Des envies de naviguer
Pour Marc Lombard, le bateau est une véritable passion, et ce depuis son plus jeune âge. "J'ai dessiné des bateaux sur mes cahiers d'école pendant pas mal d'années."
C'est à bord du dériveur familial qu'il commence à naviguer avant de s'inscrire en école de voile de croisière au large pour "aller plus loin." Il commence alors à naviguer de plus en plus, en parallèle de ses études au lycée. Il devient ensuite chef de bord et forme des plaisanciers. Après le Bac, son envie de naviguer prend le pas sur celui de poursuivre ses études, malgré les recommandations de sa famille – tous architectes – de poursuivre dans cette voie.
"Il n'y avait pas d'école d'architecte naval. Je suis donc parti de chez moi pour aller construire des bateaux dans le chantier naval Hervé, à La Rochelle. Je trouvais ça intéressant et important de savoir construire des bateaux. C'était très intéressant effectivement, mais je me suis rendu compte que le travail d'ouvrier n'était pas fait pour moi. C'est finalement assez loin de la navigation et le travail n'est pas passionnant tous les jours."
Finalement après des recherches en famille, il découvre une école qui forme des architectes navals en Angleterre, et part outre-Manche pour suivre la formation.
Une rencontre décisive
En parallèle, il navigue toujours beaucoup, notamment pour des convoyages de bateaux de course. C'est ainsi qu'il fait la rencontre de Mike Birch.
"À l'époque, il était convoyeur. On faisait beaucoup de navigations ensemble et l'on s'entendait très bien. À la fin de mes études, il m'a proposé d'aller travailler au sein du chantier Walter Greene, dans le Maine, aux États-Unis, pour construire son bateau de course en bois moulé. J'ai fait les traçages et les dessins du bateau."
En rentrant de sa mission, Marc Lombard travaille 3 mois chez Philippe Harlé à La Rochelle, mais le courant ne passe pas entre les deux hommes.
Un début d'activité dans la course au large
"Comme je connaissais pas mal de gens dans le milieu de la course au large, j'ai décidé de me mettre à mon compte, en créant mon agence en 1982, et trouvé un premier client. J'ai dessiné des bateaux de course, des multicoques, pendant pas mal d'années. La course, c'est bien pour apprendre la discipline et la rigueur. Il faut faire les choses correctement. Ça a été une période de vaches maigres, mais j'ai dessiné quelques bateaux qui se sont illustrés."
C'est avec les plans de l'IMOCA de Philippe Jeantot pour le premier Vendée Globe, en 1990, que son activité démarre vraiment.
"J'ai dessiné son bateau, mais ça permit aussi de rentrer dans le chantier Privilège Marine, qui s'appelait Jeantot Marine à l'époque. Tout de suite, je me suis mis à dessiner plusieurs bateaux pour eux."
Le début des bateaux de plaisance
Au milieu des années 90, il est rejoint par Éric Levet, son acolyte au sein de l'agence, qui fait toujours partie de l'équipe 25 ans plus tard.
"Aujourd'hui, l'équipe a grossi. On est une quinzaine de personnes. On a multiplié les compétences pour la course et la croisière : ingénierie, design, architecture… On sait tout faire."
Aujourd'hui, le gros de l'activité est consacré à la réalisation de bateaux de série pour les chantiers. Privilège Marine le premier, puis aujourd'hui, les 3 plus gros faiseurs du marché : Bénéteau, Hanse (qui a racheté Privilège) et Bavaria (qui a racheté Nautitech).
"On a aussi quelques chantiers étrangers. Quand on a mis un pied dans un chantier et que l'on travaille bien, on continue avec eux. Il y a des chantiers que l'on a suivi depuis presque le début, comme Privilège ou RM."
Le cabinet travaille également pour des projets à l'unité, en fonction des sollicitations des propriétaires.
"On fait assez peu de prospections. Les gens viennent nous voir. Dans le bateau à l'unité, c'est un phénomène de mode. On a beaucoup dessiné de bateaux de course jusqu'en 2005, mais on a ralenti la cadence. Ce n'est pas facile de travailler pour ce milieu pour des raisons humaines. C'est souvent le dernier architecte à la mode qui l'emporte pour les nouveautés."
