Endroit stratégique et bien caché des IMOCA, le puits de quille est situé entre le mât, la quille et les foils. Dans l'histoire du Vendée Globe, bien des déboires, des incidents voire des abandons sont causés par cette zone du bateau bien peu expliqué.
Nous avons questionné David de Prémorel du cabinet d'architecture Finot-Conq à ce propos. Ces architectes ont dessiné 18 IMOCA dont 4 ont remporté le Graal ! Dans cette édition 2020, l'équipe suit 3 de ses bébés : La Fabrique, Time for Océans et Groupe Apicil. Des connaisseurs de la quille basculante. Rien de mieux pour répondre à mes questions sur ce fameux puits de quille !
David, pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le puits de quille ?
Son but est d'abriter la partie haute du voile de quille ainsi que la tige du vérin hydraulique servant à incliner celle-ci. C'est un espace situé en avant ou en arrière de la cloison de pied de mât. Il est coincé entre une autre cloison ou une varangue (petite pièce de charpente en travers de la coque, en fibre de carbone ne montant pas jusqu'au plafond). Deux cloisons longitudinales et un couvercle ferment la boîte. C'est un élément de sécurité, au port et en navigation, car il assure l'étanchéité du bateau grâce à une hauteur bien au-dessus de la ligne de flottaison. Le passage du vérin dans la cloison est assuré par deux trous sur lesquels sont fixés des soufflés.
Vu où il est situé, il doit encaisser des efforts énormes ?
Les efforts passent essentiellement par les cloisons avant et arrière du puits de quille, celles qui soutiennent les paliers de fixation de la quille et l'accroche du système de vérin hydraulique. On observe des efforts très importants en transversal quand la quille est relevée au maximum (au prés par exemple). Pour information : l'angle d'inclinaison maximum de la quille est de 38° de chaque bord.
Au point de vue sécurité, la jauge vous contraint beaucoup ?
Oui, on peut parler des efforts longitudinaux, ceux d'un talonnage (choc sur le fond). La jauge impose des contraintes pour résister à plusieurs tonnes sur le bulbe de quille. Cela représente un arrêt de 3G tout en respectant des coefficients de sécurité importants. En cas de choc, les deux paliers qui soutiennent l'axe de quille vont s'écarter, nous devons empêcher cette action en calibrant les structures, mais pas trop, car ce sont des bateaux de courses !
On entend beaucoup parler d'un angle de tilt, pouvez-vous nous expliquer ?
Le tilt c'est l'inclinaison de l'axe de rotation de la quille. Concrètement, le palier avant est plus haut que celui de l'arrière. C'est déterminé dès la conception de l'IMOCA et n'est pas réglable.
La jauge autorise un tilt entre 4° et 9°. Plus cet angle est important, mieux c'est ?
Alors oui et non, le tilt change le profil du voile de quille quand on la bascule. Un peu comme le profil d'une aile d'avion. Basculée, elle est "soulagée". Mais si c'est trop, cela fait perdre au bateau du moment de redressement en appuyant trop sur le foil sous le vent, l'incitant alors au chavirage.
Merci à David de Prémorel pour tous ces renseignements.
