Périr en mer en cherchant une vie meilleure
Prendre la mer est, pour les plaisanciers, un moment de plaisir et d'excellence. Fiers - à juste titre - des bateaux qu'ils utilisent, ils exploitent le milieu maritime dans un dessein ludique et amusant. Ils ont la particularité, pour la plupart, de larguer les amarres d'une terre où ils se sentent bien, et c'est tant mieux. Ce bien être participe à l'économie et à la réussite d'entreprises, en France ou ailleurs.
Les 27 personnes qui ont péri en mer n'avaient pas cette opportunité de plaisir ou de bien être et ont décidé, au péril de leur vie, de prendre la mer. Elles ne l'ont pas fait par plaisir, mais poussées par la nécessité, ce qui doit nécessairement nous interroger en tant que plaisanciers.
La solidarité des gens de mer doit opérer
Lors du dernier article que j'ai rédigé à propos de ces réfugiés, ce sont des tombereaux de commentaires tous plus haineux les uns que les autres que j'ai reçus sur les réseaux "sociaux". Parmi ces commentaires, certains proposaient, je cite "qu'on coule ces bateaux avec leurs occupants à bord", d'autres "qu'on leur donne des compas déréglés".
Sans entrer dans les choix politiques pour répondre à l'urgence, il est évident que ce genre de commentaires bat en brèche un fondement de la communauté maritime. Les personnes qui ont appris les règles de vie sur l'eau, qui connaissent la SOLAS et le RIPAM, ont, tacitement en devenant plaisanciers, accepté le contrat social, cette fameuse "solidarité des gens de mer".
Cette solidarité doit aujourd'hui plus que jamais s'exercer. Ces 31 personnes mortes en mer sont 31 personnes que nous aurions pu assister ou secourir si nous les avions croisés sur l'eau, ne serait-ce qu'en signalant aux autorités leur présence. Certes, c'est aussi les empêcher de parvenir à leur but, c'est sans doute là le revers de la médaille vertueuse de la sécurité proposée. Mais vivre en France en attendant une solution ou mourir dans le détroit du Pas-de-Calais sont deux options dont une seule est acceptable aux yeux d'utilisateurs de la mer au sujet d'autres utilisateurs de la mer. Pour des êtres humains à propos d'autres êtres humains.
Les autorités sont débordées
Les pouvoirs publics sont largement débordés par la situation. Il n'y a pas de bonne solution et il n'est pas du ressort d'une publication nautique d'en imaginer une. Il est par contre du ressort des journalistes citoyens qui, chaque jour, parlent du plaisir réel d'être sur l'eau et du fonctionnement de cette activité de prendre leur plume et de parler, de proposer que chacun prenne conscience du drame qui se déroule sous nos étraves et de rappeler la responsabilité commune, d'Humains puis de Plaisanciers.
Humains
Assez peu enjoué, ce billet ne propose pas de solution. Il propose juste un regard humain et solidaire pour ces personnes.
Décrocher son téléphone pour composer le 196, prendre sa VHF pour appeler sur le 16. Ce sont, là, les seules choses que peuvent faire les plaisanciers forts de leurs faibles moyens.
Si un seul appelle, il ne s'agira que d'un sauvetage de plus. Si dix, cent ou mille plaisanciers appellent, il s'agira d'un formidable élan de solidarité de la part d'une communauté qui connaît trop le bon sens, la solidarité et l'amitié.