Écologie et nautisme : utopie ou réalité ? Quel impact a notre pratique sur l'environnement ?

© FX Ricardou

Ce matin, votre cousin Patrick vous a appelé pour vous proposer une petite semaine de vacances à bord de son voilier, nouvellement acheté. Enfin une bonne nouvelle durant ces heures sombres de couvre-feux et de confinements ! Vous vous imaginez déjà, navigant au large des côtes, loin de la pollution des grandes villes. La carte postale est belle… en apparence. Car même si votre semaine de vacances ne sera probablement pas très polluante, le cycle de vie du bateau lui, est beaucoup moins vert qu'on ne le pense. Enquête.

On a vite tendance à l'oublier, mais la vie d'un bateau ne se résume pas seulement à son utilisation. Il faut en amont qu'il soit construit (logique) avec des matières premières, puis transporté vers son lieu de livraison, qu'il soit utilisé et qu'un jour il soit éliminé. Toutes ces étapes résument son cycle de vie, et chacune d'elle peut être étudiée afin de quantifier les émissions de gaz à effet de serre en tonnes de CO2 émis.

Construction et élimination : ça coince

Pour construire une coque de voilier ou de bateau à moteur, les fibres synthétiques et les résines chimiques sont reines. Pour être fabriquées, les fibres de verre et de carbone sont chauffées à des températures extrêmement importantes, possédant un coût énergétique non négligeable. Les résines, quant à elles, sont issues de procédés pétrochimiques et nocives pour la santé et l'environnement. La fabrication des moules est également à prendre en compte, et mieux vaut qu'il soit utilisé plusieurs fois, au risque de voir son bilan environnemental grimper en flèche ! Mât, bôme, moteur, safrans, quille, accastillage en tout genre : tous ces éléments sont issus de matières premières, fabriqués et transportés vers le chantier de construction, émettant également du dioxyde de carbone.

Une fois le bateau terminé, il est emmené vers son port d'attache. La pollution émise durant sa phase d'utilisation est plus simple à appréhender - et à maîtriser - pour les plaisanciers : entretien, utilisation du moteur, avitaillement, déchets ménagers…

Et un beau jour, après de (très) longues années de bons et loyaux services, le bateau arrive en fin de vie. Qui n'a pas pris le temps de regarder les bateaux mourants dans les ports ? Couverts d'algues, de rouille, de moisissure, ils font peine à voir et on préfèrerait sincèrement qu'ils soient éliminés « pour leur bien ». L'APER (Association pour la Plaisance EcoResponsable) s'est vue confier en 2018 la mission de gérer la filière de traitement des bateaux de plaisance avec l'objectif de 5 000 bateaux déconstruits par an. En 2019, on peinait à atteindre les 8% de l'objectif fixé. Pourquoi si peu de résultats ? Peut-être est-ce du à l'ignorance de ce nouveau service, ou bien au coût du transport, au frais du propriétaire, pour emmener le bateau dans l'un des 24 centres de déconstruction ?

Prise de conscience

Il est certain que pour mettre en place un changement le plus efficacement, il faut des modèles et des exemples ayant une voix qui porte. Plusieurs skippers de course au large (Roland Jourdain, Stanislas Thuret, Arthur Le Vaillant…) ont décidé d'agir à leur échelle et de se réunir autour d'une association nommée "La Vague", en référence à l'onde qui se propage en mer. Leur objectif est de remettre en question leur sport sous tous les angles : la conception des voiliers, l'organisation des évènements, la communication. Bien que discrète pour le moment, cette structure a le mérite de mettre le doigt sur une problématique d'actualité et de prendre une partie de la responsabilité.

Est-ce donc utopique d'imaginer un nautisme plus propre ? À lire ces lignes, il parait évident que le meilleur moyen de réduire son empreinte environnementale serait … de ne pas construire de bateaux et d'utiliser plutôt ceux existants. Mais les esprits créatifs et entrepreneurs s'en trouveraient bien embêtés ! Il serait peut-être plus intéressant d'effectuer des actions « en conscience » pour ne pas perdre le plaisir de naviguer : entretenir son bateau dans un chantier collectant et traitant les eaux usées, contacter l'APER pour éliminer son bateau, penser au réemploi des voiles et cordages…

Ces nouvelles thématiques de développement durable, certes angoissantes et contraignantes, sont également une formidable opportunité de réinventer le nautisme pour imaginer le monde de demain. Et comme le disait un célèbre sage chinois : « Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas. ». Alors osons faire ce premier pas, aussi ridicule pensons-nous qu'il soit, c'est déjà un pas de fait dans la bonne direction !

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Vincent Dufour
Vincent Dufour
C'est bien une bonne idée de parler de l'impact environnemental global, souvent méconnu. Un autre impact plus connu mais peu ou pas assez mis en lumière se passe sous la coque : les peintures biocides (antifouling) qui sont à la vie sous-marine ce que le glyphosate est aux abeilles ! La plupart ont du cuivre qui tue les larves (et 90% des animaux marins ont un stade larvaire, même les thons !) et les algues également. Si le docking de bateaux a une vertu, pour moi (qui suis biologiste marin et qui construit des bateaux sans fouling) c'est surtout celle là.
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