Les ingénieurs des "Ponts et chaussées" qui ont développé et supervisé le réseau fluvial y ont appliqué les mêmes recettes que sur les routes. Des bornes kilométriques et une signalétique rigoureuse ont été déployées pour permettre aux usagers et aux intervenants de la voie d'eau de se situer avec précision. A l'ère du GPS, ces bornes et autres panneaux pourraient sembler surannés, d'autant que certains datent de plusieurs siècles. Leur utilité est pourtant sans égale et ils racontent une histoire, celle de la batellerie, des voies d'eau et de leurs humeurs parfois débordantes. Ces repères continuent à nous renseigner au quotidien et ajoutent au charme de nos navigations.
Un bornage rigoureux
Dès leur creusement, les canaux ont été bornés. Des marques de pierre jalonnaient chaque kilomètre gagné à coups de pelle et de pioche ! Au fil du temps, la rigueur de ce bornage a parfois été mise à mal. Des dérivations ont pu raccourcir le tracé initial, remettant en cause les distances et donc les repères qui les matérialisent. Pour compliquer la compréhension, le comptage démarrait souvent à la limite d'un département. Ainsi une même voie d'eau pouvait avoir deux ou trois numérotations qui repartaient à zéro à chaque limite administrative. Ces bornes surtout utiles aux intervenants chargés de l'entretien se sont peu à peu fondues dans la végétation des rives.
Des repères utiles
Depuis quelques années, elles font leur retour sous la forme de panneaux aussi utiles aux plaisanciers qu'aux utilisateurs des vélo-routes. Ces repères sont nommés PK pour points kilométriques. Est-il utile de préciser que la distance entre deux d'entre eux est de 1000 mètres ? La question a pourtant été posée ! Ils permettent d'autant mieux de se situer qu'ils sont également portés sur les cartes de navigation ce qui permet de confronter le tracé papier avec la réalité. Ces références sont largement utilisées par les services de la navigation qui s'y réfèrent lors de la rédaction des avis à la batellerie qui annoncent chômages et travaux. C'est également ce repère qu'il vous faudra indiquer si vous deviez lancer un appel de détresse, par téléphone ou par VHF pour les voies d'eau où une veille radio est assurée.
Le confort des panneaux aux écluses
Sur les voies d'eau, les repères les plus évidents, ceux qui rythment la navigation, sont les écluses. Elles portent des noms, mais également une numérotation qui suit la voie d'eau sans concession aux limites administratives terrestres. Ces indications figurent au fronton des maisons éclusières et le plaisancier les a sous les yeux durant toute la bassinée. On peut y lire la distance précise des écluses adjacentes. Une indication particulièrement utile quand il s'agit d'estimer le temps de trajet nécessaire jusqu'à la "prochaine" afin de se conformer aux horaires d'ouverture du service. Là encore, on retrouve ces informations sur les cartes.
Echelles de niveau et repères de crues
Outre les repères linéaires, on observe sur les voies d'eau des échelles de niveau. Celles-ci revêtent une importance considérable pour qui vit ou travaille au bord de l'eau. Certains cours d'eau sont connus pour leurs crues aussi subites que dévastatrices, mais aussi pour leurs épisodes de sécheresse. Le suivi du niveau de l'eau est donc une indication cruciale pour les bateliers comme pour les riverains. On en croise de nombreuses qui pour la plupart retracent des épisodes où la nature a montré sa capacité à sortir de ses gonds !
Les noms mêmes ont évolué
L'ensemble de ces repères est un héritage du passé, du temps où les mariniers lisaient la voie d'eau et ne disposaient qu'exceptionnellement d'une carte. Les canaux portaient alors des noms évocateurs. Avec l'avènement du tourisme fluvial, un certain nombre ont été renommés : le Canal des houillères de la Sarre est devenu Canal de la Sarre, Le Canal latéral à la Garonne est désormais Canal de Garonne, un maillon du Canal des deux mers… Nombreuses sont ainsi les voies d'eau dont la dénomination a gagné sinon en poésie, du moins en capacité d'évocation.
On pourrait penser que les repères physiques sont dépassés à l'ère du GPS, or nous sommes nombreux à trouver autrement plus pratique et agréable de jeter un œil au panneau de l'écluse plutôt qu'au traceur de carte. Quoi qu'il en soit, traquer ces bornes de pierre et ces panneaux de fonte est un plaisir qui aiguise la curiosité et ajoute au plaisir de la navigation.