Interview / Quentin Vlamynck : "La Route du Rhum est la course la plus extrême en Ocean Fifty"

Quentin Vlamynck sur son Ocean Fifty Arkema © Vincent Olivaud / Arkema Sport

Depuis 4 ans sur le circuit Ocean Fifty, Quentin Vlamynck a pu compter sur le soutien de Lalou Roucayrol et son sponsor Arkema pour concevoir et construire son bateau, et progresser. Aujourd'hui, il le connait par coeur et se présente sur cette Route du Rhum destination Guadeloupe prêt à concrétiser son expérience.

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C'est ta première Route du Rhum. Que représente-t-elle pour toi ?

La Route du Rhum est la course la plus mythique de la classe Ocean Fifty. C'est la course la plus extrême de notre calendrier. On a commencé ce projet il y a 4 ans avec Arkema, et c'est une course importante. J'ai beaucoup appris depuis 2018. Surtout ces dernières semaines sur la Drheam Cup.

Ça sera ta première expérience en solo en transat en multicoque, comme l'appréhendes-tu ?

On va essayer de faire les choses bien, même si l'Ocean Fifty n'est pas la classe la plus facile. Je suis excité et fier d'avoir participé à la conception et la construction d'un nouveau bateau, et de le faire naviguer. C'était un long projet qui nous a permis de montrer que l'on peut faire de belles choses, en utilisant des matériaux qui ont du sens fournis par notre sponsor Arkema. On va concrétiser ces 4 ans avec une belle expérience, quel que soit le résultat.

Quentin Vlamynck sur son Ocean Fifty Arkema © Vincent Olivaud / Arkema Sport
Quentin Vlamynck sur son Ocean Fifty Arkema © Vincent Olivaud / Arkema Sport

Quelle a été ta préparation et celle du bateau pour la navigation en solitaire ?

On a construit le bateau dans l'optique de la Route du Rhum, avec un cockpit protégé. Avec le développement du Pro Sailing Tour, on a scindé notre cockpit en deux parties démontables pour la configuration équipage, tout en gardant le confort et la sécurité en solitaire et pouvoir être en veille permanente.

Je profite de l'expérience des années en multicoques de Lalou. J'adapte ses conseils. Apprendre avec lui en accéléré m'a fait gagner énormément de temps et éviter les bêtises.

J'ai commencé à naviguer en solitaire assez tard pour bien jauger le bateau, qui est assez récent. Il marche bien en équipage. Ça a été la bonne surprise de l'année dernière. On a obtenu des données intéressantes sur les réglages. Ma première expérience en solitaire se résume à 3 jours et demi sur la Drheam Cup.

Ma première expérience en solitaire se résume à 3 jours et demi sur la Drheam Cup.

J'ai fait beaucoup de faux solo pour la sécurité, avec des préparateurs, mon boat captain, Lalou, Alex Pella… ça permet de gagner du temps sur la suite pour comprendre ce qui se passe à bord. On va continuer avec des navigations en Bretagne, puis des navigations de relations publiques à La Rochelle.

Un cockpit protégé pour naviguer sur la Route du Rhum © Vincent Olivaud / Arkema Sport
Un cockpit protégé pour naviguer sur la Route du Rhum © Vincent Olivaud / Arkema Sport

De quelle manière vas-tu gérer la météo ?

En Ocean Fifty nous avons une cellule de routage autorisée. Lalou, qui me connait depuis 11 ans, Alex Pella, un très bon régatier et le météorologue Eric Mas se relaieront. Ce trio me suivra en permanence et me conseillera la route à suivre. A moi de transmettre mes sensations et celles du bateau. On a fait l'exercice sur la Drheam Cup et sur quelques autres sessions d'entrainement.

Quelle expérience retires-tu de ta première navigation en solitaire sur la Drheam Cup ?

J'ai navigué en solo sur la Drheam Cup et réalisé deux convoyages de plusieurs jours en faux solo. 10 minutes avant le départ de la course, je me retrouvais seul sur mon bateau pour la première fois. J'ai vécu la Drheam Cup comme si c'était les premiers jours de la Route du Rhum.

