À moins d'un mois du départ, dans quel état d'esprit es-tu ?
On est prêt, même si on n'est jamais vraiment serein. Tout s'est vraiment bien passé pour cette première année de mise à l'eau. On a beaucoup navigué, en convoyage, en course. On a préparé le bateau pour la Jacques Vabre à la fin de l'été. On est prêt à partir en convoyage.
On a hâte d'être en course avec Lalou en double. C'est une belle aventure. Je vais beaucoup apprendre. Il a très envie de me transmettre tout ce qu'il sait. Ça sera sa 10e Jacques Vabre. Il va pouvoir me raconter plein de choses.
Ce sera mon premier passage d'Équateur. Je vais découvrir tout ça avec lui. J'ai déjà fait deux transatlantiques en solitaire, mais je suis heureux d'être avec lui.
Quelles sont tes ambitions sur cette Transat Jacques Vabre pour ta première participation ?
D'abord continuer la transmission avec Lalou. Continuer de bien comprendre ce nouveau bateau et apprendre au maximum pour quand je serai seul.
J'ai également un objectif de résultat, car le bateau va vite. Même si les 7 bateaux peuvent bien faire. De l'extérieur, la flotte peut ne pas paraitre homogène tout le temps. Sur le papier, selon la météo, elle est très homogène et chaque bateau est typé pour les conditions que l'on va rencontrer.
Peux-tu nous présenter Arkema 4 et ses caractéristiques ?
On a construit tout le bateau en termes de composite, sauf le mât et les foils. On ne partait pas de zéro puisqu'il y avait déjà eu Arkema 1, skippé par Lalou pendant 5 ans. On a fait quelques modifications par rapport à l'ancien bateau. Le résultat est visuellement différent. On est parti très prudent sur le Pro Sailing Tour, mais on s'est rapidement rendu compte que le bateau marchait bien. On a pas mal navigué en début d'année après la mise à l'eau. En plus de bien marcher, le bateau est joli et on montre que les matériaux de notre sponsor fonctionnent.
On est vraiment contents. Il n'y a pas eu de gros problèmes. Après tout ça reste des prototypes. Il y a toujours des trucs à ajuster. Ça a été une belle récompense pour toute l'équipe qui l'a construit. Il va vite, il marche bien. Il a un gros potentiel de vitesse. On reste quand même prudent, du fait de l'avoir construit nous-mêmes. Quand il y a du vent et de la mer, on n'attaque pas tout de suite. Mais on a pris confiance dans le bateau et la structure.
On a amélioré la zone de vie et de manœuvres. On a travaillé sur l'aérodynamisme et plus rien n'arrête les vagues. Il accélère plus fort, il est plus raide et rentre plus vite dans les vagues. Ça mouille plus. On a emmené plein de cirés !
Ton bateau est l'un des plus récents de la flotte et le Pro Sailing Tour était l'occasion de te confronter au plateau des Ocean Fifty pour la première fois. Avec une 2e place au général, quel bilan en fais-tu ?
On a été très régulier, Leyton (NDLR : vainqueur du Pro Sailing Tour) encore plus. On n'a rien lâché. Sur le final rush, on n'était pas tout le temps bien placé, mais on est revenu dans le match comme il fallait. Il ne manquait pas grand-chose pour que le résultat soit différent.
Pouvoir faire ces 3 grands Prix et le final rush, on ne pouvait pas rêver mieux comme première année. On a navigué plus de 10 000 milles en une année. On a énormément appris sur le bateau. On a enchainé les nuits en mer, réalisé des défis de 24 h au coude à coude. On apprend énormément sur le bateau et la conduite en naviguant au contact. C'est génial.
As-tu fait des optimisations dessus depuis la fin du Pro Sailing Tour ?
On l'a sorti de l'eau 3 semaines début septembre. On a tout démonté, vérifié l'usure des pièces, amené les voiles en voilerie, posé des panneaux solaires, amélioré le roof et le système de porte pour être à l'abri, réalisé un antifouling et un état de surface sur les appendices. On n'a rien renforcé, il y a de plus gros chantiers sur les bateaux de la flotte cet été.
On a pris du temps pour se reposer, du temps pour soi. Après l'étape des Canaries, on n'est pas rentré pendant deux mois et demi. On est resté en Méditerranée. La semaine dernière, on a fait des navigations avec Koesio, on a refait quelques petites navigations. Aujourd'hui, on gère la logistique.
Tu fais équipe avec Lalou Roucayrol, qui t'a accompagné dans ton projet. C'était une évidence ?
