Vendredi 4 décembre : Un océan Indien démonté
Alex Thomson (Hugo Boss) est arrivé à Cape Town dans la matinée et devrait bientôt être rejoint par Sébastien Simon (Arkéa Paprec). Ils ne sont plus que 29 marins en course. 12 % des bateaux au départ des Sables-d'Olonne ont abandonné, des chiffres dans la moyenne puisqu'on sait qu'environ la moitié de la flotte seulement termine son tour du monde. Samantha Davies (Initiatives-Cœur), victime d'un choc avec un OFNI se dirige elle aussi vers l'Afrique du Sud pour s'abriter dans la baie et tenter de réparer.
La tête de la flotte a parcouru un peu plus de 30 % du parcours. Si la descente de l'Atlantique a été assez molle, la traversée de l'océan indien sera rapide, en raison d'un système dépressionnaire qui s'étend presque jusque Cap Leeuwin. Les 7 premiers navigateurs alignent des moyennes journalières de plus de 400 milles, et pourtant, ils ont plutôt le pied sur le frein. Les conditions sont dantesques, ça tape, les bateaux cognent…
Si Charlie Dalin (Apivia) mène toujours le peloton, son dauphin Louis Burton lui a repris 100 milles. Avec son option très sud, il a su prendre le wagon en marche. Du premier jusqu'à Maxime Sorel (V and B – Mayenne), tous naviguent dans 20 à 30 nœuds de vent sur une mer qualifiée de "défoncée) par Damien Seguin, 5e de la course.
Romain Attanasio et Clarisse Crémer se sont fait rattraper par les hautes pressions et naviguent désormais à moins de 10 nœuds. La moitié de la flotte navigue encore en Atlantique Sud, les derniers ont désormais 10 jours de retard sur Charlie Dalin.
Samedi 5 décembre : Sam Davies abandonne à son tour
Sam Davies a officialisé son abandon ce samedi 5 décembre alors que la flotte continue de progresser et s'étale sur plus de 3 700 milles. La navigatrice veut réparer pour pouvoir repartir hors course et boucler son tour du monde, aussi bien pour les enfants à sauver que pour son âme. La navigatrice a été bouleversée par le très violent choc avec son bateau.
Charlie Dalin lutte contre une mer désordonnée avec des rafales jusqu'à 40 nœuds, mais maintient son avance, avec 190 milles sur Thomas Ruyant. Derrière eux, une dépression se creuse avec des rafales à 50 nœuds ; les skippers devraient la rencontrer dans la nuit de mardi à mercredi.
Ce premier groupe s'étend sur 670 milles avec Maxime Sorel à la 11e place, fermant la marche. Les conditions sont instables, les courants forts, la mer agitée. Louis Burton (3e) a enfin réglé ses problèmes d'électronique et Jean Le Cam (6e) ses soucis de pilote automatique. Il a d'ailleurs été le plus rapide de ces dernières 24 h.
Derrière le groupe de tête, Romain Attanasio et Clarisse Crémer ont enfin retrouvé un peu de vent après avoir le Cap de Bonne-Espérance. À 300 milles plus à l'ouest, le quatuor de foilers Alan Roura (La Fabrique), Stéphane Le Diraison (Time For Oceans), Armel Tripon (L'Occitane en Provence) et Arnaud Boissières (La Mie Calîne – Artisans Artipôle) se rapprochent du Cap de Bonne Esperance qu'ils devraient franchir dimanche. Mais ils doivent surtout gérer une dépression qui descend plein sud et pourrait les pousser à proximité de la Zone d'Exclusion des Glaces d'ici deux jours.
Pour le dernier groupe, les conditions varient. Fabrice Amédéo (22e, Newrest – Art & Fenêtres) est englué dans l'anticyclone de Sainte-Hélène, Alexia Barrier (TSE – 4myplanet) bénéficie de conditions plus propices. Jéremie Beyou (Cahral) n'arrive pas à toucher de vent fort et Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One) répare un problème de bout-dehors.
Dimanche 6 décembre : Kevin Escoffier débarqué
Ce dimanche matin, Kevin Escoffier (PRB) a enfin quitté l'IMOCA de Jean Le Cam, récupéré par la frégate Nivôse de la Marine Française qui fait route vers La Réunion. Pour les deux hommes de tête, Charlie Dalin (Apivia) et Thomas Ruyant (LinkedOut), toujours séparés par 200 milles, le dilemme est ce front qui arrive mardi prochain, avec des conditions chaotiques, 45 nœuds de vent et 7,5 m de creux. Deux options s'offrent à eux : passer dans le front et se trouver au cœur de la tempête ou ralentir pour le laisser passer. Une option apparemment prise par le leader qui a commencé à ralentir. Dans le groupe de tête, composé de 11 skippers, tous s'interrogent sur l'attitude à adopter.
