Interview / Yoann Richomme : "Mon bateau est particulièrement adapté à la Route du Rhum"

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Yoann Richomme est le tenant du titre de la Route du Rhum en Class40. Après un passage sur le circuit des Volvo 65, et avant de mettre à l'eau son IMOCA en vue d'un Vendée Globe 2024, il rempile sur le circuit des Class40 à bord d'un bateau neuf conçu pour la transat.

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Yoann Richomme est un touche-à-tout : circuit Figaro, Class40, The Ocean Race, et bientôt IMOCA. En attendant la construction de son bateau, le skipper s'est relancé sur le circuit Class40 pour tenter de conserver son titre de vainqueur.

Tu reviens en tant que tenant du titre en Class40. L'objectif est de conserver ton titre ?

On va essayer de faire la même chose, mais on ne va pas me donner facilement la victoire. Il y a un bon lot de concurrents. C'est compliqué et c'est pour ça qu'on aime ça. C'est un beau challenge de remettre son titre en jeu. Dans la continuité d'un projet de Vendée Globe à venir, c'est sûr qu'on veut être performant sur cette course.

Peux-tu nous présenter ton Class40 et ses spécificités ?

C'est un Lift 2 du cabinet Lombard. Sur la course, il y 7 bateaux identiques, dont surtout deux performants, le mien et celui de Corentin Douguet. C'est un bateau superbe, particulièrement adapté à la Route du Rhum et aux conditions météo de la première semaine avec du vent, du près. Les autres bateaux sont plutôt conçus pour des allures portantes avec du vent arrière. Plutôt orientés sur la 2e semaine de course.

La première semaine, généralement, c'est tempête et bords de près durs. Il faut s'extirper de la météo désagréable du mois de novembre de l'Europe, face au vent et aux vagues et se mettre dans le rouge. La 2e semaine, ce sont les alizés au portant. C'est plus agréable. L'avantage gagné de la première semaine est difficile à rattraper la 2e semaine sur un scénario classique. Si la régate est au portant et qu'on envoie le spi à Saint-Malo, alors on aura moins d'avantages.

Je suis content d'avoir travaillé toute la saison en commun avec Corentin et Queguiner. Je suis satisfait du travail effectué pendant 6 mois.

Le Class40 Paprec Arkéa de Yoann Richomme © Polaryse
Le Class40 Paprec Arkéa de Yoann Richomme © Polaryse

Est-ce que des solutions apportées sur ton Class40 peuvent être transposées sur ton IMOCA ?

On travaille globalement avec les mêmes fournisseurs. C'est un apprentissage nouveau pour nous.

Les voiles sont très similaires dans leur technicité. Le plus gros élément commun, c'est sur le pilote automatique que l'on n'avait jamais utilisé. On avait eu de bons retours des concurrents. C'est un superbe banc d'essai sur le Class40. J'aurai la connaissance de ce pilote, que je n'aurais pas eu sans ce projet-là. C'est satisfaisant.

On est aussi une équipe nouvelle, on ne se connaissait pas. On a travaillé sur la conception d'un bateau, mais pas sur la technique, l'électronique, le gréement... On sera d'autant plus opérationnels pour le projet IMOCA. Pour l'instant, je travaille seul avec mon préparateur technique, mais on s'adjoint les services des spécialistes de l'équipe, qui seront avec nous plus tard.

Le Class40 Paprec Arkea © Polaryse
Le Class40 Paprec Arkea © Polaryse

Comment vis-tu ce retour au solitaire ?

J'y retourne différemment. La Solitaire du Figaro en 2019 est ma dernière expérience en solitaire avant l'équipage. Je me sentais bien en équipage, mais j'avais un manque pour être performant en IMOCA en 2023. Initialement, on n'avait pas signé ce projet, mais on y est retourné motivé. C'est un projet simple, que l'on peut maîtriser et que je peux gérer en grande partie seul. Je suis plus prêt sportivement et techniquement avec ce projet. On est déjà une meilleure équipe.

