Le sauvetage en mer, un devoir moral autant qu'une obligation légale, encadrée et organisée

Le sauvetage de Jean Le Cam de Kevin Escoffier sur le Vendée Globe 2020 est un cas d'école. Tant pour la qualité de navigation des coureurs présents sur zone que dans l'organisation des recherches dirigées depuis la terre. Retour sur le déroulement des recherches.

Le droit de la mer est régenté par une myriade de textes et de conventions. Le droit du sauvetage en mer est plus légèrement régi, par principalement deux textes. La convention SOLAS (Safety Of Life At Sea) de 1974 d'une part, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 d'autre part.

Des obligations légales

Que nous demande la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ?

Dans son article 98, elle dispose que :

  1. Tout État exige du capitaine d'un navire battant son pavillon que, pour autant que cela lui est possible sans faire courir de risques graves au navire, à l'équipage ou aux passagers :
  • Il prête assistance à quiconque est trouvé en, péril en mer
  • Il se porte aussi vite que possible au secours des personnes en détresse s'il est informé qu'elles ont besoin d'assistance, dans la mesure où l'on peut raisonnablement s'attendre qu'il agisse de la sorte

[...]

  1. Tous les Etats côtiers facilitent la création et le fonctionnement d'un service permanent de recherche et de sauvetage adéquat et efficace pour assurer la sécurité maritime et aérienne et, s'il y a lieu, collaborent à cette fin avec leurs voisins dans le cadre d'arrangements régionaux."

En d'autres termes, dès qu'un navigateur a connaissance de la détresse d'une personne en mer, il est soumis à l'obligation légale de se rendre promptement auprès des personnes en danger et leur porte assistance.

Le bon sens et la fraternité avant tout

Jean Le Cam et Kevin Escoffier après le sauvetage de ce dernier au cours du Vendée Globe 2020
Jean Le Cam et Kevin Escoffier après le sauvetage de ce dernier au cours du Vendée Globe 2020

Comme c'est le cas sur le Vendée Globe, il n'est évidemment pas nécessaire qu'une direction de course intime l'ordre à un navigateur de se porter au secours d'un autre pour que celui-ci le fasse. Le bon sens marin, la fraternité des gens de la mer suffisen pour que cette initiative soit prise sans questionnement quant aux risques éventuellement encourus.

Des contre-exemples existent

C'est aussi, car certains, poussés par d'autres intérêts plus personnels ou commerciales ne répondent pas ou font mine de ne pas entendre des appels de détresse d'autres bâtiments qu'il a été nécessaire de concevoir cette réglementation. Le plus connu reste, sans doute, le cas du Californian qui aurait pu, dit-on, porter assistance au Titanic lors de son naufrage, au milieu de l'Atlantique, en 1912.

Le californian, qui aurait pu prêter assistance au Titanic
Le Californian, qui aurait pu prêter assistance au Titanic

Une course dans la course

Pour autant, le fait de porter assistance à un autre navigateur, obligation légale, morale ou exigence d'une direction de course, représente une course dans la course. D'autant plus lorsque le radeau de survie a été percuté. Ce sont les connaissances étendues des météorologues sur les courants et les vents d'une part, d'autre part des ingénieurs compétents dans la dérive des radeaux qui permettent, en se basant sur la zone de mise à l'eau du radeau de calculer, d'heure en heure, la position estimative de l'engin de sauvetage.

Zone de déclenchement de la balise du navigateur
Zone de déclenchement de la balise du navigateur

C'est avec une précision helvète qu'ils y parviennent. Jean Le Cam se trouvait à 1,5 mille de Kevin Escoffier lorsqu'il a aperçu son radeau et Kevin Escoffier aura parcouru que 7,05 milles entre le lieu de déclenchement de sa balise et le lieu de sa récupération par Jean Le Cam.

Le rapport à la cartographie de ce sauvetage est riche en apprentissages. À 14h30 (heure de Paris), lorsqu'il déclenche sa balise, le skipper de PRB connait des vents de 22 noeuds soufflant du 246°.