Sur cette première transat avec le bateau, il fallait que Lalou soit à bord. C'était important que la première transat ne soit pas en solitaire. Le deal avec Arkema, c'était de commencer le projet par des transats en équipage et en double avant de s'attaquer à un programme de solitaire.
Je vais beaucoup apprendre. Nous n'avons pas la même façon de naviguer. Je suis encore très calibré. J'écoute trop l'ordinateur par moment. Lui va au feeling.
On navigue différemment sur un Ocean Fifty. Ça peut être dangereux. Il faut faire attention, anticiper les manœuvres. À deux à bord, on peut passer toutes les manœuvres plus facilement. Lalou a gagné la Transat Jacques Vabre en 2017 avec Alex Pella. On va voir si on peut faire pareil. On va naviguer du mieux possible.
Avec Lalou, le fait de se connaitre depuis 10 ans joue en notre faveur. Nous ne sommes pas qu'un binôme sur le bateau et à terre pour l'entretenir. On fait aussi notre sport ensemble, on se connait bien. On n'a pas besoin de beaucoup parler. C'est la force de notre binôme. Après le retour des Canaries, il était sur toutes les navigations avec moi. Je prends ma place en tant que skipper et je vais assumer de grandes navigations sans lui.
Quels sont les contraintes et avantages d'un format de course en double en comparaison du solitaire ou de l'équipage justement ?
Il n'y a pas beaucoup de contraintes. On peut être à 100 % sur la vitesse et le potentiel du bateau. Tu peux vraiment dormir, en sachant que quelqu'un est à la barre. Tu lui fais confiance, alors qu'avec un pilote automatique, ça peut être difficile. Notamment en trimaran. On peut aussi discuter de la course. C'est un inconvénient quand tu n'es pas d'accord, mais on arrive généralement à se mettre d'accord. On a aussi une cellule de routage en Ocean Fifty qui nous aide. On se concentre sur la marche du bateau et d'aller le plus vite possible.
En double, les manœuvres sont plus simples et sécurisantes. On va tourner toutes les deux heures à la barre. On peut faire de petits réglages et surtout barrer, pendant que l'autre se repose. Le seul truc plus compliqué à gérer à deux c'est la météo.
Que penses-tu des nouveaux parcours de course ? Qu'est-ce que ça va changer ?
Par rapport à l'ancien, le parcours est intéressant. Il y a plein de transitions et une grande chance qu'il y ait du vent pour le départ. Le bateau ne passe pas très bien la mer. Ça va être une période sympathique pour nos estomacs comme le matériel !
L'avantage de rallonger les milles, c'est d'avoir des conditions changeantes. Les zones passent très vite. On enchaine du portant, ensuite le pot au noir, puis une zone de transition, et du près pour rejoindre Fernando, avant de repartir au portant. Ce n'est pas la ligne droite directe à la sortie du pot au noir. Je suis content d'aller voir l'Équateur et de le passer deux fois. C'est rare.
Ça va quand même être long. Au mieux, on va mettre entre 15 et 17 jours. Si par chance, il n'y a pas de tempête ou de gros coup de vent, ça va être une grosse régate pour les Ocean Fifty. Un match racing à 7. Nerveusement ça va être compliqué. Tous les bateaux peuvent aller vite, donc la météo va faire la différence. Il y aura beaucoup de distance à parcourir. On reste prudent et on ne lâche rien.
Comment te sens-tu face à la concurrence, aussi bien en termes personnels qu'en termes matériels (bateau) ?
Je n'ai pas encore fait de grosses courses, mais ça fait 10 ans que je suis dans le team. Je n'ai pas encore fait de Transat avec Lalou, mais j'ai participé à toutes les courses quand Lalou était skipper : 2013, 2018, 2019. Même si je suis le plus jeune, je ne me considère pas comme bizuth. Au bout de 6 jours au maximum je commençais à me sentir bien sur le bateau. Ils sont funs et vivants. Il faut rester éveillé et concentré tout le temps.
L'expérience de Lalou va compenser la mienne. La concurrence est très réveillée cette année. Tout le monde a son mot à dire. Tout le monde a envie de gagner. Personne n'est favori. C'est différent du Pro Sailing Tour. Les bateaux ont du potentiel et les binômes aussi.
C'est une course longue. Mais on est assez complémentaires et on connait bien notre bateau.
Après la Transat Jacques Vabre, quels sont tes projets ?
On attend un peu le calendrier de la saison prochaine. Mais ça sera sans doute assez similaire. Avec un peu plus de solitaire pour préparer la Route du Rhum. Il y aura aussi la Drheam Cup et peut-être une autre course en solo avant le Rhum. Pour l'instant le partenariat avec Arkema court jusqu'en 2022 après le Rhum.