Copropriété d'un bateau et notions juridiques : les conseils d'un notaire

La copropriété, à légaliser pour plus de tranquilité

La copropriété d'un bateau est chose simple, si tant est que les choses soient faites et mises en place dans les règles de l'art. La légalité des choses écrites tout comme la fiscalité du montage, si elles ne le sont pas toujours, devraient logiquement être vérifiées et validées par un spécialiste du patrimoine, le notaire. Conseils de l'un d'eux.

Entourée de certains principes fiscaux et de droit de la propriété, la mise en place d'une copropriété nautique nécessite l'avis et les conseils d'un expert. C'est donc Maître Nicolas Oréal, notaire en Ille-et-Vilaine que nous avons contacté pour qu'il nous donne ses recommandations, à la fois d'homme de droit… Et de plaisancier.

En effet, Nicolas fait du bateau et il aime cela. Il est mécène de bateau d'une part, il est aussi heureux propriétaire d'un formule 18 ainsi que d'un cap Camarat 6.35.

Un Jeanneau Cap Camarat 6.35 (Photo : Jeanneau)
Un Jeanneau Cap Camarat 6.35 (Photo : Jeanneau)

Loi ancienne pour besoins modernes

Le Notaire nous explique les principes de base de la propriété de bateau "Il existe plusieurs modes de détention d'un bateau. Il peut s'agir d'une indivision - tous les copropriétaires sont également responsables - ou une société de type commerciale. Viennent ensuite se greffer les principes édictés par la loi du 3 janvier 1967. Cette loi a été créée à une époque où les bateaux à propriétaires multiples étaient des armements de pêche ou de marine marchande, rarement des bateaux de plaisance".

C'est donc cette loi, âgée de plus de 50 ans qui vient régir les règles a minima en indivision. À défaut de contrat de copropriété, ce sont les dispositions de cette loi qui s'appliqueront. "Il est important" insiste le notaire "de mettre en place un règlement de copropriété dès le début du projet de copropriété. Il faut que tous les quirataires [NDLR : c'est le nom des tenants de parts d'un bateau] soient tous d'accord, bien sûr, et signent ce règlement."

La nécessité d'un acte notarié

Nous sommes toutes et tous coutumiers de l'établissement d'actes notariés. Qu'il s'agisse de la conclusion d'un achat immobilier ou encore d'un contrat de mariage, c'est devant le notaire que nous passons pour les actes majeurs de nos vies de citoyen. Il en va de même pour l'établissement d'une copropriété de bateau, c'est ce qu'explique Maître Oreal : "L'intérêt d'un acte notarié est de mettre une date certaine quant à l'établissement de cette structure. Il est important que cet acte fixe l'objet de la copropriété (s'agit-il d'un bateau, d'un armement...). Parfois, pour s'assurer de bien définir l'objet partagé, l'intervention d'un expert nautique peut être utile."

Le contenu de cet acte doit répondre à certaines formes et normes : "Au minimum, l'acte doit comprendre dénomination (il s'agit d'un contrat) de la copropriété, fixation du siège au port d'attache et fixation d'une durée de vie de cette entité. Ensuite, ce contrat fixe les tâches et les obligations de chaque copropriétaire. Enfin, il définit la fin de la copropriété et son mode de dissolution."

Fixer les principes de fonctionnement de la copropriété

La copropriété est une structure vivante et dont les quirataires peuvent vouloir sortir, revendre leurs parts ou, encore, en hypothéquer tout ou partie. "Le contrat de copropriété permet de définir l'ensemble des éléments ayant trait à la vie de la structure et d'éviter les situations de blocage. C'est là l'une des principales, sinon la principale, fonction du notaire. Il  et compétences pour vous accompagner et prévoir tous les cas de figure."

A noter néanmoins, les émoluments que sera amené à facturer le notaire sont, dans le cas présent, non réglementés et correspondront à son temps de travail et à celui de ses salariés, clercs et rédacteurs. Selon nos recherches, et sans que cela ne constitue une publicité, les tarifs - variables en fonction des offices et des départements - pour une copropriété "classique" sont de moins de 1 000 €.

Le gérant, un élément capital de la copropriété

Le gérant est la personne phare de la copropriété. Le notaire insiste sur son importance. "L'existence du gérant, avant tout, doit être stipulée dans le contrat de copropriété. Il ne s'agit pas nécessairement d'un des quirataires, il peut être tout à fait extérieur à la structure en termes de parts dans le bateau. En plus de son existence, le gérant doit être nommé et ses pouvoirs encadrés."

