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S'il a laissé la course au large derrière lui depuis la Transat Jacques Vabre 2017, il n'a pas pourtant arrêté de naviguer. Formant des amateurs passionnés, il a participé à des courses moins médiatiques. Il revient sur cette Route du Rhum en tant que favori et espère bien décrocher la victoire.
Ta dernière course au large professionnelle remonte à 2017, et ta dernière Route du Rhum à 2010. Pourquoi ce retour sur la transat ? Et pourquoi en catégorie Rhum mono ?
C'était une jolie opportunité après la dernière victoire sur la Jacques Vabre. J'ai souhaité utiliser un bateau que j'ai développé, le JP54, pour mettre le pied à l'étrier à d'autres personnes. J'avais l'opportunité avec la Route du Rhum de pouvoir inscrire le bateau et d'être l'un des favoris. J'ai sauté sur l'occasion. C'est une course mythique.
Mon histoire avec la Route du Rhum est particulière. Je n'ai jamais fait mieux que la 3e position. J'aimerais la gagner. La course au large reste ma passion. C'est un élément important. Participer me permet aussi de promouvoir ma mer de cœur, la Méditerranée.
Qu'as-tu fait depuis 2017 ? As-tu maintenu un pied dans la course au large ?
J'ai continué à naviguer, mais de manière beaucoup moins médiatisée. J'ai navigué avec des amateurs passionnés qui m'ont fait confiance. J'ai aussi participé à des courses moins médiatiques.
Tu es l'un des grands favoris de ta catégorie, quid de cette reconnaissance ?
J'ai envie d'y retourner ! Ça fait des années que je n'ai pas vécu cet enchaînement, présent dans l'envergure de cette course-là. Ça me rappelle des souvenirs. Je fais des interviews, j'ai un programme sportif. Je vais me défoncer sur cette course. Rapporter le Graal de la victoire fait toujours plaisir. Mais la mer est toujours dure et cruelle.
Quelle a été ta préparation ?
J'ai fait ma qualification en ramenant mon bateau des Antilles aux Bermudes avant la transat, et j'ai navigué toutes les semaines en solo pur, mais aussi en faux solo. Les choses se passent. J'ai le bateau bien en main. Il est moins physique qu'un IMOCA, mais il est engagé. Il va vite, il y a de la toile.
Peux-tu nous présenter ton bateau ? Est-ce qu'il est spécifiquement aménagé pour la course au large ? As-tu fait des modifications pour la Route du Rhum ?
C'est plutôt un bateau fait pour la croisière rapide. Pour les gens qui ont le goût du bateau, et de la voile surtout. Le concept a pas mal évolué. Ça a plutôt été un échec commercial.
C'est un bateau de démonstration que j'ai, au fur et à mesure du temps, typé plus course au large. Depuis le chantier de cet été, on l'a adapté au solitaire. Mais je n'ai pas de moulin à café par exemple, parce que je faisais de la course au large avec ces fameux amateurs justement.
J'ai investi dans un pilote automatique spécifique, une source d'énergie adaptée à la course au large et aussi plus moderne en remplaçant les moteurs diesel par de l'énergie solaire. Il fallait une liste de choses très importantes pour correspondre à l'avis de course : radars, ancre, électronique... J'ai aussi repeint le bateau et travaillé sur de petits détails pour qu'il soit plus costaud sur la course, et investi dans de nouvelles voiles.
Ton bateau possède un carré rotatif un peu futuriste. En es-tu satisfait ? Pourquoi ne l'a-t-on pas vu se développer ?
C'était une innovation de faire ça. L'idée, notamment, était de faire une croisière avec du poids utile. C'est important sur l'IMOCA, on matosse à la main avec des sacs. C'est un moyen sophistiqué d'y arriver. Il a tout son sens, car pour la performance c'est efficace et ça permet de garder le côté hydraulique. Matosser manuellement est compliqué, je préfère le faire électroniquement.
C'est un concept plutôt libre de droit, mais techniquement compliqué à mettre en œuvre, pas repris. L'avènement des multicoques fait que ce sont des choses moins utilisées. Le bateau est assez unique, avec énormément de conception, de finesses de réalisation, en termes de technicité de construction, quelque chose d'abouti.
Est-ce que ce retour sur la Route du Rhum est un one-shot ou aura-t-on la chance de te revoir en course au large ?
Je ne sais pas. Je vais voir comment ça se passe. J'ai la chance d'avoir des partenaires fidèles. Mais ce ne sont pas des budgets d'IMOCA. Aujourd'hui, c'est une décision personnelle. J'ai fait 4 Vendée Globe d'affilé, je suis obsessionnel sur les détails. Mais ce n'est pas évident d'allier la course au large pendant 20 ans et de vivre avec des personnes, de fonder une famille.
J'aurais moins de chance de gagner en IMOCA et je me mets cette pression constante. J'y retourne différemment avec des valeurs différentes, pour voir les choses différemment. J'adore le côté sportif. Je suis compétiteur de nature, mais il faut gérer ce qui en résulte. Refaire un Vendée Globe serait un sacré défi personnel.
L'année prochaine, je vais me concentrer sur des courses en double : Fastnet, Carribean 600, Middle Sea Race en double avec un skipper que je forme, qui est en partie niçois. J'aime former des gens. Ils ont de très belles valeurs humaines. J'ai envie d'y passer du temps, c'est aussi important. J'ai besoin d'avoir confiance, en mer, mais aussi à terre. C'est un gros travail à terre pour être en phase avec ça.