Vendredi 25 décembre : Direction le Cap Horn
Jérémie Beyou, victime d'une importante avarie en début de course – l'obligeant à faire demi-tour – fait parler la poudre avec son foiler. Depuis son entrée dans l'océan Indien, le triple vainqueur de la Solitaire du Figaro a dépassé 8 concurrents encore en course. Il occupe depuis cette nuit la 19e place.
Charlie Dalin (Apivia) a repris les commandes de la flotte depuis le classement de midi. Il navigue au près dans du vent faible et remonte vers le nord pour éviter le cœur de la haute pression. Plus au nord – environ 200 milles – Yannick Bestaven (Maître Coq) ne va bien plus vite. Son idée est de traverser la dépression dans laquelle il est entré et d'en ressortir vers par le haut pour aller chercher la bascule de vent. Les leaders devraient passer le Cap Horn le 2 janvier, avec une journée d'avance sur les routages établis.
Thomas Ruyant – 3e – jongle avec les moyens du bord et de la météo. Pour éviter les vents mous, il a dû monter au nord et a vu son écart avec le leader augmenter progressivement. Mais pas seulement puisque cette position en comparaison du groupe de chasseurs très Sud l'a fait rétrograder au classement.
Dans le groupe de chasseurs – mené par Boris Herrmann (SeaExplorer – Yacht Club de Monaco) – il va falloir choisir entre la route directe le long de la ZEA à petits pas ou une remontée vers le Nord.
Maxime Sorel est revenu à 25 milles de Giancarlo Pedote, lui-même à 30 milles de Benjain Dutreux, 8e de la flotte. Louis Burton rattrape aussi son retard avec moins de 500 milles de retard sur Charlie Dalin.
À l'arrière, Clarisse Crémer a enfin laissé passé la dépression qui lui a coupé la route et avec Romain Attanasio et Armel Tripon, ils ont désormais le droit à une session de vents faibles. D'Alan Roura (La Fabrique) à Didac Costa (One Planet One Ocean), ça file bon train.
Samedi 26 décembre : Le retour du Coq
Yannick Bestaven a repris la pole position devant Charlie Dalin. En frôlant le centre dépressionnaire, il ne lui restait plus qu'à glisser vers le Sud-Est dans un vent encore soutenu (25-30 nœuds) et une mer fort agitée pour retrouver le bord rapprochant du Cap Horn. Thomas Ruyant était samedi après-midi en passe de contourner le centre dépressionnaire et pourrait revenir très fort, mais une bulle se forme sur sa route. Quant au peloton des chasseurs emmené par Jean Le Cam, il n'arrive pas à passer l'anticyclone.
Il faudra attendre la fin du weekend pour se faire une idée plus précise de qui fait quoi et où chacun se positionne. Car il est fort probable qu'après un coup d'accélérateur, 'il y ait un ralentissement qui redistribuerait une nouvelle fois les cartes avec un regroupement général avant d'aborder l'entonnoir du Cap Horn.
Ce sont Arnaud Boissières (La Mie Câline-Artisans Artipôle) et Pip Hare (Medallia) qui semblent les plus en ballottage : une violente dépression venue d'Australie va les coiffer la nuit prochaine (heure française) avant de s'évacuer vers l'Antarctique. Et pour les suivants, la situation météorologique est plutôt favorable avec un flux d'Ouest quasi généralisé dans l'océan Indien.
Alan Roura a informé son équipe ce samedi 26 décembre au matin qu'il était de nouveau victime d'une fuite d'huile au niveau d'un des deux vérins hydrauliques de son voilier.
Dimanche 27 décembre : Les leaders dans le même système météo
Après 7 semaines de course, Yannick Bestaven mène la flotte avec 101 milles d'avance devant Charlie Dalin. Tous deux naviguent désormais dans le même système météo après avoir choisi des routes divergentes – nord et sud.
Après avoir reculé jusqu'à la 10e place, du fait des placements sur l'eau, Thomas Ruyant pointait désormais ce matin à la 3e place du classement de 9 h ce dimanche matin.
Les chasseurs sont obligés de mettre du Nord dans leur route pour contourner la zone de haute pression en passe de glisser définitivement sous la ligne de Zone d'Exclusion Antarctique. Dans ce recalage, Damien Seguin (Apicil), nouveau 4e, Jean Le Cam (5e) et le reste de peloton de 10 skippers perdent un peu de terrain. 11e, Louis Burton (Bureau Vallée 2) pointe à 533,1 milles de la tête. Clarisse Crémer est 12e à 837,6 milles et Armel Tripon à 1053,6 milles.
Plus loin, Arnaud Boissière (La Mie Câline – Artisans Artipôle) et Pip Hare (Medallia) ont eu la présence d'esprit de se poser à l'avant d'une dépression dans laquelle soufflent des vents d'Ouest d'une bonne trentaine de nœuds et profitent de conditions parfaites pour avancer.
Lundi 28 décembre : Le retour des mers déchainées
Après 10 jours plutôt calmes, les marins doivent se réhabituer aux conditions plus typiques des mers australes. Il y a du vent, de la mer, il fait froid, les bateaux sont faiblement toilés et les marins chaudement habillés. De Boris Herrmann (7e) à Isabelle Joschke (5e) en passant par Benjamin Dutreux (10e), tous reconnaissant que ces changements brutaux de conditions sont moralement épuisants.