J'ai fait des manœuvres propres, réussi à dormir quelques minutes à bord seul, lâché prise… On a amélioré le confort à bord, notamment la zone de veille où je peux m'allonger devant la zone de winch pour me reposer, ou tout du moins essayer de ne pas perdre d'énergie. J'ai réussi à gérer mon alimentation, ce n'est pas toujours simple.

Le niveau était top, les autres n'étaient pas loin. J'ai réussi à faire tout ce que je voulais, seul à bord. On sortait de 3 semaines en équipage, donc les conditions n'étaient pas l'idéal mais finalement ça l'a fait.

Je me suis fait peur aussi. Le problème n'est pas une question de vent fort, mais de vent instable. On est obligé d'avoir de la toile pour avancer, et, dès les premières risées, ça va vite. On étudie le plus possible la stabilité météo, si le vent va varier ou pas. Il y a des moments où l'on ne pourra pas dormir. Mais le fait d'avoir un bateau sans quille permet de rester éveillé !

Le trimaran Arkema, conçu et construit par l'équipe de Lalou Roucayrol © Vincent Olivaud / Arkema Sport
Le trimaran Arkema, conçu et construit par l'équipe de Lalou Roucayrol © Vincent Olivaud / Arkema Sport

Aujourd'hui où en es-tu de l'exploitation de ton bateau et à quel pourcentage du potentiel du bateau peut-on aller sur la Route du Rhum ?

Le 100 % on l'a bien quantifié. On a une vraie base de travail. Je connais les limites du bateau et je peux les atteindre le plus rapidement possible à chaque transition, sans faire de bêtises.

En solo, ce n'est pas possible de changer tout le temps de voile. Il faut accepter d'avoir la mauvaise voile pendant quelques temps et donc de ne pas être à 100 %. J'ai appris beaucoup de l'expérience des gens qui m'entourent. On évite de regarder les vitesses réelles et on travaille avec des vitesses moyennes. Le tout sous pilote. On est satisfait du travail accompli toute l'année dessus.

On ne connait pas le résultat du Rhum, mais on arrive prêts à Saint-Malo avec tous les moyens pour faire une belle course. Je vais profiter, faire une belle navigation et arriver le plus vite possible de l'autre côté. Dans tous les cas, on sait que cette course sera engageante pour les Ocean Fifty.

Sur la Transat Jacques Vabre, on est arrivé les derniers mais on était à 100 % tout le temps.

L'Ocean Fifty Arkema en navigation © Vincent Olivaud / Arkema Sport
L'Ocean Fifty Arkema en navigation © Vincent Olivaud / Arkema Sport

Est-ce que le fait d'avoir participé au chantier est un avantage sur une longue traversée en solitaire ?

J'espère que ça ne le sera pas sur la partie réparation. Mais ça apporte de la confiance. Ça permet de limiter la casse et de savoir situer l'urgence, de savoir s'il faut contacter l'équipe ou si c'est une petite réparation. J'ai remis les mains dans la colle à plusieurs reprises. Ça me plait aussi, et c'est toujours intéressant de travailler de ses mains.

Quelle expérience de l'équipage peux-tu transposer au solitaire ?

Cette année, on a encore beaucoup progressé. Naviguer avec d'autres skippers et d'autres équipiers permet d'apprendre sur les différents réglages de voiles, notamment temporiser les manœuvres quand le vent monte fort. A force de tirer dessus, on était largement au-dessus des 100 % de son utilisation. Se retrouver dans une situation compliquée parce que le vent monte vite, je l'ai déjà vécu en équipage, et c'est toujours intéressant. A voir en solo maintenant.

Naviguer en équipage de 5 personnes, c'est le top. On a tous la même envie, on se donne des conseils, on est sans cesse dans l'optimisation pour bien faire fonctionner le bateau.