À 450 milles plus à l'ouest, Romain Attanasio et Clarisse Crémer retrouvent enfin des vents plus forts (plus de 15 nœuds depuis ce matin). Pour le quatuor qui suit, près de 600 milles plus à l'ouest, pas de répit. Alan Roura (La Fabrique), Stéphane Le Diraison (Time for Oceans), Armel Tripon (L'Occitane en Provence) et Arnaud Boissières (La Mie Câline - Artisans Artipôle) vont certes passer le Cap de Bonne-Espérance dans la nuit, mais surveille avec assiduité une dépression venue de Port-Elizabeth, qu'ils devront affronter dans deux jours.
Le dernier groupe, composé de huit skippers, pointe toujours au cœur de l'Atlantique Sud.
Lundi 7 décembre : Déjà une semaine à subir les ardeurs de l'Indien
Charlie Dalin et Thomas Ruyant doivent aller très vite pour tenter d'échapper au front qui s'étend sur 1 000 milles au nord des Kerguelen. Dans 24 h, elle va se transformer en une dépression secondaire virulente et progresse vers eux à la vitesse de 25 nœuds. Les deux navigateurs maintiennent des vitesses élevées, 20 nœuds, soit des surfs à 28/30 nœuds, facilités par une mer plus sage et alignée dans le sens du vent de nord-ouest. Charlie Dalin est l'homme le plus rapide de la journée et frôle avec le record de distance en 24 h (536 milles) détenu par Hugo Boss.
Les 9 bateaux qui naviguent dans le sillage de Charlie et Thomas se sont fait dépasser par le front (50 nœuds dans les rafales !). À l'arrière, l'état de la mer - déplorable - et le fort flux de sud-ouest rendent difficile tout compromis vivable. La mer est démontée, il faut jongler entre les survitesses et des vitesses trop lentes qui font exploser les vagues sur les tableaux arrière.
Depuis une semaine, le peloton de tête navigue dans l'océan indien et endure ses sautes d'humeur et ses mers démontées. Des conditions difficiles pour l'humain et le matériel.
Pour le reste de la troupe, ce grand Sud se fait pourtant désirer. Après une bonne journée passée dans les calmes, Alan Roura, Armel Tripon, Stéphane Le Diraison et Arnaud Boissières, ont vécu le passage du Cap de BonneEspérance hier (dimanche) comme une libération, une joie. Ce groupe surveille de très près la formation d'une dépression dans le sud de l'Afrique du Sud qui pourrait les enfermer, au près (!) le long de la Zone d'Exclusion Antarctique.
Les prochains devraient être Manuel Cousin, Didac Costa et Pip Hare. Pour les huit retardataires, l'approche de l'Afrique du Sud est encore laborieuse et seul Jérémie Beyou affichait ce lundi une vitesse supérieure à 15 nœuds. Lorsque les leaders auront franchi le Cap Leeuwin, les derniers entreront juste dans l'océan Indien.
Mardi 8 décembre : Déjà un mois de mer !
Un mois après le départ de la course, 3 800 milles séparent le leader – Charlie Dalin – du dernier – Jérémie Beyou – et la flotte est scindée en trois grands groupes répartis entre l'Atlantique Sud et l'Océan Indien. 30 jours c'est un peu moins de la moitié du temps de course maos en distance, les premiers n'ont parcouru que 38 % du parcours. Ils sont au milieu de l'océan Indien, tandis qu'il y a quatre ans, Armel le Cléac'h avait déjà passé la longitude du Cap Leeuwin. Il faut dire que depuis le départ, les conditions météo n'ont jamais favorisé une course rapide, notamment en Atlantique.
Un des faits notables de cette course, c'est la ténécité des bateaux à dérives droites face aux foilers ! Damien Seguin, Benjamin Dutreux ou encore Jean Le Cam font la niaque aux bateaux volants ! Entre Thomas Ruyant (2e) et Omia – Water Family (5e), des bateaux de 12 ans d'écart, il n'y a que 200 milles s'enthousiasme le routeur Christian Dumard.
Depuis 48 h, ce groupe fait le dos rond de part et d'autre d'un front qui s'étend au nord des Kerguelen. Yannick Bestaven (3e), confiant rencontrer des conditions animales et avoir rentré ses foils. De Bestaven à Sorel (11e), ils sont neuf à avoir ralentis pour laisser la dépression s'évacuer vers le Sud-Est.
Apivia et LinkedOut sont eux trop en avance pour l'éviter. Charlie Dalin expérimentait déjà dans l'après-midi des conditions très dures : 40 nœuds de vent de travers, sous voilure ultra réduite, n'avançant qu'à 10/12 nœuds. Thomas Ruyant, plus au nord, sera mieux protégé des vents violents. Pour les deux hommes, ce 30e jour de mer sera sans doute le plus rude depuis le départ.
