Intégrer de la fibre de lin dans la construction d'un bateau
Roland Jourdain participera à la prochaine édition de la Route du Rhum 2022 sur un bateau un peu différent de ce que le coureur au large a eu l'habitude de pratiquer. Différent d'abord par sa méthode de construction puisqu'il sera composé d'au minimum 50 % de fibre de lin. Un choix que nous explique celui que l'on surnomme "Bilou"
"On a choisi le lin pour plein de différentes raisons. D'abord parce que c'est la fibre végétale dont la filière est la plus avancée pour ce qui nous intéresse, le tissu technique. On a le plus d'expérience sur cette fibre parce qu'on la teste depuis plusieurs années et qu'on a fait plusieurs bateaux intégrant un maximum de lin. Mais le challenge passe à une taille supérieure."
Un catamaran de 60 pieds de série
En effet, il s'agit de construire un catamaran Outremer 5X de 60 pieds (18,28 m). Une autre nouveauté donc pour Roland Jourdain.
"Je connais moins la grande série et le bateau de clientèle. Mais Marc Van Peteghem (NDLR : architecte chez VPLP et architecte du 5X) m'a conseillé de prendre contact avec Xavier Desmarest, président d'Outremer, qui s'est montré très intéressé par le projet. Il pense que la clientèle a envie d'aller vers des modes de construction plus vertueuse."
Un partenariat vertueux
C'est donc en partenariat avec Terre de Lin – fournisseur de la matière végétale – et Outremer que Roland Jourdain va faire construire ce nouveau bateau. Il est également soutenu dans son projet par groupe Bureau Vallée et son Fonds de dotation Bureau Vallée pour une planète heureuse.
"On a tous une vraie vision du développement durable. On partage l'entièreté de ces problématiques que l'on concrétise avec ce bateau. On travaille également sur la transformation de l'entreprise Bureau Vallée par les matériaux, la réduction de leur empreinte carbone. C'est un vrai aller-retour terre-mer."
Construction collaborative
Le bateau sera construit par le chantier Outremer, qui sera épaulé par Roland et ses équipes pour l'intégration du lin.
"C'est un bateau collaboratif. Le challenge est de mettre un maximum de lin, mais aujourd'hui on ne peut pas construire 100 % en produits biosourcés, comme pour le terrestre. Il y aura aussi de la fibre de verre et les cloisons-cadres sont en carbones. J'aurai peut-être été plus loin dans l'utilisation de matériaux biosourcés, mais il s'agit d'un catamaran de 60 pieds et il y a une notion de sécurité."
Et c'est donc à son bord que Roland Jourdain participera à sa 4e Route du Rhum, qu'il a déjà remporté par deux fois en 2006 et 2010 en IMOCA. Mais dans une nouvelle classe puisqu'il s'agira du Rhum Multi, des bateaux sur deux ou trois coques entre 39 et 59 pieds qui n'entrent dans aucune des autres catégories.
Un bateau démonstrateur
Mais c'est un projet qui va bien au-delà de la technique de la fibre et de la Route du Rhum nous explique Roland Jourdain.
"We Explore (NDLR : le nom du bateau) c'est une conjonction de chemin entre notre aventure professionnelle - au début la course au large et la fabrication moins impactante – et le fonds de dotation Explore, un incubateur pour les aventuriers de demain. Ce sont des gens qui pensent différemment et qui travaillent sur des solutions comme Under The Pole, Captain Darwin, le Low Tech Lab et Nomade des Mers…"
Le choix du modèle du bateau a d'ailleurs été bien réfléchi. Il fallait un bateau de grande taille et plutôt reconnu comme joli. Le bateau sera également "tout nu" de l'intérieur, sans confort.
"Nous avons fait ce choix, car la première année, nous allons expérimenter et analyser le biocomposite. Ce n'est pas plus mal aussi d'être léger pour la Route du Rhum. On va détricoter un bateau pour qu'il serve à plusieurs autres activités. Par la suite, on va intégrer plus fortement des matériaux biosourcés. Il y a pas mal de choses qui se font dans l'aménagement. On va travailler sur la sobriété heureuse, sur le high-tech de demain (les low-tech). L'idée c'est de montrer que l'on a besoin de moins de choses pour être heureux."
À partir de 2023 et les années suivantes, le bateau sera donc utilisé par le fonds de dotation Explore pour animer, sensibiliser et explorer de nouvelles techniques et usages.
"On va peut-être pouvoir apprendre des techniques sur la déconstruction. On va montrer aussi que plus un bateau navigue, moins il impacte. Il doit donc servir à différents types d'activités. On va aller plus loin que l'intégration de matériaux et de techniques."
Une mise en valeur sur la Route du Rhum
Et c'est justement grâce à la Route du Rhum que Roland Jourdain va pouvoir mettre en lumière son projet.
"J'adore faire la course. Je l'ai déjà faite 3 fois et l'ai gagné 2 fois. Elle fait partie de mon chemin de vie au-delà de la compétition. Je reviens dans une autre classe que je ne connais pas, sur un bateau différent. Avec une proposition de faire différent pour demain. La Route du Rhum participe à l'évolution des bateaux et c'est ce que l'on vient montrer. Aujourd'hui, le fonds de dotation Explore a grossi, les projets portés sont super et l'on peut en parler. Kairos (NDLR : entreprise de Roland Jourdain et Sophie Vercelletto) signifie en grec, le moment opportun et c'est maintenant", conclut Roland Jourdain.