Un métier de touche-à-tout
L'atout du métier d'architecte naval, c'est la variété des projets et donc des compétences.
"Paradoxalement, on a commencé par la voile et on aime toujours les voiliers, mais on s'est diversifié. L'architecture navale, c'est finalement le plus vieux métier du monde. Il faut s'imaginer que l'homme de Neandertal a dû construire des bateaux pour traverser les rivières. Aujourd'hui, que ce soit la pêche, le commerce, la croisière tout m'intéresse. Je ne suis pas sectaire. J'aime apprendre de nouvelles choses et investir de nouveaux domaines.
Dans la course, on va chercher la performance. Pour la croisière à la voile, l'habitabilité, l'architecture intérieure, les coûts et le design, la convivialité, l'aménagement pour la vie à bord. Pour les bateaux à moteur, la performance, la consommation, l'impact environnemental… Mais finalement, aussi des aspects communs à la voile, mais sous un autre angle.
Tout a une influence sur le métier que l'on fait. On apprend tellement de choses dans d'autres domaines. On se met au service d'une fonction première : la voilure, le plan de pont, la résistance, les études des simulations CFD.
Finalement, le métier d'architecte c'est de mettre en œuvre un objet, un habitat afin qu'il réponde à une certaine fonction. Elle peut changer, mais on doit adapter un dessin à ce que l'on veut lui faire faire. Ça marche de la même manière pour un bateau de croisière de 6000 personnes que pour un voilier."
Marc Lombard Design a d'ailleurs réalisé plusieurs études de design pour le chantier naval STX, en charge de la construction de gros paquebots.
"Ils ont de très bons architectes, mais ils nous ont demandé conseil pour le design. Il y a de la place pour tous les projets et un véritable intérêt à faire des études sur des bateaux différents. Ça me passionne de changer de milieu. En plus ça rend l'entreprise plus solide de diversifier la clientèle : coureurs, milliardaires, aventuriers (pour des projets à l'unité), bateaux de commerce, plaisance, cargos à voile, pêche, même si nos projets n'ont vraiment jamais abouti. Mais on a des idées intéressantes à ce sujet et on ne désespère pas de toucher à ce domaine."
Une structure transversale
La particularité de l'agence de Marc Lombard, c'est la transversalité. S'il y a des chefs de projets dédiés, tout le monde interagit dans les projets : ingénieurs de structure, calculs CFD, dessinateur, modélisateur 2D/3D, architectes, designers…
"On aime que les projets passent dans toutes les mains. Tout le monde amène sa propre idée sur les projets. Je commence à avoir de l'expérience et j'aime avoir du sang neuf dans l'équipe. Ils apportent une vision différente, parce que plus jeunes. Notamment sur le design, que je fais moins maintenant. Je fais du design d'un mec de 60 ans, alors que les gens de 30 ans ont une attitude différente. J'aime que chaque nouvelle idée de design, qui me choquer au départ, soit travaillé pour la rendre cohérente avec la fonction, et la mettre en œuvre du mieux possible. Je joue un peu le rôle de chef de projet. Je récupère les idées pour qu'elles aboutissent de la meilleure des manières."
Un métier de passion et un bagage technique
Aujourd'hui ce qui fait un bon architecte naval, c'est d'abord la formation, mais surtout la passion pour les bateaux, pour la culture maritime.
"Il faut un minimum de formation, de bagage technique. Au sein de l'agence, j'ai principalement des gens qui sortent d'une école d'ingénieur, d'architecture. Le 2e point important, c'est de connaitre les bateaux. Je ne saurais pas dessiner une voiture, mais je sais dessiner un bateau car je les connais. Il y a une culture à mettre œuvre, il faut naviguer et être passionné, sinon on prend de mauvaises décisions.
Après, toutes les spécialisations sont les bienvenues : l'ingénierie mécanique pour travailler sur la structure, le calcul théorique pour faire de la simulation sur des carènes, le design, l'architecture, l'avant-projet. Chacun trouve sa place et on essaye d'avoir des gens dans tous les domaines."