Le principe de base du chauffage est immuable, régi par 3 grands types de diffusion : la conduction (la chaleur est transportée par un élément matériel, métal, pierre, brique…), la convection (un média transporte la chaleur, comme de l'eau dans un circuit de chauffage) ou le rayonnement (il n'y a pas de contact nécessaire entre l'émetteur et le récepteur de la chaleur).
Marc Grohs est responsable de la division nautisme au sein de Webasto. L'équipementier est actif dans le chauffage, la climatisation et divers autres matériels pour les véhicules de loisir et les bateaux. Il nous explique les solutions de chauffage qui permettent aux plaisanciers de passer avec autant de confort que possible les frimas hivernaux.
Produire de la chaleur puis la transformer
Marc commence "Quelle que soit la solution retenue, un système de chauffage convertira une source d'énergie - fioul, électricité, air - en calories. Ces calories sont ressenties comme de la chaleur. Même si c'est un détail, ce principe est à garder en tête, il doit y avoir une source d'énergie en amont d'une solution de chauffage." Qu'elles soient plus ou moins respectueuses de l'environnement, toutes les solutions vont consommer de l'énergie.
"La recherche actuelle en matière de chauffage nautique va vers la miniaturisation des équipements d'une part, vers l'optimisation de leur rendement d'autre part. Un radiateur d'ancienne génération a un ratio de 0.5 pour 1 là où une solution moderne va avoir un ratio de 4 pour 1." Pour 1 watt consommé, un ancien radiateur produira 0,5 W de chaleur, un plus récent 4 W.
Quelle température de confort ?
Si, dans un immeuble, on a coutume de dire qu'une température de 19 °C est confortable, sur un bateau le ressenti de chaleur est fortement impacté par l'humidité ambiante et les courants d'air. Ainsi, à volume et humidité équivalents, pour se sentir confortable, il faudra augmenter la température de 2 à 3 degrés. Cette recherche de température doit s'accompagner d'un équilibrage de l'humidité. La température ressentie augmente de 2 °C si on passe le taux d'hygrométrie de 25 % à 50 % dans un local. Inutile, donc, de chercher à chasser trop d'humidité.
Se chauffer à quai
"Selon qu'on sera en navigation ou à quai, les solutions proposées seront différentes. Il ne faut pas penser sa solution de chauffage dans un ou dans l'autre de ces scénarios. A quai, pas de doute que la solution d'un système de chauffage raccordé au secteur sera la plus efficace sur un bateau. Couplé à du thermostat d'ambiance, on pourra obtenir une température de confort appréciable" explique le spécialiste. En prenant garde aux rallonges électriques et autres multiprises qui seraient utilisées pour mettre sous tension ces radiateurs.
"Ne pas oublier aussi de veiller à la puissance délivrée par la prise du ponton. Souvent, en France, on est entre 5 et 10 ampères, soit 1 000 à 2 000 watts, ce qui ne permet que d'alimenter un radiateur électrique" ajoute Marc.
Se chauffer en navigation
Les radiateurs branchés à quai sont une solution valable uniquement lorsque les bateaux sont arrêtés. Ils ne constituent qu'un complément au système principal de chauffage installé sur le bateau.
"Deux grandes familles de transport de la chaleur existent sur les bateaux. Le chauffage à air fonctionne comme un sèche-cheveux, mais avec du gasoil. La chaleur est transportée par l'air qui est réchauffé au contact d'une enceinte qui monte en température par une flamme ou une pyrolyse. Efficace à courte portée, cette solution est confortable pour créer une base de température. En effet, l'air est un très mauvais vecteur d'énergie. Pire, passés les quelques mètres ou centimètres où il reste chaud, il va apporter une sensation de fraîcheur. Ce système à air est donc à favoriser pour les petits volumes. Ou bien, il sera complété d'un système secondaire pour gagner les degrés manquants" explique l'expert en chauffage.
"Le chauffage à eau ou qui utilise un mélange eau et glycol comme médium est le plus connu, que ce soit dans le domaine domestique ou nautique. Il nécessite que des radiateurs soient installés à bord. Résultat, à la fois une consommation d'espace à bord et une augmentation du poids. Pour pallier cet inconvénient, il existe aujourd'hui des radiateurs qui sont équipés de ventilateurs pour augmenter le rayonnement" indique Marc. "Un système à eau peut circuler sur des kilomètres sans perte majeure. Il a un inconvénient important, le risque de fuite d'eau. Autant un chauffage à air ne laissera échapper que de l'air sans impact important autant une fuite de fluide peut provoquer de gros dégâts à bord."
