A l'âge de 71 ans, Claude J. déborde d'activité. Une personne âgée hyperactive ? Aujourd'hui, cette constatation relative à la vitalité de nos anciens est presque devenue un truisme, faire rimer pensionné avec passionné, quoi de plus banal ? Claude illustre parfaitement ce cœur ardent, cette fraîcheur intellectuelle qui fait si souvent défaut ailleurs. Un jour, en surfant sur le site d'Arwen Marine, le Belge, un peu plaisancier dans le passé, découvre un monde nouveau : le voile-aviron. Il a un véritable coup de cœur et décide sur-le-champ de se lancer dans la construction d'un Skerry, un bateau d'une longueur de 4, 58 m, pour une largeur de 1,37 m et un poids de 60 kg.
Assemblage du bateau
Pour abriter les pièces du kit, il aménage la terrasse couverte de son habitation sur les hauteurs de la Meuse. Vient alors l'assemblage des plaques de contreplaqué selon la méthode du cousu-collé, puis la pose des joints en époxy et enfin le ponçage.
Il faut prêter attention aux risques d'allergie quand on travaille au collage. Et surtout, éviter de travailler dans le froid. L'hiver n'est pas la saison idéale
, déplore-t-il aujourd'hui, car l'époxy doit être utilisée à 19 °C
. Peu importe, les courbes boisées, les lignes élancées soudées de pâte blanche viendront se réchauffer dans le salon. L'ensemble a un air de gâteau de mariage monté au milieu d'une bibliothèque d'abbaye ou d'une salle d'attente de notaire. L'épouse, absolument pas rancunière, sourit et l'on comprend que le projet un peu fou de Claude n'a pas fait tanguer le ménage.
Une fratrie synchronisée
Heureusement, pour retourner le bateau, Claude pouvait compter sur son frère. Celui-ci construit lui aussi un bateau. Sans le savoir, les jumeaux surfaient sur le même site au même moment et leur réaction a été la même : construire un bateau ! Si vous cherchiez une démonstration de ce qu'on appelle en physique quantique l'intrication (deux particules séparées l'une de l'autre à des distances astronomiques, fût-ce d'une extrémité à l'autre de l'univers, adoptent instantanément le même comportement) ne cherchez plus…
Pour revenir à l'opération du retournement de l'esquif, celui-ci n'est pas trop lourd : 60 kg. L'avantage du contreplaqué est d'être très solide et de permettre d'alléger l'embarcation en optant pour des plaques de faible épaisseur.
Pour finir le bateau, Claude s'attaque ensuite au vernissage puis à la peinture. L'ensemble des travaux prendra au retraité tout un hiver. Soit à son estime, 180 h de travail.
Pour Claude, le canot à voile Skerry est incomparable : solidité, stabilité, esthétique. On ne voit guère de bateau semblable en Belgique.
Le plaisir de construire avant tout
La motivation de l'armateur amateur est simple : s'occuper, réaliser un défi et un peu… naviguer. Ce qu'il a fait sur la Meuse, au grand plaisir des badauds qui viennent admirer ce nouveau vaisseau, élégant ambassadeur de la voile traditionnelle.
Depuis, Claude continue à scier, poncer, raboter, mais plutôt sur des bateaux en modèles réduits, des maquettes télécommandées. Actuellement, il fabrique une chaloupe à vapeur sur base des plans d'un Américain, Emma Sloop.