La carence de gérant - qui est possible légalement - est une hérésie dangereuse. "En cas d'absence de gérant, tous les copropriétaires sont gérants et responsables des dettes de la copropriété. Si un des quirataires détient plus de 50 % des parts du bateau, il sera indéfiniment - et ses héritiers aussi - responsable des dettes de cette structure."

L'existence du gérant - fruit de l'existence de la copropriété - est une garantie de bonnes relations aussi. "Souvent, lorsqu'il y a des frais inhérents au bateau, la répartition des redevances est compliquée. La fonction du gérant est alors de revenir au contrat, d'appeler les charges et de rapporter sur l'usage des fonds versés. C'est la garantie pour chaque quirataire qui a payé son dû de ne pas se voir réclamer une portion qui ne lui incombe pas de la dette en question."

Enfin, parce que prévoir les pires choses ne les provoque pas : "Ce contrat est important en cas de décès du gérant pour continuer à voir fonctionner la copropriété sans devoir passer par le juge. Le fonctionnement de cette entité n'est pas qu'un état administratif, cela inclut par exemple le droit d'utiliser le bateau, qui sera suspendu aussi longtemps que la vie de l'ensemble sera suspendue à la décision ou à l'ordonnance d'un juge" ce qui, en l'état actuel, peut durer plusieurs mois, voir pire.

L'absence de contrat de copropriété peut amener à l'immobilisation complète du bateau (Photo : Olivier Tourchon)
L'absence de contrat de copropriété peut amener à l'immobilisation complète du bateau (Photo : Olivier Tourchon)

Légaliser le document

Le passage devant le notaire est une assurance donnée à l'ensemble des parties prenantes que tout se passera au mieux dans la vie de leur copropriété. C'est, par exemple, le seul moyen de s'assurer que l'aspect patrimonial sera respecté. Ou encore, qu'aucun des quirataires n'est ni interdit de gestion, ni frappé d'une mesure de surendettement.

"C'est au notaire qu'incombe la charge de vérifier le statut légal de chaque signataire, son identité avant tout, mais aussi sa capacité à signer. Absence de mesure de protection [NDLR : tutelle ou curatelle] ou de condamnation judiciaire qui rendrait sa signature invalide" explique Nicolas Oreal. "Ce document contractuel devient opposable au nom du gérant, par exemple à un tiers qui serait responsable d'un accident contre le bateau."

A défaut de contrat enregistré, les choses iront en se compliquant

Ce contrat a valeur légale d'une part pour les cocontractants (les quirataires) et pour le reste de la "communauté". Il établit l'existence d'une structure qui a pour dessein de gérer et de partager ce bateau entre plusieurs personnes.

Il n'est pas obligatoire, mais son absence fera que le droit commun s'appliquera à la moindre difficulté. Et, souvent, comme le dit Maître Oreal "nous [NDLR :les notaires] arrivons trop tard et ne servons qu'à diriger le demandeur vers un avocat pour ester en justice et faire dire le droit par un juge, alors que la question en objet de cette saisine aurait pu être aisément abordée dans un contrat de copropriété."

Les choses deviennent encore plus complexes à gérer si à la carence de contrat vient s'ajouter le décès d'un des quirataires : "Le contrat de copropriété va définir les droits entre les héritiers du défunt. Certains voudront vendre leurs parts du bateau alors que d'autres voudront utiliser leur quirat. Tous ces points feront partie du contrat de copropriété qui aura été établi devant le notaire" insiste Nicolas. "Il faut garder à l'esprit que la valeur d'un bateau en fait un élément de patrimoine majeur dans une succession et que les amis d'hier peuvent devenir moins enclins à de bonnes relations si les choses sont peu claires."

C'est donc le juge qui, en dernier ressort et à défaut d'acte devra trancher. Avec une loi qui a de l'âge et qui n'est pas adaptée à notre pratique, il ira vers la jurisprudence "qui est particulièrement rare dans le domaine" explique le notaire. Choix perdant à tous les coups !

S'il fallait une phrase de conclusion, le notaire plaisancier l'a tout trouvé : "La copropriété devant le notaire, c'est la garantie de prendre du plaisir dans l'utilisation du bateau."

Dont acte ?

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