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Alors qu'il s'apprête à prendre le départ de la Route du Rhum le 6 novembre 2022, Roland Jourdain nous a invité à bord pour une navigation sur WeExplore, son catamaran construit par le chantier Outremer en intégrant des biomatériaux et de nombreuses évolutions visant à limiter l'impact environnemental du bateau. Il évoque avec nous ce projet et le devenir de son multicoque.
Comment arrive-t-on à se relancer sur la Route du Rhum, en catégorie Rhum Multi, après l'avoir gagnée 2 fois ? Comment est né ce bateau ?
Ce bateau, c'est un bébé covid. Quand on était tous enfermés, on a eu le temps de la réflexion et l'envie d'aller plus loin sur les bio-matériaux. Ils sont là depuis un moment, et ce bateau est une preuve de concept de plus. Mais ils ne sont qu'une partie de la solution. Les technologies vont nous aider, mais s'il n'y a pas de changement dans l'usage, c'est un coup d'épée dans l'eau.
J'ai gagné la Route du Rhum deux fois et j'ai donc fait mon pas de côté. Je veux montrer mes contradictions et ma schizophrénie. Le matin, je me lève en pensant performance, vitesse du bateau et une demi-heure plus tard, je pense sobriété et faire un projet raisonnable. Il faut montrer que la performance environnementale est le vrai enjeu dans notre domaine.
Comment vois-tu la course et tes chances en Rhum Multi ?
Je sais que j'ai un bon pépère ! Mon Outremer a beau faire 13 tonnes, soit 5 de moins que celui de série, on sera toujours nettement plus lourd que les TS de Loïc ou Brieuc et le catamaran de Marco (Guillemot); Quant à Philou (Philippe Poupon), on ne sait pas où le placer. Même avec 2 ris et la trinquette, il nous met plusieurs jours.
Comment prépare-t-on un projet comme celui de WeExplore par rapport à un projet de course au large classique ?
Le projet est avant tout axé sur la limitation de l'impact, quel qu'il soit. On utilise du matériel de récupération, du carbone périmé de chez Airbus, on retaille des vieilles voiles d'avant. Par exemple, sur notre grand-voile, on a récupéré d'anciens boîtiers de latte d'un autre bateau. Cela a pris beaucoup de temps. Mais pour autant, on doit continuer à parer tous les dangers. L'objectif reste d'aller de l'autre côté.
Comment réagissent les fournisseurs face aux demandes de réemploi ?
Globalement très bien. Ces enjeux se jouent à deux. Si le client a un pur objectif course, le fournisseur répond course. Mais si le client laisse la porte ouverte, on réfléchit ensemble. On a des fournisseurs qui viennent naturellement vers nous pour ça. Il y a au final plus de verrous d'habitude que de technique. Si on fait le bilan, on passe plus de temps à convaincre de prendre le temps d'y réfléchir qu'à résoudre les problèmes techniques.
Quel est le futur du bateau après la Route du Rhum ?
Pour l'instant, c'est une plateforme vide. Le bateau appartient à Kaïros qui le met à disposition de la fondation WeExplore. Il pourra servir de support à de l'exploration, à de l'événementiel, avec du sponsoring et du mécénat pour amortir le bateau. C'est un support de réflexion sur le futur, pour intégrer des solutions low-techs. On pourra imaginer des kits à adapter aux bateaux dans le futur.