Velox, un voilier de course novateur qui n'a jamais pris le départ d'une régate

Velox, toile de 1898 © Marie-Edouard Adam

Velox est construit en 1875 par le visionnaire Augustin Normand au Havre qui lui dessine une forme de carène innovante. Performant, rapide, le yacht est utilisé par ses propriétaires successifs lors de longues croisières, mais n'aura pourtant jamais l'occasion de régater avec ses semblables.

Un dessin de carène et une construction innovante

En 1876, le jeune comte polonais Benoit Tyszkiewicz revient d'un voyage de deux ans à Boston, impressionné par les goélettes américaines qu'il y a découvertes. De retour en France, il demande à Jacques-Augustin Normand, patron des chantiers Augustin Normand au Havre, la construction d'un voilier pour ses voyages.

C'est le directeur du chantier en personne qui conçoit les plans de cette goélette de 42,27 m de longueur (hors-tout) aux lignes particulièrement novatrices pour son époque. Sa carène innovante est un mix entre les carènes larges et plates des voiliers américains et les carènes étroites et fortement lestées des plans anglais. La construction de coque en triple bordage est également une première pour un yacht de cette taille, et lui apporte rigidité et stabilité.

La construction démarre en 1875 et s'achève avec la mise à l'eau de la goélette alors baptisée Zemajteij – du nom de la ville natale du jeune noble – en 1876. Son plan de voilure de 690 m2 – et qui peut dépasser les 1 480 m2 – est son unique moyen de propulsion, la goélette n'étant pas motorisée.

Goélette Velox © Musée de la Marine
Goélette Velox © Musée de la Marine

Trois propriétaires successifs

Son propriétaire engage un équipage de la marine impériale russe et le yacht navigue depuis le Havre jusqu'en Crimée. Ces navigations rythmées par plusieurs escales prouvent l'excellent comportement marin du bateau et mettent en exergue d'incroyables performances, le yacht affichant une vitesse de pointe de 16,5 nœuds.

Malheureusement, une erreur de manœuvre aux abords de la péninsule provoque l'échouement de la goélette. Le comte se voit alors dans l'obligation d'abandonner son bateau pour retourner dans sa famille en Russie et fait convoyer le yacht qui retrouve les chantiers havrais, où il est désarmé et mis en vente en 1877.

Deux ans passent avant que le baron Eugène Roissart de Bellet en fasse l'acquisition en septembre 1879 et la rebaptise "Velox" (rapide en latin). À son bord, il effectue une longue croisière en Méditerranée de presque un an. En escale à Nice, il décide de faire participer Velox à la 2e édition des Régates Internationales de Nice. Le monde du yachting va enfin pouvoir admirer la goélette en action et valider ses incroyables performances face à la concurrence. Malheureusement, le décès de la mère du baron met fin à ses envies de régate.

Jusqu'en 1883, la goélette emmène en croisière son propriétaire de la Méditerranée à la Mer du Nord. Mais ce dernier décide de la revendre pour se consacrer aux bateaux à vapeur.

C'est à nouveau au Havre qu'elle attend pendant deux ans son nouveau propriétaire, en la personne de d'Auguste Henri Sieber. Fils d'une riche famille d'industriels, il l'acquiert au printemps 1886. Pendant 27 ans, il sillonne la Méditerranée, l'Atlantique et la Mer du Nord, jusqu'à son décès en 1913. Sa famille n'ayant que peu d'intérêt pour la voile met à nouveau Velox en vente. Mais 1914 marque le début de la Première Guerre et le début d'une période sombre. Faute d'acquéreurs, le yacht est finalement démantelé entre 1914 et 1916 au port du Havre.

Le tableau représentant Velox (à gauche avec le fanion du Yacht-Club de France) au départ d'une régate © Gazette Drouot
Le tableau représentant Velox (à gauche avec le fanion du Yacht-Club de France) au départ d'une régate © Gazette Drouot

Une carrière en régate par procuration

Aujourd'hui, il reste plusieurs reproductions de ce yacht en avance sur son époque, dont une toile peinte en 1886 par le peintre de marine Édouard Adam. Commandée par le dernier propriétaire de Velox, elle figure la goélette prenant le départ d'une régate aux côtés d'autres yachts, dont Fiona, un célèbre plan Fife, sous les yeux du bateau à roue à aubes du comité de course. Une scène imaginaire puisque Velox navigua beaucoup, mais uniquement en tant que yacht de croisière, et n'eut jamais l'occasion de prouver ses performances en régate.

Le tableau est resté entre les mains de la famille d'Henri Augustin Sieber après sa mort et n'a jamais été mis en vente. Il l'est aujourd'hui aux enchères, avec un prix démarrant entre 20 et 25 000 €.

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Guy Ribadeau dumas
Guy Ribadeau dumas
N'aurait jamais régaté mais représenté au départ d'une régate !?
Briag Merlet
Briag Merlet
N'hésitez pas à consulter l'article jusqu'au bout. Vous aurez la réponse ! ;)
Ajouter un commentaire...