Météo de Kevin Escoffier au moment du déclenchement de sa balise
Météo de Kevin Escoffier au moment du déclenchement de sa balise

À 19h, il passe au 229° pour 23 noeuds, puis se stabilise aux alentours de  206° à 03h le 1er décembre. C'est donc un vent poussant Nord-Nord-Est qui aura amené le navigateur au point où il a été pris en charge sur Yes We Cam, au Nord-Nord-Ouest de l'endroit où il a déclenché sa balise (Lieu de déclenchement de la balise d'escoffier S40° 55' 0'' E9° 15' 0'' Lieu de récupération du navigateur S40° 48' 7'' E9° 13' 0''), par les effets conjugués de la dérive due au vent et de celle due au courant.

Météo de Kevin Escoffier à 19h
Météo de Kevin Escoffier à 19h
Météo de Kevin Escoffier au moment de sa récupération
Météo de Kevin Escoffier au moment de sa récupération.

 Collaboration mondiale 

MRCC Cape Town
MRCC Cape Town

L'autorité responsable de l'organisation de ce sauvetage a été le MRCC de Cape Town, en Afrique du Sud, dont le pouvoir s'étend de la Namibie au Mozambique, tout au long du cap sud de l'Afrique au Nord, à l'Antarctique au Sud.

Zone de compétence du MRCC Cape Town
Zone de compétence du MRCC Cape Town

La balise EPIRB d'Escoffier déclenchée, l'appel a été reçu par les militaires du CROSS Gris-Nez (France), qui fait partie du système SaR (Search and Rescue) mondial. Il a rapidement été transmis aux autorités d'Afrique du Sud, gestionnaire de la zone. C'est à ce titre que les ce pays est responsable de l'organsation des secours sur la zone. Le personnel du centre, en France, se met donc à la disposition de l'autorité distante pour, au besoin, étudier les moyens éventuellement présents sur place. Au même titre, d'ailleurs, que l'ensemble des pays membres du SaR. Les sauveteurs sud-africains auront, notamment, contacté l'armée américaine pour vérifier la présence éventuelle d'un bâtiment dans les environs de la zone de déclenchement. De même pour les bâtiments de la Marine Nationale potentiellement alentour. Durant toute l'opération, les militaires du CROSS auront été en relation avec la Direction de la Course toutes les 10 minutes, pour maintenir ouverts et à jour les canaux d'information, montant comme descendants.

Le CROSS Gris Nez
Le CROSS Gris Nez

La terre mène les opérations

Fonctionnellement, les skippers sont télécommandés depuis la terre, par la direction de course (ce qui permet d'échanger en français avec des interlocuteurs déjà connus) pour se rendre sur zone. Le tout étant géré par les autorités locales de sauvetage (les MRCC pour Maritime Rescue Coordination Centres comme les CROSS en France) qui s'assurent de déployer les moyens nécessaires et eux seuls, afin de ne pas engendrer de situation dans laquelle l'organisation du sauvetage deviendrait incontrôlable. On imagine aisément l'impossibilité de réussir à sauver si, par exemple, 2 bateaux sont, au même moment, en train de tenter de s'approcher du radeau.

Désynchroniser les arrivées sur place 

C'est pour cette raison que les déroutages ne sont jamais ordonnés simultanément. Dans le cas de l'opération du Vendée Globe 2020, Jean Le Cam a d'abord été dérouté pour se rendre sur zone (il était le plus proche), puis Yannick Bestaven et Boris Herrmann ont été appelés à se déplacer aux-aussi pour compléter les recherches. Enfin, Sébastien Simon sera envoyé sur place. Une zone donc quadrillée par 4 bateaux, arrivant à des moments distincts. Ces instructions de déroutage auront été émises par le MRCC de Cape Town.

Nécessité de coordination

La stratégie d'un organisateur unique (le CROSS en France) des actions représente la seule qui soit efficace, elle permet de monopoliser les acteurs indispensables et eux seuls, maximisant les chances de succès de l'opération dont l'objectif central consiste, rappelons-le, à préserver la vie de la personne danger sur l'eau. C'est la raison qui explique qu'en tant que plaisancier, nous ne devons en aucun cas intervenir sur un sinistre sans en aviser les autorités (canal 16), sauf à nous assurer que nous ne troublions pas l'action déjà en cours.

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Daniel charles Delidais
Daniel charles Delidais
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