Des régates dès l'âge de 6 ans
Philippe Briand est un "fondu" de compétition. Dès l'âge de 6 ans, il pratique la voile en régate d'abord en Optimist, puis en dériveur et en habitable.
"La voile est un sport technique. À ce stade-là, je me suis rendu compte que le matériel était prédominant dans le résultat. D'autant plus que mon père était déjà dans le milieu en tant que voilier et fabricant de gréements. Techniquement, j'ai été poussé à ne pas faire la même chose que mon père. Et, j'ai dessiné des bateaux."
À cette époque-là, il n'y a pas d'école dédiée à l'apprentissage de l'architecture navale. Et il en existe d'ailleurs encore peu aujourd'hui.
"On a tous été des pionniers. J'ai commencé à dessiner des bateaux de course à 11 ans. Le premier bateau construit sur mes plans l'a été à l'âge de 16 ans. À partir de là, j'ai appris sur le tas. Mon père était un homme très compréhensif. Il a joué un peu le coach et m'a aidé à m'orienter et à trouver ma voie. J'ai fait des bateaux, c'est comme ça qu'on apprend."
Une formation suédoise auprès d'un grand skipper
Très rapidement, Philippe Briand est aiguillé par son père, qui entretient de bonnes relations avec le skipper suédois Pelle Petterson, détenteur d'une médaille de bronze aux Jeux de Tokyo 1964 en Star, puis d'une médaille d'argent en 1972 toujours en Star.
"Il était aussi architecte et designer et avait réussi à monter un chantier de production qui était le plus grand du monde avant Jeanneau et Bénéteau. Il m'a beaucoup appris sur l'esprit industriel de notre métier. Il était aussi coureur et très fameux. J'ai participé avec lui à la conception du 12M J.I pour la Coupe de l'America de 1978 dont Pelle était le skipper du défi suédois. J'ai beaucoup appris sur les bateaux et la Coupe de l'America avec lui grâce à cette double formation en 3 ans. Sur la Coupe, le bateau a été battu lors de la finale des challengers."
Un cabinet spécialisé en bateaux de production et en bateaux de course
À son retour en France, Philippe se retrouve de suite dans le grand bain. Il se met à son compte et ouvre son bureau, à la fois pour dessiner des bateaux de production et des bateaux de course. Il essaye de monter un projet pour la Coupe de l'America.
"J'étais extrêmement jeune. J'ai failli réussir, j'ai été jusqu'au dépôt de challenge. Mon héritage de la Suède et celui des bateaux de production (NDLR : son père travaille pour de grands chantiers navals français) m'ont poussé vers les chantiers de production français."
C'est ainsi qu'il s'introduit chez Jeanneau, dessinant son premier bateau de série en 1978. Une collaboration qui continue encore aujourd'hui.
"C'était un milieu industriel qui naissait, très embryonnaire. J'avais la connaissance interne de ce milieu de par mon expérience suédoise et de par mon père qui était leur fournisseur et qui connaissait bien le produit de série. C'est d'ailleurs le moment où le chantier a commencé à faire des bateaux de plaisance à grande échelle."
Finalement, le cabinet de Philippe Briand se développe énormément dans le bateau de production.
"On est leader aujourd'hui. On a fait le plus de bateaux de série. Il y a plus de 12 000 bateaux dessinés par notre cabinet qui naviguent dans le monde aujourd'hui. On a collaboré avec tous les chantiers français, dont Jeanneau et Bénéteau.
J'ai réussi à mener de front une carrière de compétition en dessinant des voiliers de course. Ma carrière est assez remplie avec des bateaux qui ont gagné l'Admiral's Cup, la Whitbread, plusieurs championnats du monde, la Ton Cup, où j'étais moi-même barreur. J'ai eu quelques succès et investi beaucoup d'efforts dans la Coupe de l'America. J'ai fait 6 campagnes de la Coupe en tant qu'architecte principal. Ça remplit beaucoup une carrière entre la course et les bateaux de production."
Introduction dans le milieu du grand yachting
À partir de 1997/1998, le cabinet d'architecture et de design se tourne vers le milieu des grands yachts. Il réalise d'ailleurs plusieurs dessins iconiques dans la voile, notamment les Mari Cha III et IV, détenteurs de records de l'Atlantique.
"Dans les années 2000, les motoryachts et les superyachts représentaient le marché le plus important de la plaisance. On est entré dans le domaine en 2008. On a une place honorable. On est reconnus pour nos bateaux design et efficaces. Aujourd'hui on est arrivé à notre 8e construction, dont le plus grand mesurait 75 m. Un yacht prend beaucoup d'années à dessiner et à construire. C'est la majorité de notre activité. On garde aussi un pied dans le bateau de production, notamment avec Bénéteau. On est motivé par l'innovation, on veille à ne jamais répéter un dessin. On est curieux, on cherche le bateau de demain. On garde cet esprit de compétition en étant les premiers à le découvrir."
Avoir l'esprit de compétition et innover
Aujourd'hui, Philippe Briand dispose de deux bureaux et regroupe une dizaine de personnes. Le cabinet de La Rochelle est spécialisée dans les bateaux de production "qui sont historiquement notre mission" et celui de Londres est plus orienté vers le design, le superyacht.
"On ne fait malheureusement plus de bateaux de course. Le marché s'est éteint, car il est très sophistiqué. J'adore garder un œil sur tout ça. Mais ce ne sont plus des particuliers qui peuvent s'acheter des voitures de sport pour faire de la course. Ce sont des bateaux exceptionnels pour le Vendée Globe ou la Coupe de l'America."
Animé par l'esprit de compétition et l'innovation bien comprise, Philippe Briand pense avant tout à l'utilisateur final quand il dessine des bateaux.
"J'aime innover pour que mon dessin satisfasse les envies et les usages d'un propriétaire. Je pense à l'utilisateur et je cherche à être innovant pour son plaisir d'utilisation. C'est ce qui fait envie. C'est une industrie d'envie et pas de besoin. Au niveau où l'on est arrivé, on espère avoir une voix pour proposer des projets à des propriétaires ou des chantiers. Notre expérience et notre degré d'innovation permanent nous permet d'imaginer le bateau dans 4 ans. C'est d'ailleurs le temps de gestation d'un bateau privé ou d'un grand yacht."