Un métier d'humilité et d'écoute
Être architecte naval ne se résume pas seulement à savoir dessiner. Il faut également être à l'écoute des tendances et des clients, savoir mélanger la technique et l'humain.
"C'est un métier d'innovation, de curiosité, d'humilité, un peu dans tous les domaines. On a toujours réinvesti ce que nous rapportait la croisière pour développer la course et vice-versa. Pour avoir de meilleurs outils, pour avoir des ingénieurs de talent, pour être meilleur, pour apporter plus à nos clients en ayant parfaitement conscience – et c'est la beauté de ce milieu-là – que c'est un milieu compliqué. La mer c'est une interface entre deux fluides, c'est compliqué. Aujourd'hui, on arrive mieux à modéliser les choses. Tout change tout le temps, il faut donc beaucoup d'humilité.
L'écoute c'est quelque chose de très important. Quand quelqu'un vient vous voir avec un projet de bateau de course ou de croisière, c'est très important de comprendre ce qui est dit ou pas, notamment pour un bateau de croisière.
Des gens ont des cahiers des charges très réfléchis, mais des choses contradictoires. Le rêve de notre dernier client, c'est d'emmener ses petits-enfants naviguer et de pouvoir se réunir tous autour d'une table à cartes."
Une évolution du métier par la technique
C'est à la main que Marc Van Peteghem dessine ses premiers bateaux, utilisant le peu d'outils qu'il a sa disposition à cette époque-là. Aujourd'hui, le métier a beaucoup évolué avec le développement de technologies informatiques notamment.
"Il y a beaucoup de choses qui me passionnent à vrai dire. D'un point de vue technique au début, c'était tout à fait passionnant, car on n'avait rien. On a commencé avec la calculette, le planimètre… On dessinait les plans de forme à la main. C'était au temps où on utilisait le sextant pour naviguer. Je l'ai beaucoup utilisé sur mes navigations et notamment en transat.
Aujourd'hui, on a des gens à l'agence extrêmement compétents, brillantissimes, qui ont des connaissances, des logiciels… Et quand on n'a pas les bons logiciels, on les développe.
On faisait tous nos calculs à la main et aujourd'hui, techniquement je suis totalement dépassé. Je comprends ce que l'on fait, mais je suis incapable de le faire. Heureusement que les choses avancent comme ça. Cette part technique m'a surement passionné.
Pour réfléchir aux formes de coque, avant on se basait sur l'intuition. On n'avait pas grand-chose en termes d'outils. On avait de longues discussions avec les skippers, on pouvait beaucoup plus naviguer sur les bateaux, vérifier nos intuitions et/ou les valider, on traduisait ça en forme par le dessin, la maquette. Ça ne se passe plus du tout comme ça aujourd'hui."
Le design et le développement durable
Finalement, Marc recentre son intérêt sur le design des bateaux. On ne parle ici du design en termes de décoration, mais bien du premier sens du mot design : la conception d'un projet en mettant l'homme au cœur du processus.
"C'est 90 % d'analyse, de réflexion. Il faut comprendre comment ça marche, comment utiliser les choses. Il y a une part de magie, de dessin et d'esthétisme. C'est vraiment à propos de comment les choses fonctionnent et non à quoi elles ressemblent. Ça m'intéresse, car ça interroge sur le pourquoi acheter un bateau, quelle expérience, quelle part de rêve ?"
Marc porte également un fort intérêt au développement durable. Père de 5 enfants, il s'inquiète du monde qu'il va leur laisser. Ni pessimiste ni optimiste, il a décidé de jouer un rôle d'acteur sur ce sujet.
"Quand on dans une tempête, on n'est pas spectateur, on agit !"
Il s'intéresse donc à l'écoconception et aux nouveaux matériaux. Il se tient au courant de ce qui se développe et comment il est possible de les intégrer au bateau. Notamment en faisant des transferts de ce qui a été développé pour le monde de la course au large.
"BMW Oracle, dessiné pour la Coupe de l'America 2010, était doté d'une aile géante de 70 m de haut. Pourquoi ne pourrait-on pas faire une aile arisable, affalable pour décarboniser le transport maritime ? On a mis un certain temps avant d'y arriver. Il y a 6 ans, on a développé un prototype, en partie financé par l'ADEME (Agence de la transition écologique) qui a montré que la solution auquel on avait pensé fonctionnait."
Toujours dans cette optique, VPLP a équipé le catamaran Energy Observer de deux ailes qui donnent entière satisfaction. Ils ont également répondu à l'appel d'offres d'ArianeGroup pour le transport de la fusée Ariane 6 depuis Amsterdam jusque Kourou, en Guyane.
"Ils n'ont pas compris pourquoi on répondait à cet appel d'offres. Ils cherchaient juste un contrat de transport. On a regardé en détail quelles étaient les contraintes. On a développé un bateau doté de 4 ailes de 360 m2 sur le pont. On a analysé le gain de carburant et le gain d'émissions de carbone et on a confié ce projet à des armateurs.
C'est la société Alizés formée d'un joint-venture entre Jifmar Offshore Service et Zéphy & Borée qui a défendu cette proposition. On a finalement gagné l'appel d'offres et la construction commence. VPLP a dessiné le concept, mais on a monté une société différente – Ayro – pour développer les ailes.
On réfléchit aussi à transposer les foils sur des vedettes rapides, qui consommeraient beaucoup moins."