
Depuis juin 2022, on a installé une nouvelle casquette. Le cockpit était très ouvert, avec un poste de barre seulement protégé par un tout petit roof. On a comblé cet espace avec une casquette amovible. On continue de trouver de nouveaux espaces pour installer les panneaux solaires.
J'ai pu valider cette installation lors de ma dernière navigation. Ça apporte énormément de confort dans le cockpit. Je ne suis pas protégé à 100 % comme certains autres, mais on n'est pas mal. C'était bienvenu pour ce départ le 6 novembre.
C'est un malicieux mélange : un cockpit aéré pour les sensations, mais adapté à toutes les contraintes que l'on avait. Sur mon bateau, le plancher est très haut par rapport à la bôme. Il a fallu trouver un compromis.
Je ne navigue avec mon bateau que depuis février. C'est une année dense. Je n'ai pas à rougir de mon état de préparation et je suis fier d'avoir fait tout ça. C'est perfectible, mais c'est déjà une bonne base. On continuera le travail plus tard.
Comment te prépares-tu à la transat ? Comment appréhendes-tu cette première sur la course et en Ocean Fifty ? Quelles sont tes ambitions ?
On n'est pas là pour faire de la figuration. On veut accéder au podium. C'est un parcours peu contraint, sans bouées à passer. Je pense qu'il peut y avoir de grands écarts. Les bateaux ont tous leur mode de fonctionnement. Sans bouée à passer avant Pointe-à-Pitre, les routes vont se séparer. Même si 2 ou 3 bateaux empruntent la même famille de trajectoire, je ne pense pas qu'ils restent à vue. Peut-être qu'à l'arrivée il y aura un recalage, mais on ne sera pas les uns derrières les autres. Et pour la suite, je ne désespère pas de faire un tour du monde en solitaire.