Multiples méthodes de génération de la chaleur
"Si les solutions de transport de la chaleur sont peu nombreuses, celles de production de la chaleur sont, elles, légion. Depuis la résistance électrique jusqu'au poêle à pellets, chaque solution a ses avantages et ses inconvénients" explique Marc.
"Prenons les plus courants néanmoins. Deux familles, le chauffage central et le chauffage local. Le chauffage central, c'est la chaudière équivalente à celle qu'on a chez soi. Elle ne sert pas à chauffer, pas en elle-même, mais à transférer de la chaleur à un médium qui la distribuera. Le chauffage local, lui, ne chauffe qu'une pièce ou une portion du bateau" explique le professionnel.
"Des solutions hybrides existent, qui consistent à chauffer localement et à distance. Par exemple, un poêle à fioul chauffera la pièce dans laquelle il est installé par la montée en température du corps de chauffe, le plus souvent en fonte ou en acier. Il chauffera simultanément de l'eau qui sera distribuée dans un réseau de radiateurs, ou de l'air qui sera réchauffé au passage dans la chambre de combustion" continue-t-il.
On peut lister dans les principales sources d'énergie, directe ou indirecte :
- L'électricité n'est une option envisageable qu'à quai pour la plupart des bateaux, qui ne disposent pas de générateurs électriques suffisamment performants pour alimenter des radiateurs qui consomment plusieurs milliers de watts.
- Le solaire, dans sa capacité de production thermique, est efficace quand il fait jour et ensoleillé, donc dans des zones où le besoin de chauffage est plus faible. Son inconvénient majeur réside dans la difficulté de stocker la chaleur en journée pour la redistribuer la nuit. Il est le plus souvent dédié à chauffer l'eau des douches.
- Le chauffage à combustible liquide est à l'heure actuelle le plus efficace. Il permet un fonctionnement discontinu pendant de longues périodes, sans autre apport que le carburant souvent utilisé pour la mobilité du bateau. L'inconvénient de ces systèmes est la pollution qu'ils engendrent, en amont comme en aval.
- Le chauffage au combustible solide (bois ou pellet) est une solution envisageable à l'arrêt. Bien que fonctionnel en déplacement, elle présente des dangers - d'incendie notamment - assez importants. Il est, par ailleurs, difficile de conserver le combustible au sec à bord d'un bateau. Enfin, ces combustibles sont encombrants.
- La pompe à chaleur, qui correspond à une climatisation réversible, possède un rendement énergétique particulièrement bénéfique, de l'ordre de 1 pour 4. Dans de l'eau de mer (en pompage de l'eau de mer donc), le rendement est de l'ordre de 3.5 pour 1. Cela en fait une solution intéressante, mais les investissements sont conséquents et le matériel à installer à bord est imposant et consommateur d'énergie électrique. Il faut donc absolument prendre en compte les deux postes de consommation avant de décider d'opter pour une pompe à chaleur.
- La récupération de chaleur du moteur sur les circuits d'échappement.
Quel rendement pour quel combustible ?
Bien que peu efficace écologiquement parlant, le pétrole - et le fioul son dérivé - demeure le choix idéal en termes de performances énergétiques. On parle de Pouvoir Calorifique Supérieur (PCS) pour exprimer sa capacité à produire de la chaleur par unité de volume ou de masse.
L'étalon de ce PCS est le kWh (kilo Watt heure) électrique qui vaut 1.
Ainsi, on retrouve les chiffres suivants :
La solution de chauffage d'avenir ?
Si l'énergie la moins coûteuse est toujours celle qu'on ne consomme et ne produit pas, le chauffage est un élément de confort et de sécurité évident en bateau. Marc Grohs nous explique ce qui, selon lui, constituera la solution d'avenir : "On a longtemps parlé de la bi-énergie. Je crois qu'elle demeure d'actualité et sera remise au goût du jour. La question clé est celle de l'efficacité énergétique face à un espace de faible superficie et sur lequel on peut relativement peu agir en termes d'isolation. Un bateau est vendu tel quel, avec son isolation adaptée à un climat donné. Il est compliqué d'ajouter de l'isolant au cours de la vie du bateau" commence Marc.
"La climatisation réversible fait de belles promesses car elle offre un confort dans deux cas. Le chauffage électrique est une bonne solution quand il vient compléter ou être complétée d'une autre source. C'est là le secret, disposer de plusieurs moyens de production qui interviendront chacun leur tour, selon le besoin."
"Il faut se poser la question du chauffage aussi tôt que possible au cours de l'achat" continue le spécialiste. "Il est quasiment impossible d'installer un système efficace de chauffage sur un bateau qui n'en n'a pas été équipé en première monte."