Yoann Richomme © Polaryse
Yoann Richomme © Polaryse

Quelle vision as-tu du niveau de la Class40 et de son évolution depuis 2018 ?

Il y 4 ans, on a initié des bateaux à nez assez large devant. C'était des bateaux très puissants. Le scénario de la Route du Rhum 2018 a prouvé qu'il fallait s'y orienter. Beaucoup de plans d'architectes sont nés avec des nez très larges.

C'est impressionnant, on a entre 15 et 20 % de gains de vitesse. On se retrouve aussi, avec ce design très puissant, pour être très rapide sur la première semaine de la Route du Rhum. L'évolution architecturale des coques est assez fantastique. C'est une nouvelle donne. On a appris collectivement sur leur passage dans la mer… ça aussi c'est intéressant par rapport à l'IMOCA, même si l'utilisation n'est pas la même.

Quel format préfères-tu, solitaire ou équipage ?

J'aime bien les deux. En France, on est un peu obligé de faire du solo parce que les courses en équipage existent beaucoup moins, surtout si on en vit professionnellement. Je n'étais pas fan au début, mais je me suis mis dedans. Ça me motive grave, car le challenge est incroyable et atypique.

J'ai vécu une sacrée expérience avec Mirpuri, sur le Volvo 65. J'ai fait pas mal d'équipage. Si je devais choisir, je préfère le double, on est plus léger qu'en équipage, mais avec un pote pour faire des blagues.

Quelle est la suite du programme après la Route du Rhum ?

Ça va aller assez vite. Le Class40 a été vendu trois mois avant sa mise à l'eau, donc on va faire la passation. Il sera entre de belles mains. Je rentre de Guadeloupe le 27 novembre et je vais prendre beaucoup de vacances pour me reposer, avant d'enchaîner sur une mise à l'eau de mon IMOCA fin janvier 2023.

Ça va être très rapide pour nous. Mais le timing est vraiment agréable. Ça nous laisse 9 mois avant la prochaine grosse échéance, qui est la Transat Jacques Vabre.

Démoulage de l'IMOCA Paprec Arkea © Polaryse
Démoulage de l'IMOCA Paprec Arkea © Polaryse

Pourquoi passer en IMOCA ?

J'ai commencé à en rêver il y a quelques années, quand je me suis senti mûr professionnellement et personnellement. Le Vendée Globe ne m'a pas attiré au départ. Mais c'est un challenge incroyable. Le plus dur était de trouver des sponsors. J'ai beaucoup de chance que Paprec Arkéa soit venu vers moi pour piloter ce projet.

Surtout que c'est un projet que j'ai eu la chance de voir grandir. Au départ, il y avait seulement le team manager Romain Ménard. On a monté une belle équipe. On a tout fait ensemble, le choix de l'architecte, du chantier… On ne m'a rien imposé pour concevoir ce bateau. C'est génial, pour moi qui aime cette partie gestion de projet.

Peux-tu nous parler de ton nouveau bateau ?

La philosophie est de faire un bateau qui passe facilement dans les vagues. C'est un bateau plus pointu que ce qui se fait actuellement, comme les scows que sont Charal ou l'ancien L'Occitane en Provence. Il est plus perce-vague pour éviter l'enfournement, avec plus de volume sur le haut de la coque. Le bouge de pont important permet d'évacuer l'eau très rapidement. On a aussi repositionné le skipper au centre du bateau, avec un cockpit fermé pour la veille et les manœuvres. Contrairement à l'ancien Hugo Boss, on a placé le skipper dans une position où il peut voir constamment et conçu un cockpit fermé autour.

Une étrave pointue, comme sur les bateaux à moteur, on s'est aperçu que c'était la meilleure tendance. Ce sont des bateaux qui naviguent peu gîté, entre 10 et 15 %. Cette étrave un peu bananée, un peu relevée, avec un v en dessous permet de fendre la vague et de pousser vers le haut. C'est à contre-courant de ce qui a été produit ces derniers temps.

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