Ian Lipinski navigue en Class40 depuis 2018 sous les couleurs de Crédit Mutuel, un plan Raison qui a introduit la première génération de scow. Il a fait ses débuts sur la Mini Transat, avec deux victoires d'affilée, d'abord en série en 2015 puis en proto en 2017. S'il n'a pas suivi la filière classique pour devenir navigateur au large, il ne s'en illustre pas moins par de belles performances.
À moins d'un mois du départ, dans quel état d'esprit es-tu ?
J'ai un peu de sérénité, ça fait deux ans qu'on prépare le bateau. On est techniquement bien prêt. Je n'ai pas de stress, à la différence d'il y a deux ans où l'on venait de mettre à l'eau le bateau. Petit à petit, l'excitation monte en puissance jusqu'au départ. Je commence à bien y penser, à visualiser les différentes phases.
Quelles sont tes ambitions sur cette Transat Jacques Vabre en tant que tenant du titre ?
C'est pareil à chaque course, faire le mieux possible. J'ai un bateau qui est probablement capable de gagner. C'est beaucoup plus compliqué qu'il y a deux ans parce que cette année, il y aura plusieurs skippers et bateaux performants. Je n'ai donc aucune certitude là-dessus. Vu la concurrence il peut tout se passer. J'ai les mêmes ambitions qu'il y a deux ans, faire naviguer mon bateau le mieux possible, sans faire d'erreur, en ne naviguant pas au-delà de ce que je sais faire et pas moins que ce que je sais faire non plus.
Peux-tu nous parler de ton bateau et de ta préparation ? Tu as beaucoup navigué dessus et tu dois le connaitre parfaitement au bout de deux ans ?
On a fait un gros chantier l'hiver passé. On a changé le mât, le gréement et sa géométrie, on a déplacé des réservoirs de ballast et allégé le bateau. On a également bien travaillé sur le jeu de voile.
Ces améliorations font suite au nouveau plateau en Class40 qui pousse vers le haut. La concurrence est rude. Et on voulait donner le maximum pour améliorer au mieux notre bateau. On a surtout validé les choix qui ont été faits depuis et participé aux entrainements habituels à Lorient avec un groupe de Class40
Peux-tu nous parler de ton co-skipper – Julien Pulvé - et de ce choix ?
J'ai multiplié les co-skippers sur les courses de l'année parce que je ne savais pas lequel choisir. J'avais envie de partager des moments forts avec tous et de naviguer le plus possible. Avec Julien, on s'est rencontré sur la Mini Transat 2015. On était très proches sur l'eau pour la première et la 2e place en bateau de série. Ça nous a beaucoup rapprochés.
Je l'aime bien humainement. Il est très positif, de bonne humeur, respectueux. Il a un passif beaucoup plus régatier que moi, vu qu'il régate depuis tout jeune. Ce qui me rassure, c'est qu'il est plus technique, de par son expérience.
J'ai fait le choix d'un bon ami et je suis content de l'avoir à bord. Ce n'était pas simple de s'entrainer parce qu'il est à La Rochelle, mais on a trouvé du temps dès le printemps dernier et accéléré les choses cet automne. On multiplie les entrainements. On avait déjà navigué ensemble l'année dernière sur la Normandy Channel Race, il connait donc bien le bateau.
Quels sont les contraintes et avantages d'un format de course en double en comparaison du solitaire ?
L'avantage, c'est déjà plus facile psychologiquement. Ça change tout. Dans les coups durs, on va tout affronter à deux. Comme pour les moments sympas. Ça permet de garder la tête froide. C'est rassurant d'être à deux en cas d'imprévus. C'est aussi plus facile pour la gestion du sommeil. Tout est plus facile à deux. C'est l'avantage de l'équipage réduit, j'aime bien ce format. Ça a un côté sympa. On perd néanmoins le gros challenge d'une course en solitaire. En résumé, être à deux c'est du confort.
Que penses-tu des nouveaux parcours de course ? Qu'est-ce que ça va changer ?
La portion jusqu'au Cap Vert, on le faisait à peu près sur l'ancienne édition. Sur cette première phase, ça ne change rien. Par contre, aller aux Antilles, et non plus au Brésil, ça change et c'est plus intéressant. Ça favorise un peu moins les nouveaux bateaux, les carènes performantes avec du portant, du vent arrière. Ça change aussi des choses sur les choix de voiles.
Ça lisse les performances des bateaux entre anciens et nouveaux. Stratégiquement je suis content. C'est plus intéressant, on va tirer des bords, il y a ce décalage nord-sud.
Comment te sens-tu face à la concurrence, aussi bien en termes personnels qu'en termes matériels (bateau) ?
Le plateau est relevé, il y a du niveau. Il y a une quinzaine de bateaux qui peuvent viser la première place. Crédit Mutuel reste performant. On a aussi plus d'expérience que les autres. On connait peu les nouveaux plans : Lombard, VPLP et Verdier. On se questionne, mais ce sont probablement de bons bateaux.
La jauge Class40 est bien faite. Les scows ont des différences de carène, mais ont le même poids, le même redressement. Il n'y a pas de raisons qu'il y a en ait un qui aille plus vite. On n'est pas dans la monotypie, mais quand on voit les différents dessins qui naviguent ensemble, ils sont assez proches au niveau des performances. Si un concurrent est plus rapide, ce ne sera pas grâce à la vitesse pure de son bateau.
Il y a de très beaux noms de la course au large, des Figaristes émérites, des régatiers performants ou des skippers plus typés course au large.
J'essaye de me concentrer sur mon bateau et mon duo pour ne pas trop regarder ce qu'il se passe autour de moi.
Après la Transat Jacques Vabre, quels tes projets ?
D'abord la Route du Rhum 2022.
Ma vraie ligne directrice, c'est de continuer à faire ce métier. J'adore, je me régale. C'est très riche. J'ai envie de continuer à naviguer ; on en discute avec mes partenaires et on regarde ce qu'il se passe en Class40.
Le Tour du monde en 4 étapes me motiverait bien (The Race Around). Pour l'instant ça reste hypothétique, autant de mon côté que du côté de l'organisation de la course. Ça serait très nouveau pour moi. Il y aurait un chantier à faire, chercher les bonnes solutions pour naviguer dans le Sud. Ce serait une super aventure, un peu engagée.