Yannick Bestaven qui fête ses 48 ans ce lundi 28 décembre n'a pas le cœur à la fête non plus. Brinquebalé, dans le dur, il navigue au portant avec 40 nœuds de vent de Nord-Ouest et une mer de face. Depuis 12 jours, il conserve le trône et risque encore de creuser la distance avec Charlie Dalin, ralenti au centre de la dépression.
Cette dépression concerne les 14 premiers bateaux qui naviguent tous dans des vents soutenus, à des vitesses flirtant avec les 20 nœuds. Après plus de 15 milles parcourus, la flotte est toujours aussi compacte. Seulement 387 miles séparent le premier du 10e. En comparaison, cet écart s'élevait à plus de 5 700 milles il y a 4 ans.
Derrière, tous progressent tant bien que mal vers l'Est. Stpéhane le Diraison (19e) a mis sa course sur pause, son chariot de grand-voile est cassé. Il envisage de s'abriter sous le vent de l'île Macquarie, comme l'avait fait avant lui, Louis Burton. Enfin, Alexia Barrier (25e) a franchi ce matin le Cap Leeuwin.
Mardi 29 décembre : Attention à la dépression
Thomas Ruyant a beaucoup perdu à Noël lorsqu'il est parti dans le nord pour contourner une excroissance anticyclonique. Il laisse ainsi sa 3e place à Damien Seguin (Groupe Apicil), qui mène son bateau d'une main de maitre. Les écarts sont extrêmement minces, 370 milles séparent Yannick Bestaven (1e) et Giancarlo Pedote (10e).
Au sein du top 14, la flotte enchaine les empannages par 55 degrés Sud, dans un vent d'ouest soutenu (30 nœuds) et une mer bien formée. Les places pourraient bien changer rapidement. Mais une dépression secondaire venue du Nord est en train de fondre sur la tête de course en se creusant. Ce phénomène se déplace vers le Sud-Est, va buter sur les côtes chiliennes, au vent des hauts sommets de la Cordillère des Andes et glisser le long des terres jusqu'au Cap Horn, dans un formidable couloir d'accélération…
Mais avant de penser à cette délivrance, les journées se succèdent avec leur lot de contrariétés. Un problème de voile d'avant pour Armel Tripon (13e), un pilote automatique remonté à l'envers, cause d'un gros départ au tas pour Arnaud Boissières (16e), un rail de hook de grand-voile finalement rafistolé pour Stéphane Le Diraison (19e), une bastaque cassée (mais réparée) pour Alexia Barrier (25e).
Mercredi 30 décembre : Éviter le gros temps
À 1 300 milles du Cap Horn, le schéma météo avec lequel les leaders doivent composer pour rallier le troisième des trois grands caps de ce tour du monde est plutôt complexe. Une dépression secondaire dans leur Nord qui va se creuser pour donner des conditions musclées le long des côtes chiliennes, jusqu'à la pointe de l'Amérique du Sud et un couloir de vents plus mous et instables.
Les premiers doivent éviter de se faire matraquer dans 45 nœuds de vent et 7 m de creux, tandis que les poursuivants multiplient les empannages le long de la ZEA. Dans ce contexte, en fonction de sa position sur l'échiquier, chacun adapte sa stratégie pour éviter "la casse" ou la perte de terrain.
Clarisse Crémer fête aujourd'hui ses 31 ans et mesure toute la chance qu'elle a d'être aussi bien placée (12e) à ce stade du parcours.
Jeudi 31 décembre : Un jour comme un autre
Au reaching dans un vent de Nord-Nord - Ouest soutenu, le bateau rouge, collé à la ZEA, file à plus de 20 nœuds de moyenne pour rester à l'avant du front qui le propulse vers la sortie du Pacifique, Yannick Bestaven est à l'attaque. Il lui reste 850 milles à tenir jusqu'au passage du Cap Horn.
150 milles dans le Nord de son prédécesseur, Charlie Dalin est dans le même état d'esprit et se livre à une course poursuite avec le front qui ne lui laisse pas d'autres choix que d'appuyer sur l'accélérateur. Si les deux hommes réussissent leur coup, ils pourraient bien prendre un sacré avantage – de plusieurs centaines de milles - au passage du Cap Horn dans la nuit du 2 au 3 janvier.
En 4e position, Thomas Ruyant est aussi un des plus rapides ce jeudi après-midi. Le skipper de LinkedOut tente un passage par le Nord et bénéficie pour l'heure de belles conditions pour accélérer aux abords de la grosse dépression secondaire.
Derrière, de Damien Seguin, 3e, à Giancarlo Pedote, 11e, ce n'est pas ambiance champagne et serpentins. Le peloton de chasse est pris au piège dans un trou d'air. Ces chasseurs sont en train de se faire rattraper par le trio Crémer/Tripon/Attanasio qui cavale à l'arrière de la dépression dans un bon flux de Sud-Ouest.
Si les navigateurs ont une pensée pour leurs proches et la terre, cette 53e journée de mer ressemble à toutes les autres et sera vécue au rythme imposé par les bateaux, la stratégie, la météo.