Jean-Louis Étienne est un aventurier dans l'âme. Après des années d'expédition dans les régions polaires à bord du bateau Antarctica (rebaptisé Tara), il s'apprête encore une fois à repartir en mission dans ces régions reculées. Sa prochaine expédition baptisée Polar Pod débutera en 2023 avec l'objectif de faire connaitre les régions polaires et d'expliquer le rôle qu'elles ont sur l'équilibre du climat de la terre.
Étudier les régions polaires à bord d'un navire vertical autonome sans motorisation
Cette nouvelle mission s'effectuera depuis le Polar Pod, une station océanographique internationale de 100 m de haut avec un tirant d'eau de 80 m et 150 tonnes de lest. Ce navire vertical – sans motorisation – sera entrainé par le courant circumpolaire et les vents d'ouest pour deux tours du monde en orbite autour de l'Antarctique sur une durée totale de 3 ans. À son bord, un équipage de 8 personnes - 1 cuisinier, 3 marins et 4 ingénieurs scientifiques – se relaiera en mer tous les deux mois.
Un voilier ravitailleur pour Polard Pod
La relève sera assurée par "Persévérance", une goélette de 42,64 m de long, 11 m de large avec un tirant d'eau de 4,15 m. Fabriquée en aluminium pour résister à des conditions de mer difficiles, elle est le fruit de la collaboration entre le cabinet d'architecture VPLP et Olivier Petit.
"Persévérance est un voilier ravitailleur qui permettra de relayer les équipages de Polar Pod et d'y emmener le matériel et les vivres régulièrement. L'idée est de pouvoir effectuer ces manœuvres en toute sécurité, quel que soit l'état de la mer et dans des conditions difficiles" commence Simon Watin, président du cabinet d'architecture navale VPLP Design, lui-même architecte naval.
Si les premiers travaux – menés par un autre cabinet de design – portent sur la conception d'un bateau à moteur, ce concept ne s'avère pas pertinent au vu des conditions de navigation attendues, du matériel à transporter et du nombre d'équipiers à convoyer. Encore moins si l'on se base sur la nature de la mission : étudier l'impact de l'homme sur l'environnement.
"Ça n'avait pas de sens. Le voilier s'est imposé naturellement. Il est assez stable, génère peu de consommation fossile et permet d'aller loin dans des zones reculées. Une fois le concept validé et le cahier des charges établi, on a beaucoup travaillé sur la manière dont les transferts de matériels et d'hommes allaient pouvoir se faire dans les zones polaires : avec une bôme, une grue… Par quel moyen de levage ?" continue Simon Watin.
Deux ponts, l'un pour les débarquements, l'autre pour les manœuvres
Ainsi est né un voilier de travail avec une rampe sur l'arrière qui permet la mise à l'eau et la récupération des semi-rigides ou des jet-skis munis de plateforme arrière, et directement inspirée des rampes de mise à l'eau que l'on peut trouver sur des vedettes de gendarmerie. Les annexes seront ainsi amenées à la verticale d'une aile du Polar Pod et treuillées pour débarquer vivres, matériels et équipage.
"Les ribs peuvent accoster ou se mettre à l'eau de manière rapide et facile. Il suffit de se tenir quelques mètres derrière la plateforme et d'accélérer pour venir grimper sur la rampe" explique Simon Watin.
La plateforme arrière comprendra donc un plan incliné pour lancer les ribs et de quoi stocker deux bateaux, un accès à la soute de stockage et un treuil. Au-dessus, on trouvera un deuxième pont arrière, cette fois-ci dédié aux manœuvres.
"Comme dans un cockpit de voilier, on y a rapporté toutes les manœuvres avec les winches et les renvois des drisses de grand-voile et de génois. C'est une goélette à foc avec une seule GV d'artimon et un foc sur le mât arrière et une trinquette sur le mât avant, bômée pour faciliter les réglages et les manœuvres. Toutes les manœuvres reviennent en arrière de la timonerie, autour du mât d'artimon et toutes les voiles d'avant sont sur enrouleur. Malgré sa taille, Persévérance est pensé pour un équipage réduit. Il n'est pas extrêmement toilé. Il n'y a pas besoin de voile, car il y a beaucoup de vent dans ces régions. On s'est un peu inspiré du Vendredi 13, avec un mât en moins. Il fallait un bateau qui puisse être performant surtout au portant et manié par un équipage assez réduit."
Accueillir des passagers en croisière entre les missions
Au-delà de la mission Polar Pod, Persévérance pourra accueillir en dehors des périodes de ravitaillement des passagers à son bord pour des croisières arctiques. Ainsi, en dehors des cabines équipages, on trouve à bord 6 cabines doubles – de quoi loger une vingtaine de personnes – de grands espaces de stockage pour le matériel, un grand bureau ou un espace de travail pour l'équipage ou les passagers, qu'ils soient en mission scientifique ou qu'ils souhaitent réaliser une production télévisuelle ou simplement se réunir.
600 ch sous le capot !
Pour la sécurité, Persévérance sera pourvu d'un moteur marin Baudoin de 600 ch et d'un propulseur d'étrave de 100 ch.
"C'est un bateau lourd – jauge brute de moins de 500 UMS – et il doit pouvoir atteindre facilement les 10 nœuds au moteur pour des raisons de sécurité et tenir les délais d'avitaillement. Il y a deux ponts complets, ça alourdit la structure. C'est un peu une version 1.5 de Tara (NDLR L'ancien bateau d'expédition de Jean-Louis Étienne). Il est d'ailleurs assez haut sur l'eau du fait de cette double hauteur de pont, nécessaire pour intégrer le nombre de cabines souhaitées. Des générateurs viendront en complément du moteur", conclut Simon Watin.
Persévérance sera construit au sein du chantier Piriou à Concarneau en avril 2022 pour une mise à l'eau prévue en mars 2023 suivi d'essais.