Mercredi 9 décembre : La tempête a frappé
Sur les images envoyées par Charlie Dalin, le navigateur avance avec trois ris et rien devant, même pas le petit tourmentin, voile de tempête. Après une nuit et une matinée dans 50 nœuds de vent, le leader a empanné pour se caler dans le flux de sud-ouest. Sa vitesse est restée très modérée toute la journée. 250 milles derrière, Thomas Ruyant a choisi une route plus septentrionale, en passant à 7 milles au nord de l'île d'Amsterdam, un itinéraire qui l'a mis à l'abri des vents les plus forts. Après des rafales à 60 nœuds, et un empannage, le skipper profite de conditions plus clémentes, avec 30 nœuds de vent.
Cap au sud, les deux leaders devraient profiter de conditions plus stables ces prochaines 72 heures.
Pour leurs poursuivants, le vent est encore soutenu. Par 45° Sud, Louis Burton, le plus méridional de tous, a retrouvé son fauteuil de 3e devant Yannick Bestaven, Benjamin Dutreux et Boris Herrmann, dont la trace se confond aujourd'hui avec celle de Damien Seguin. Depuis 3 jours ce dernier tente de résoudre des problèmes électriques qui provoquent des black-out, synonymes de déconnexion du pilote automatique et de départ au tas.
Depuis bientôt dix jours, ces 11 solitaires - poursuivis par Romain Attanasio (12e) et Clarisse Cremer (13e) -, sont embarqués dans le train fantôme du Grand Sud et vivent une interminable succession de coups de stress.
Pour Stéphane Le Diraison et Alan Roura, l'entrée dans l'Océan Indien est chère à payer. Le premier est coincé dans une zone sans vent face à une houle de 4 m tandis que le 2 navigue avec une mer de face avec 25 nœuds de vent dans des conditions décrites comme invivables.
Armel Tripon s'est échappé et navigue désormais seul, devant ses compères Roura, Le Diraison et Boissières. En 10 jours, il a gagné 8 places au classement et se retrouve aujourd'hui dans des conditions idéales pour poursuivre sa glissade dans l'océan Indien.
À l'arrière, enfin, le groupe des 8 emmené par Fabrice Amedeo navigue à la lisière d'une dépression qui va les porter jusqu'au Cap de Bonne-Espérance
Jeudi 10 décembre : Un peu de répit !
Les leaders soufflent enfin ! La dépression s'est évacuée vers le Sud-Est pour laisser place à un petit système dépressionnaire qui offre des vents d'Ouest réguliers – entre 25 et 30 nœuds -, un peu de soleil et une mer praticable. Tout le monde fait route au portant, cap au Sud-Est en direction de la Zone d'Exclusion Antarctique. Cette dernière a été quelque peu modifiée, rabaissée de 3 degrés dans le Sud (environ 150 milles) pour ouvrir un jeu stratégique entre les concurrents.
Les skippers vont désormais pouvoir se reposer et se remettre de leurs émotions. De la 3e à la 9e place, Louis Burton (toujours plus Sud), Yannick Bestaven, Benjamin Dutreux, Jean Le Cam, Damien Seguin, Boris Herrmann et Isabelle Joschke se tiennent en moins de 200 milles.
Stratégiquement, il n'y a pas de grandes manœuvres à venir. Les écarts vont se faire essentiellement à la vitesse, puisque les bateaux vont ralentir à l'approche d'une zone transitoire avant la prochaine dépression.
À l'arrière, les duos et trios se sont formés. Romain Attanasio et Clarisse Crémer se suivent à distance à 900 milles de la tête de course. Plus loin Armel Tripon, l'homme le plus rapide de ce 32e jour de course fait cavalier seul dans l'océan indien. Grâce à la météo favorable, il gagne chaque jour un peu plus de terrain. Il a délaissé ses compagnons de voyage – Alan Roura, Stéphane Le Diraison et Arnaud Boissières – qui naviguent tous trois dans le Sud-Est de Bonne Espérance. Derrière, Pip Hare et Manuel Cousin sont inséparables depuis 5 jours.
Fabrice Amédéo, qui devait être le prochain) passer Bonne-Espérance est victime de problèmes informatiques – ses deux ordinateurs de bord sont HS. Le skipper de Newrest Art & Fenêtres fait cap au Nord-Est pour tenter de résoudre ce problème qui l'empêche de recevoir et d'exploiter la météo.
Dans le dernier groupe, Alexia Barrier se régale au gré des surfs, tandis que Jérémie Beyou n'est plus qu'à 65 milles d'Ari Huusela. Cette nuit, il pourrait doubler son premier concurrent depuis son nouveau départ des Sables-d'Olonne.