L'Ocean Fifty Arkema prêt à prendre le départ de la Route du Rhum © Vincent Olivaud / Arkema Sport
L'Ocean Fifty Arkema prêt à prendre le départ de la Route du Rhum © Vincent Olivaud / Arkema Sport

Ta victoire sur le Pro Sailing Tour est une motivation pour une potentielle victoire sur la Route du Rhum ?

Le bateau peut aller vite. Si ce n'est pas le cas sur la Route du Rhum, c'est ma faute. Si je me retrouve seul avec aucun autre bateau pas loin de moi, c'est que mon bateau sera mal réglé. Savoir qu'il est rapide est bon pour le moral. Je vais en tirer le maximum. Mais il faudra compter avec l'expérience des anciens comme Thibault, Erwan, Gilles… Je vais profiter un maximum et me faire plaisir.

Si je me retrouve seul avec aucun autre bateau pas loin de moi, c'est que mon bateau sera mal réglé.

Erwan Le Roux disait lors de la conférence de presse de la Route du Rhum que le niveau est extrêmement homogène sur le circuit Ocean Fifty, de par la fiabilité des bateaux. Qu'en penses-tu ? Qu'est-ce qui peut faire la différence ?

Tous les bateaux ont la possibilité de gagner. Bien qu'il y ait des bateaux plus anciens, nous avons tous les mêmes budgets et certains marins sont expérimentés. Il y a des favoris dans la classe. Quand tu as déjà fait une Route du Rhum, ça aide, surtout sur nos bateaux.

L'avantage, bien que je n'aie jamais fait de large en solitaire sur mon bateau, c'est de le connaitre par cœur. Je l'ai conçu et construit pour moi-même, aussi bien au niveau du composite que de l'électronique.

Tout se jouera sur les premiers jours, en fonction des conditions de départ. Est-ce qu'il y aura du vent et l'expérience maritime primera ou ce sera un départ de régate ? Il faudra trouver le juste milieu entre performance, fiabilité et sécurité.

Sébastien Rogues a gagné la Transat Jacques Vabre 2021 avec un vieux bateau. On a beau mettre de nouveaux bateaux à l'eau, il n'y a pas vraiment de nouvelles générations. La jauge est simple, le mât et les foils restent les mêmes. On se pose des questions sur la manière d'améliorer nos bateaux, mais nous n'avons pas les moyens. Notre credo c'est de vendre de la régate au public.

Dans tous les cas, il y aura du match, les bateaux sont tellement proches en vitesse. Sur le Pro Sailing Tour, on est en mode Solitaire du Figaro à plus de 20 nœuds. Sur la Route du Rhum, il y aura plus d'écart entre les bateaux, il faudra gérer le sommeil, la casse. Ça risque aussi de se regrouper à plus de 20 nœuds dans les alizés. On espère un beau départ dans 15 nœuds. Ce serait parfait pour le spectacle !

Erwan est le plus expérimenté dans la classe avec un bateau qu'il a récupéré l'année dernière. Il n'aurait pas fait ce choix mais il a su trouver les réglages. Thibault est le seul à repartir sur le même bateau depuis 4 ans. Il connait la route, c'est un fou sur l'eau, il est bien sur son bateau et sait tirer dessus. Il a le record des 24 heures, il aime la vitesse et a des nouvelles voiles.

Gilles, n'est pas fan du Pro Sailing Tour et de la régate au contact, mais il aime le large. Même si le temps est mauvais, il va continuer et ça passera parce qu'il connait. Armel revient en Ocean Fifty après un Vendée Globe. Ça aide. Il a beaucoup navigué et son expérience peut compenser le manque de navigation de cette année. Sam s'est entrainé comme un fou. Il a un très bon bateau. Il faut y faire attention.

Eric Péron a un très bon bateau pour le large. Il a super bien marché en équipage cette année. C'est un bateau qui aime le gros temps, avec de très gros flotteurs. Enfin Seb Rogues a lui aussi un très bon bateau pour le large, même si c'est un vieux bateau. C'est un très bon client pour le large. On est un peu plus discret, mais on va faire le mieux possible.

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